La saga COTCO : Le Tchad au supplice

Written by  Sep 22, 2023

Le « génie visionnaire et patriotique » du Président de Transition en matière d’ingénierie de gestion des ressources pétrolières, mis en musique par sa « task force » sous la haute férule du SGP, continue de surprendre par sa candeur confondante. Savannah en profite sans coup férir pour soumettre le pays au « supplice de la goutte d’eau » à travers des condamnations échues et à venir comme en témoigne le dernier épisode avec la décision conservatoire de la justice américaine du 15 septembre 2023.

La décision de la justice américaine dont l’écho a fait florès dans l’opinion n’est à la vérité qu’un simple corollaire de la sentence pré-arbitrale du 28 juillet 2023 (voir notamment nos commentaires dans les colonnes de Ialtchad Presse (www.ialtchad.com) : « Affaire Savannah : Et la loi d’Airain de l’arbitrage frappa le Tchad ». Elle est néanmoins redoutable pour la filiale gabonaise de la City Bank (détentrice des avoirs COTCO) à cause de l’imprimatur de la justice américaine dont aucune banque à vocation internationale ne peut résister à la décision au risque de s’exposer au mieux, à la saisine de ses actifs sur le territoire de l’Uncle Sam et au pire, à l’interdiction d’opérer toutes transactions en Dollars dans le monde entier ; ce qui obérerait purement et simplement son activité à l’internationale. Un comble pour une banque.

La décision de la justice américaine du 15 septembre dernier appelle néanmoins les commentaires suivants :

Un, elle est absolument sans effet et lien avec le contentieux de l’indemnisation de la nationalisation des actifs pétroliers de Doba. Ce dernier dont l’instance est en cours devant la chambre arbitrale de Paris, sera autrement plus explosif et redoutable pour le Tchad. Le pays y encourt la condamnation au bas mot au paiement à Savannah ou à ESSO d’une somme de 250 milliards de FCFA au principal, sans égard aux dommages et intérêts et aux intérêts moratoires inévitables (qui peuvent aussi se compter en milliards supplémentaires de FCFA). En effet, commettre un acte inconsidéré de souveraineté comme cette nationalisation au forceps, flatte l’ego, mais ne pas budgétiser ou provisionner son coût financier, soit parce que le pays n’en a pas les moyens soit parce que les dirigeants n’y ont pas pensé, (les deux d’ailleurs vont de pair) frise simplement l’indigence du leadership (voir en ce sens, la tribune dans Ialtchad Presse (www.ialtchad.com), « ACTIFS PÉTROLIERS, POISON D’UN PATRIOTISME DE L’ÉMOI »

Deux, il est vraisemblable que le pouvoir Camerounais dont COTCO relève de la juridiction, tente de jouer la finesse, pour ne pas assumer le risque d’un refus de prêter son concours à l’exécution de la sentence pré-arbitrale du 28 juillet passé, en traînant les pieds, afin de ménager la susceptibilité du pouvoir Tchadien. C’est probablement la raison pour laquelle, Savannah qui aux termes de la sentence pré-arbitrale, devrait réinvestir la tête de l’exécutif de COTCO, a dû se résoudre à saisir la justice américaine pour demander la mise sous séquestre des avoirs de COTCO à la City Bank Libreville. Elle n’en aurait pas eu besoin si elle avait repris effectivement les commandes de COTCO comme l’a prescrit l’arbitre.

Trois, à la vérité, il faut affirmer que dans le contentieux au fond de l’affaire COTCO (à ne pas confondre avec le contentieux de la nationalisation des Actifs pétroliers de Doba) entre le Tchad et Savannah, si le Tchad est débouté de ses prétentions, c’est-à-dire, s’il perd le procès, cette perte n’engendrera pas de coût ni de risque direct financier pour le contribuable Tchadien. En effet, les 41,06% des actions du capital de COTCO dont le Tchad revendique la propriété, appartenaient à ESSO (Exxon Mobil) qui dit les avoir cédés à Savannah Energy. À date, le Tchad n’a déboursé aucun centime de FCFA pour les acquérir ou indemniser Savannah ou ESSO. La perte de ce procès par le Tchad aura une incidence financière nulle ou neutre, sauf bien sûr les centaines millions de FCFA d’honoraires d’avocats et de conseils et surtout les millions d’autres CFA de notes de frais (frais de missions) et de gratifications des éminents membres de la « task force pétrole » de la Présidence de la République et du Gouvernement.

Quatre, si Savannah perd le procès COTCO, le Tchad ne le gagnera pas pour autant. En effet, si la chambre arbitrale accède à l’argument développé par le Tchad du non-respect par ESSO et Savannah de la procédure de la purge du droit de préemption des autres membres du Consortium (hypothèse vraisemblablement plausible), l’inopposabilité de la qualité d’actionnaire de Savannah ne peut avoir pour conséquence, d’investir le Tchad du droit de propriété sur la fraction litigieuse représentant les 41,06% du capital de COTCO. En effet, une « loi domestique tchadienne (loi de la nationalisation des actifs pétroliers) » ne peut avoir « effet d’extranéité pour autoriser une application aux biens relevant de la juridiction d’un autre État en l’occurrence celui du Cameroun en ce qui concerne les droits dans le capital de COTCO ? ». La sentence pré-arbitrale du 28 juillet l’affirme nettement. L’inopposabilité ou l’annulation pure et simple de la cession Esso/Savannah des actifs COTCO aura pour effet de remettre les parties en l’état où elles étaient avant l’opération contestée. Le rejet éventuel de la qualité d’actionnaire de Savannah, entrainera la réattribution de plein droit de la propriété des actions à ESSO qui était censée ne les avoir jamais vendues. Que pourra dès lors le Tchad et toute sa « task force » contre ESSO sur les parts de capital d’une société de droit Camerounais? Rien, si ce n’est obtenir que Paul BIYA ordonne leur nationalisation au profit du Cameroun suivie d’une convention de cession par le Cameroun au profit du Tchad. Il n’est pas interdit de rêver, mais le réel demeure implacable.   

Cinq, la raison conseillerait, mieux, voudrait que le souverain tchadien et l’éminence de sa « task force » range leur orgueil, fierté et drapeau dans la poche afin de négocier une transaction avec Savannah et/ou Esso, relative à une indemnisation globale pour solde de tous comptes, moyennant un désistement volontaire de toutes les instances en cours et susceptibles de naître pour les mêmes faits entre les mêmes parties. Il s’agit par cela d’éviter de rajouter au supplice financier, celui d’un feuilleton de l’humiliation du pays. Il y a des circonstances où comme l’affirmait Honoré de Balzac, « un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès ». Le bourbier stratégique, juridique et financier dans lequel la « task force » a plongé le pays l’exige et l’impose.   

Abdoulaye MBOTAINGAR
Docteur en droit
Maître de conférences à l’université

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