D’abord, l’attaque de la présidence de la République, le 9 janvier dernier, par un groupe d’inconnus tombe peu à peu dans les limbes de l’oubli médiatique.
Après la publication de la vidéo surveillance par les services de la présidence où on voit des individus s’en prendre aux soldats en faction. La vidéo a eu l’avantage de stopper nette les rumeurs complotistes qui avaient commencé à envahir le Net et faisait fleurir des théories loufoques les unes après les autres.
Après la sortie du président de la République Mahamat Idriss Deby qui affirmait que l’attaque visait à le « vitrifier ». Sans plus de détails.
Après, c’est l’attente de la suite… après plus rien.
Rien donc sur l’enquête. Rien sur la suite de l’enquête. La curiosité journalistique s’est, elle aussi, éteinte. La paresse a saisi le monde des médias. Aucun journaliste n’a cherché à comprendre et à savoir qui sont ces « pieds nickelés », comme l’a dit le ministre Koulamalla, après son show du pistolet à la hanche sur les réseaux sociaux, après ses sorties médias, lui aussi s’est tu. Il ne reste plus que des interrogations : comment ces jeunes gens ont pu croire prendre le pouvoir? Qui sont-ils? D’où proviennent-ils? Ont-ils un ou des commanditaires? Oui, j’en conviens je fais partie des journalistes. J’ai tenté d’en savoir plus, mais rien n’a filtré pour l’instant. Je cherche toujours. Les propos du ministre Koulamallah disant qu’il proviendrait des quartiers sud de la capitale tchadienne, N’Djamena, a suscité un début de polémique vite emporté par d’autres nouvelles. Dans cette affaire, les autorités comme les journalistes semblent être eux aussi des « pieds nickelés » refusant de marcher pour l’information. Que sont devenus les quelques survivants? Pourquoi ne les fait-on pas parler? Silence. Personne n’en parle. Personne ne parle. Et pourtant l’acte est grave, très grave. Il visait à vitrifier le premier des Tchadiens, selon le premier des Tchadiens.
Ensuite, le Secrétaire général du parti au pouvoir le Mouvement patriotique du Salut (MPS) est de retour. Il est ressuscité le 13 janvier par un décret présidentiel qui l’amnistie. Cette mesure efface tout. Il est désormais un homme politique tout neuf. Il était considéré depuis sa disqualification des élections législatives comme un homme politique mort et enterré. J’avais souligné dans un portrait (https://ialtchad.com/index.php/details/item/3356-legislatives-zene-bada-le-combattant-combattu) que le combattant Zène Bada n’est pas encore politiquement mort. Il est donc de retour avec cette amnistie. Dans une entrevue accordée à Manara Tv, l’homme s’est dit heureux, mais le combattant semble avoir perdu un peu de sa faconde. Il me semble qu’il y a quelque chose en « Zembada » qui s’est cassée. Retrouvera-t-il sa verve politique d’antan? Sera-t-il le président du prochain Sénat? Ministre? Difficile de donner un avis éclairant tellement la vie politique tchadienne est trépidante et imprévisible. Déjà, la polémique enfle : est-ce que l’acte de l’amnistie relève du pouvoir législatif (l’Assemblée nationale) ou du pouvoir exécutif ( la présidence) ? Un bon débat à approfondir…
Enfin, l’insécurité se fait sentir un peu partout dans le pays. Dans la capitale de l’Est du pays, Abéché, des braqueurs ont sévi emportant des lingots d’or. À Larmanaye au sud du pays, des femmes ont manifesté torse nu pour dénoncer l’insécurité.
À N’Djamena, les N’Djamenois sont sonnés par le dernier braquage au quartier Mardjandaffack en plein jour, en plein centre-ville. Un cambiste a été tué, à bout portant, par des bandits. Des centaines des millions ont été emportés. Je connais le cambiste tué. C’était un homme affable, serviable et toujours disponible à aider les autres. Paix à son âme. Que les assassins soient localisés, arrêtés et châtiés avec toute la rigueur de la loi.
Au moment de publier cette chronique, les brigands n’ont pas été arrêtés. Le frère d’un des bandits a été arrêté parce que sa moto est retrouvée entre les mains des braqueurs. Toujours est-il que le groupe de ces brigands est composé de quatre personnes. Ils se sont bien organisés pour exécuter leur forfait. Ils sont toujours dans la nature peut-être même hors du pays.
Bello Bakary Mana
Au moment où j’ai fini d’écrire ma chronique, un coup de force s’est produit dans la capitale tchadienne, N’Djamena, à la présidence de la République. Des individus armés ont tenté de s’introduire, ils ont visiblement été neutralisés. Le ministre des Affaires Étrangères Abdramane Koulamallah en direct sur sa page Facebook, pistolet à la hanche, rassure en affirmant que tout est sous contrôle face à une tentative de déstabilisation. Des images vidéo montrant des corps sans vie et quelques blessés circulent sur les réseaux sociaux. Les alentours de la présidence ont été bouclés. On n’en sait pas plus pour l’instant. Qui sont ces têtes brulées? Comment ont-ils pu pénétrer dans le lieu le plus gardé du pays? 2025 commence visiblement mal.
Retour à ma chronique, je disais qu’il est scindé en deux parties. La première partie concerne 2024, le départ des troupes françaises du pays, du bras de fer entre, nous l’association des médias en ligne du Tchad (AMET) et la Haute Autorité des médias audiovisuels (Hama). Un combat, gagné en référé par l’AMET, qui marque un tournant dans la vie médiatique du pays. Dans la deuxième partie, il s’agit de 2025 et de ses perspectives.
Trois évènements ont marqué 2024…
L’armée française dehors
Bravo et merci M. le président Mahamat Idriss Deby. Je commence avec ces mots « bravo et merci » pour ma jouissance personnelle. Mais c’est plus que ça. Pourquoi? Parce que la décision a été surprenante et agréable. Un bon moment pour notre pays. Je dirais qu’enfin le président de la République a pris la bonne décision en abordant la « vraie affaire ». C’est quoi la « vraie affaire »? C’est le départ des troupes françaises du pays. Non pas parce qu’on aime détester nos amis militaires français, mais parce qu’il était temps. Le président a vu juste. Ses arguments sont non seulement recevables, mais…. D’ailleurs pourquoi j’emploie les mots « arguments et recevables »? Je ne sais pas. C’est sans doute les séquelles de l’esprit d’un colonisé, dans un pays pas vraiment souverain.
Je reprends… Cette décision du président Mahamat Idriss Deby est bonne. Elle relève de la souveraineté du pays, du fait d’être « maître chez soi », sans arrogance, ni chauvinisme encore moins par nationalisme. Le président français Emmanuel Macron ne semble pas l’accepter. Il a fait une sortie maladroite, mais dans la droite ligne d’un héritier de « l’esprit colon ». Il refuse de s’en départir en soutenant que c’est la France qui a décidé de partir tout en restant polie et en laissant au Sénégal et au Tchad, la primeur d’annoncer la nouvelle. Et, dit-il, ils ont oublié de nous dire « merci », « ingrats » qu’ils sont. La réplique du président tchadien n’a pas tardé. Elle est bien ciselée, polie et ferme rappelant à son homologue français que le temps des colonies est loin, très loin derrière nous. Les temps ont donc changé, il faudra s’y faire.
La Hama hors-sol
Le combat mené par l’AMET contre les prétentions injustes de la Hama a été un évènement important pour la liberté de presse, d’expression, d’information et de diversité de sources d’information. L’AMET s’est tenue droite et a fait plier, en première partie, la HAMA.
Depuis un temps déjà la HAMA s’est investie d’une mission : tuer la presse en ligne en le faisant avec un sourire en coin. Son président Abdramane Barka Abdoulaye Doningar, s’est donné comme objectif de réduire les médias en ligne du pays au silence, sous le faux prétexte de « mettre de l’ordre ». Pour atteindre ce but, la Hama n’a cessé depuis quelques années de nos harceler, de nous intimider par toutes sortes de messages : téléphoniques, verbaux et même par l’intermédiaire de certains conseillers pourtant élus par les journalistes. Jour après jour ils ont créé, nourri et fait grandir un problème qui n’existe pas. Ils lui ont fabriqué des pieds, des mains et un cerveau. Ils se sont obstinés à vouloir avoir raison contre le gros bon sens. Je ne l’ai jamais accepté comme président de l’association. Tous les membres de l’AMET, ne l’avons jamais accepté. Le combat s’est alors engagé à la veille des élections législatives. Après presque 3 semaines de combat, nous avons remporté la première étape. J’espère que la Hama, surtout son président ne fera pas de sa défaite juridique une question d’orgueil. J’espère que les conseillers de la Hama auront comme premier objectif en 2025 l’annulation de cette décision inique, illégale et injuste. Le droit a été dit par la Cour Suprême. Une leçon à retenir : ne cédez jamais lorsqu’intimement vous croyez avoir raison. Là où le droit avance, la démocratie se renforce et la liberté de la presse s’enracine.
Des élections législatives hors micro
Les élections législatives se sont déroulées sans grande visibilité par la faute de cette décision hors du temps de la Hama. Elle a poussé les médias en ligne, les médias les plus dynamiques, à la grève, au silence. Le silence nous a été imposé par la Hama. Nous avons rangé nos claviers, nos appareils photo, nos caméras, ce qui a plongé la campagne législative dans le silence et le pays dans un trou noir informationnel. Résultat des courses : une campagne législative terne qui va fort probablement crée des « embrouilles politiciennes ». À qui la faute? À cette Hama hors-sol, hors-la-loi. Et qui de surcroît a failli, par ses fiches mensongères, engluer la présidence dans une affaire de liberté de presse. La campagne s’est achevée comme elle a commencé : terne. Les Tchadiens étaient sous informés. Conséquence, ils ne se sont pas déplacés en nombre le jour du vote. Conséquence : un taux de participation faible pour quelle perspective.
Perspective 2025
La boucle de la transition est bouclée avec ces élections législatives, municipales et communales. Le Tchad est véritablement souverain avec le départ des forces étrangères du pays. Qu’est-ce que cela va donner? Beaucoup des nouvelles choses probablement…
Pour bien commencer, le président Mahamat Idriss Deby doit changer de méthode, changer de garde, faire table rase du passé. Il doit ramener tous les Tchadiens fâchés et armés au pays. Il ne doit plus accepter de se faire appeler « mon Maréchal » à tout bout de phrase, dans chaque discours courtisan, même s’il a accepté le titre.
Note au président Mahamat
Demain M. le président, les mêmes se battront pour vous faire « empereur », une coche au-dessus de celle du défunt maréchal père, Idriss Deby Itno. Ils en sont capables. Ma crainte ce que vous ne succombiez à leur discours envoûtant. Ils savent s’y prendre. Promettez-nous que vous ne succomberiez pas, faites cette promesse en ce début 2025. Il paraît que vous refusez de vous faire appeler « Excellence », vous préférez simplement, dit-on, « Monsieur le président ». Il est modeste notre président? Il est humble? Beaucoup de personnes le disent. Beaucoup, beaucoup attendent de vrais changements pour 2025.
Bonne année
Bello Bakary Mana
Le Tchad a annoncé la rupture des accords de défense le liant à la France. Vous avez tous été surpris comme moi par cette annonce, tard dans la nuit dans, du communiqué du ministre des Affaires Étrangère tchadien Abdramane Koulamallah. Cette phrase dans le communiqué a attiré mon attention, « il est temps pour le pays d’affirmer sa souveraineté pleine et entière ». Si vraiment, c’est l’objectif, c’est une excellente nouvelle.
Après la surprise a suivi la confusion. Combien d’accords il y a? Quels sont les genres d’accords? Lesquels sont concernés? Quelles sont les différences ? Dans ma curiosité effrénée, je me suis tourné vers des experts pour différencier un accord de coopération de défense d’un accord de défense tout court. Je vous explique en français facile, rapide et « gourloum »
Un accord de coopération de défense est un accord qui permet à des experts d’un État étranger de venir faire de la coopération en matière de défense. Il ne permet pas d’intervenir en cas d’agression contre l’État tchadien.
Un accord de défense entre deux pays. C’est un accord qui permet aux forces françaises d’intervenir en cas d’agression contre le Tchad. Le contraire est aussi vrai. Il permet aussi au Tchad d’intervenir si la France est agressée par un autre pays.
Maintenant, le communiqué du gouvernement tchadien ne précise pas de quel accord il s’agit? Concerne-t-il tous les accords? Les bases militaires françaises doivent-elles être démantelées? Ce qui continue a suscité beaucoup de confusions. Rien n’a été clair comme la sortie du président sénégalais Bassirou Djomaye Fall qui a clairement demandé le départ de l’armée française de son pays et la fermeture de ses bases militaires.
La France a dit prendre acte. Sans plus. Cette attitude s’explique par la crainte que la classe politique du pouvoir ou de l’opposition ne fassent de la « récupération politique » avec ce dossier. Et sciemment ou inconsciemment, ne pousse la rue tchadienne à s’enflammer. Mais entre les lignes du communiqué on peut décrypter que la France est ouverte à d’autres négociations pour un nouvel accord.
Il faut signaler deux choses importantes : le « timing » de cette sortie tchadienne et le contexte.
Le « timing », c’est après la visite du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot au pays. Y a-t-il eu des discussions qui n’ont pas fait plaisir aux autorités tchadiennes? Qu’est-ce qui a été discuté?
Le « contexte », le Tchad est convoité par des puissances rivales comme la Chine, la Russie et même la Turquie compte tenu de sa position stratégique au Sahel. Un Sahel qui bouge et fait bousculer avec lui intérêts et convoitises.
Alors je me permets d’évoquer quelques hypothèses…
Première hypothèse : Fort probablement les autorités tchadiennes et françaises discutent sur comment renégocier, réadapter, adoptés, prolonger, rajouter, choisissez le mot qui vous convient pour parachever les accords militaires. Il faut rappeler que la France a bien annoncé son intention de réaménager en diminuant son dispositif militaire en Afrique. Le Tchad en fait partie. Dans les discussions et les explications entre pays, le Tchad n’est peut-être plus satisfait de la nouvelle reconfiguration. Et donc jugerait inutile voire gênant la présence militaire française au pays. Ou il y a eu, peut-être, une mésentente.
Deuxième hypothèse : Le conflit soudanais, ses répercussions et ses implications au Tchad pourraient avoir créé des divergences entre les deux partenaires.
Troisième hypothèse : Ce sont les possibilités d’offre le redimensionnement de la présence militaire française pour faire des accords avec d’autres puissances. Par exemple la Russie, la Turquie ou la Chine. Ou bien alors cette possibilité permet aux autorités tchadiennes de faire monter les enchères et obtenir de la France un plus « chouia ».
Les anglais disent, « it takes two to tango », ( ça prend deux personnes pour danser le tango). Je crois que c’est parti pour une longue danse de tango entre les deux pays. Et au moment de publier ma chronique, je crois que rien n’est encore joué.
Mon téléphone sonne, c’est un appel du service de la presse présidentielle m’invitant à assister à un point de presse du président de la République.
Dimanche soir, 1er décembre. Il est 20h 15 min lorsque le président de la République s’adresse à la nation. Il confirme la rupture de la coopération militaire entre la France et le Tchad au motif que le présent accord est désuet. Que les temps ont changé. Et que cet accord n’apporte aucune valeur ajoutée dans la lutte contre le terrorisme et la défense de la patrie. La clarification que j’attendais n’est toujours pas au rendez-vous. Le président a été prudent. Il soutient qu’il ne s’agit pas de remplacer une puissance par une autre, mais que c’est une question de souveraineté. Je suis arrivé à la conclusion qu’il y aura fort probablement un nouvel accord dans les jours et les mois prochains entre les deux pays. Je suis toujours confus.
Bello Bakary Mana
J’ai failli rater l’occasion d’aller vivre avec les confrères journalistes sur le terrain l’opération Haskanite. Il faut dire que c’était ma faute. J’étais injoignable. La technologie m’a joué un tour pour quelques 24h. J’ai été repêché par le ministère à la dernière minute après que j’ai pu me reconnecter au monde de la technologie. J’ai envoyé un message accusateur à qui de droit…
Moi : « Finalement, vous êtes parti sans moi? Ou bien?... ».
La réponse m’est vite revenue..
Lui : « Bello, demain 6h du matin on se retrouve à la Base militaire Adji Kossei ».
J’ai hésité entre ces deux choix cornéliens. Aller voir, toucher, raconter, informer sur l’opération Haskanite au Lac ou bien participer à la consultation publique de la Haute Autorité des Médias et de l’Audiovisuel (HAMA) qui veut adopter un cahier de charges de Web Télévision et de Web radio? Un sujet qui m’intéresse en tant que journaliste et président de l’Association des Médias en ligne du Tchad (AMET). Moi et mes amis nous nous sommes préparés à y aller avec des arguments juridiques bien ciselés. Nous venions de sortir d’une empoignade médiatique avec la HAMA et son président au sujet de leur insistance à vouloir interdire illégalement aux médias en ligne la production audiovisuelle. J’avais envie d’aller en découdre gentiment avec mes amis de la HAMA. J’ai choisi d’aller faire des reportages sur-le-champ de l’opération Haskanite . D’autres collègues s’en sont occupés.
Vendredi 6h du matin. Je suis le premier à arriver au rendez-vous à la Base militaire Adji Kossei. Peu à peu, les autres arrivaient en petits groupes de 2, 3 personnes. Trente-cinq minutes plus tard, nous sommes 15 ou plus à embarquer.
6h 38 min. L’équipage démarre l’hélicoptère pour peut-être le chauffer avant le décollage. Les larges hélices bruyantes tournent à pleine capacité et donnent des petites secousses faisant dandiner les occupants. Les portes se font fermer par un jeune militaire, casque d’écoute à la tête comme dans un studio radio. L’avion bouge en dandinant plus fortement. Je croyais qu’il allait décoller sur place comme j’ai l’habitude de voir dans les films de guerre. Non, il a roulé un peu avant de prendre son envol. C’est réussi. Il était 6h 50 minutes. La vue aérienne était impeccable. Mes confrères se sont jetés sur leurs appareils photos ou téléphones pour photographier, faire des vidéos, comme pour se venger de l’interdiction de filmer lorsqu’on était au sol. Cette année la saison de pluie a été lourde. Des étangs d’eau et des zones inondées encerclent la capitale tchadienne, N’Djamena.
50 minutes plus tard, des îlots commencent à apparaître. Sommes-nous déjà au Lac? Des îlots, nous sommes passés à des îles de plus en plus grandes. De l’eau à perte de vue. Je me disais à moi-même, « je ne savais pas qu’il a autant d’eau dans la partie septentrionale de notre pays. Je me rends compte que la saison des pluies vient de finir. Et le pays a subi d’énormes inondations ». Je reviens à moi. Je demande au militaire assis en face de moi si on est au-dessus du Lac Tchad? « Oui. C’est un vol de 50 min à 1h de temps », me souffle-t-il à l’oreille. Je jette un coup d’œil sur la montre de mon téléphone. C’est exact. Il y a à peu près 45 min qu’on vole.
Ah! Le Lac Tchad est sous notre hélicoptère. Il est immense. Magnifique. Majestueux. Je n’avais vu que le bras à Bol, capitale régionale, il y a quelque 5 ans. Les bras m’en sont tombés. J’étais saisi d’une émotion indescriptible. Émotions et interrogations se bousculaient dans ma tête. Soudainement, une petite colère m’envahit. Je réfléchis à basse voix, « on n’a rien fait de ce don de Dieu. De cette immense ressource. On en tire que des miettes. On a rien fait pour l’exploiter, pour développer la région. Développer cette zone est la meilleure arme contre Boko Haram. Qui ne l’aurait pas fait à notre place? » Entre temps, l’hélicoptère baisse en altitude, la manœuvre évacue ma sourde colère. J’avais les yeux écarquillés de curiosité. Je tournais et retournais mon regard à travers le hublot ouvert aux vents qui nous servait de ventilateur.
7h 41 minutes. Atterrissage réussi. La porte s’ouvre. Les journalistes descendent en premier. Le ministre est dernier à descendre, crépitements des appareils. Bousculades des caméras. C’est le protocole d’usage. Des militaires partout. Fin du protocole. On se disperse, chacun accoure pour embarquer dans le premier véhicule militaire disponible destination la résidence du préfet. Je réussis à monter dans une des camionnettes. Le chauffeur roulait à grande vitesse. Les quelques minutes de route sont devenues un enfer. Il fallait s’accrocher sinon on peut facilement être éjecté du véhicule. Je me suis agrippé aux miliaires et à une roue de secours jeté au milieu de la caisse arrière. Le travail au terrain a commencé. Le journaliste est aussi un soldat, mais un soldat de l’information.
Bello Bakary Mana
L’annonce par l’Agence nationale chargée de la gestion des élections (ANGE) recalant le Secrétaire général du parti au pouvoir le Mouvement patriotique du Salut (MPS), Mahamat Zene Bada, des élections législatives a surpris les Tchadiens et la sphère politique. Personne ne l’a vu venir. L’Affaire continue de défrayer la chronique. Pourtant Zene Bada n’est pas seul, mais il est la tête d’affiche. Il y a 4 autres de ses compagnons qui ont subi le même sort. Il faut préciser que cette disqualification du SG est temporaire. Il a le droit de faire recours. Mais son entourage dit que « la bête politique est blessée ». Son amour-propre a pris un coup. Un coup dur. Il n’usera, peut-être pas, du droit de recours. L’obstacle judiciaire est insurmontable. Celui qui a prononcé le divorce du parti présidentiel de ses alliés de la coalition Tchad unie s’est fait à son tour divorcer des élections législatives par l’ANGE. Alors, comment Zene Bada n’a-t-il pas vu venir ce coup dur ?
D’abord, le père de la chansonnette improvisée « ial djidad kalamoum kammal » (les poussins sont achevés), « ial canards Kalamoum kammal » (les canetons sont achevés), faisant allusion à la défaite des candidats de l’opposition à l’élection présidentielle était trop sûr de lui. Tellement sûr de lui qu’il a oublié que son passé de condamné était son talon d’Achille. Qu’il a trop d’ennemis. Beaucoup trop. Il était difficile pour lui de tous les neutraliser. Ils sont partout, des entrailles de la présidence jusqu’au cœur de l’establishment du parti. Il était encerclé. Il était craint pour son ambition insatiable et ses capacités de tribun, mais aimé par les militants et surtout les militants N’djamenois pour sa générosité. Ses ennemis disent qu’il est brouillon, manipulateur, arrogant et méchant. Zene Bada dit un chef de parti sous le sceau de l’anonymat est à la fois tout cela.
Ensuite, le SG a commis plusieurs erreurs, dont 4 majeures
Première erreur. C’est d’avoir, après la mort de son ami, frère et compagnon le Maréchal Idriss Deby Itno, tenu la ligne dure durant les premiers moments de la naissance du Conseil Militaire de transition (CMT). Parti en France pour des soins, il a été éjecté de façon cavalière de son siège de SG du parti. Il revient, participe au Dialogue national et reprend son siège de SG pour être directeur de la campagne présidentielle sans assurer ses arrières.
Deuxième erreur. Au lendemain de cette élection présidentielle, en direct lors du banquet consacrant la victoire du candidat de son camp, le président Mahamat Idriss Deby Itno l’a rabroué publiquement sans mettre du tact au sujet de la chansonnette. C’était un désaveu et un avertissement. Comme on dit en pays peul « l’ami du papa n’est pas l’ami du fils ». Ce que le Maréchal père Deby permettait à son ami et frère Zene Bada, le Général fils Deby ne le lui permet pas. Il a cru à la présidence qui le caressait à coup de « tonton ceci », « tonton cela » que la présidence de la future Assemblée nationale lui était réservée. Ce qui lui a fait pousser des ailes, affirment ses détracteurs.
Troisième erreur. C’est de n’avoir pas négocié son amnistie. Et surtout d’avoir été libéré provisoirement lors de sa détention à cause de décès dans sa famille. Le condamné s’est permis de sortir, mais n’est plus revenu. Une erreur incompréhensible, car il pouvait à tout moment être arrêté et remis en prison avant la grâce présidentielle. Et voilà que patatras il s’est fait prendre dans le « casier à homards » par l’ANGE.
Quatrième erreur. Il a eu de la misère à se faire accepter à Bitkine au Guera, le berceau paternel. Il a fallu tordre des bras.
Question : À qui profite le « crime »? À beaucoup de monde. À commencer par la présidence qui se débarrasse de l’encombrant SG qui a cristallisé beaucoup de mécontentements de plusieurs candidats à la députation du MPS pour les législatives de décembre prochain. Cette disqualification permet aussi à la présidence de se donner une image de neutralité et de droiture face aux repris de justice qui encombrent les couloirs du parti. Et qui ambitionnent d’occuper des postes dans l’appareil de l’État et de la future Assemblée nationale. Les soutiens de Zene, eux, affirment en privée que cette disqualification n’est pas liée à sa condamnation. Elle n’est pas l’œuvre de l’ANGE, mais plutôt celle d’une main qui vient « d’en haut de l’en Haut » et fait porter à l’ANGE le prononcé du divorce du « divorceur » au prétexte que son casier judiciaire est sale.
Enfin, « La grâce présidentielle ça sert à quoi? », lancent ses admirateurs. « Il n’a pas été amnistié », répliquent ses ennemis. Me Ahmat Idriss alias Lyadish avocat tchadien au Barreau Français exerçant hors du pays, affirme « il y a plusieurs motifs d’annulation de la décision de l’ANGE ». La saga Zene Bada est peut-être loin d’être fort clos comme disent les juristes.
Bello Bakary Mana
C’est pour la deuxième fois que la France à travers son Parquet national financier (PNF) vise le président tchadien Mahamat Idriss Deby Itno.
La première enquête concernait l’achat des costumes et le 23 août dernier, le journal français Mediapart a révélé que le patrimoine immobilier de Mahamat Idriss Deby et sa famille est évalué à au moins 30 millions d’euros. Ces révélations fracassantes lèvent le voile sur la crise entre l’Élysée et le Palais Toumaï.
Depuis que le président tchadien Mahamat Idriss Deby Itno a effectué une visite à Moscou en Russie en janvier 2024 et la récente visite du ministre des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov, les relations entre la France et le Tchad ne sont plus au beau fixe. « Au lendemain de la mort du Deby père, la France a adoubé Deby fils pour préserver certains de ses intérêts comme la lutte le terrorisme dans le Sahel et d’autres accords bilatéraux signés entre la France et le Tchad au temps du Maréchal Idriss Deby Itno. Mais, le déplacement de Mahamat au Kremlin pour rencontrer Poutine a été vu par les Français comme une trahison. Sinon comment comprendre que Mahamat Idriss Deby arrive en Russie le 24 janvier et dès son retour au pays, la France sort une histoire que le président dépense un million d’euros pour l’achat de costumes », estime des sources au Palais Toumaï de N’Djaména contactée par Ialtchad. Les mêmes sources font savoir qu’avec cette deuxième enquête, c’est une pression que l’Élysée veut faire sur Mahamat Idriss Deby Itno par rapport à son rapprochement avec la Russie et d’autres partenaires considérés comme ennemis de la France.
« A ce stade, ce sont des biens immobiliers, des appartements de prestige de haut standing de luxe et d’autres appartenant à plusieurs membres de ce qu’on pourrait appeler le clan Deby. Ce sont des achats qui datent au début 2000 et ça peut évidemment concerner également les pratiques de Deby père tué en 2021 et de son fils Mahamat qui a pris les rênes du pays et élu dans les circonstances dénoncées par les ONG et certaines chancelleries occidentales », a justifié sur les antennes de RFI Fabrice Arfi, coauteur de l’enquête de Mediapart.
Cette affaire semble prendre de l’ampleur. Et a, apparemment vexé, selon les plusieurs sources, le jeune président tchadien qui est tenté de faire plus de place au Tchad à la Russie, mais qui semble hésité de peur que la France ne nuise à son fragile pouvoir. Pour l’instant, il maintiendra sa ligne : faire cohabiter l’ours russe (Russie) et le coq gaulois (France). Il boude la France, mais n’ira pas à la confrontation et à la rupture, disent plusieurs observateurs. « Il sera mieux avisé de faire le dos rond pour laisser passer la tempête. Malheureusement l’Élysée ne peut rien faire pour lui. En France la justice est indépendante », affirme l’entourage du président français.
Amadou Voundia
Le Premier ministre Allah-Maye Halina a annoncé que l’année académique 2024-2025 au Tchad, l’admission est gratuite pour les filles dans toutes les universités et les institutions de l’enseignement supérieur public. Cette déclaration du chef du gouvernement, encourageante semble être momentanée si d’autres mesures d’accompagnement ne sont pas prises pour permettre aux jeunes filles de finir le cursus primaire et secondaire.
Beaucoup de filles s’inscrivent à l’école, mais peu franchissent le seuil du second cycle au Tchad. D’après l’Institut des statistiques de l’Unesco, le taux d’achèvement de l’enseignement primaire était de 38 % en 2021. Cependant, le taux d’achèvement du premier cycle de l’enseignement secondaire relève de 14,1 % pour les filles.
Certes, l’annonce du Premier ministre va peut-être hausser le taux et augmenter le nombre de filles au supérieur. Mais le véritable problème est au niveau du cycle primaire à cause du phénomène de mariage précoce et de grossesse aussi précoce. « Je crois que c'est une annonce qui aura un effet positif. La proportion de la gent féminine au niveau de l'enseignement supérieur est très faible. Cela s'explique en grande partie par des choix familiaux lorsque les parents sont pauvres le réflexe est de privilégier la scolarisation des garçons au détriment des filles. Parce que pour plusieurs familles, la fille est faite pour le foyer », fait savoir Dr Yamingué Bétinbaye, analyste politique et directeur du Centre de Recherche en Anthropologie et Sciences humaines. Il rajoute que les filles sont confrontées à d'autres contraintes comme le harcèlement de leurs condisciples garçons, « et même de certains enseignants, du coup elles sont désorientées, découragées ».
Tout en saluant la déclaration du chef du gouvernement, Dr Yamingué Bétinbaye martèle que l’État doit lever toutes les barrières qui entravent la scolarisation des filles tchadiennes. « Cela leur donne la possibilité de ne pas douter de leur chance d’accéder à l'enseignement supérieur. Il y a beaucoup de jeunes filles qui sont à N’Djamena, après leur baccalauréat, elles ne réussissent pas à s'inscrire à l'université faute des moyens financiers. Elles sont obligées de blanchir une ou deux années pour aller à la recherche de ressources financières avant de s'inscrire dans un centre de formation ou à l’université », renseigne-t-il.
M. Bétinbaye suggère que pour maintenir les filles jusqu'au supérieur, il faudrait lever toutes les barrières qui entravent leur progression à l’école de la maternelle jusqu'au supérieur. « Il faut se mobiliser pour minimiser certains facteurs socioculturels coriaces et apporter du sang neuf dans la société tchadienne pour que la grande partie de la population accepte les mesures entreprises ».
Nadège Riradjim
Le Tchad rédige souvent des beaux textes et prend des décisions importantes pour régler certains problèmes. Toujours est-il que le respect et le suivi de ces décisions ne sont pas toujours au rendez-vous à cause du laxisme de l’État et de l’incivisme de la population.
À tout moment, les délais donnés pour l’application de telle ou telle autre décision sont soit reportés, soit suspendus. Pour preuve, la nouvelle mesure concernant le contrôle des pièces des engins à quatre roues et plus devrait entrer en vigueur pour la première fois le 25 juin dernier, mais vu la forte demande, le contrôleur général de la Police avait reporté une deuxième fois pour le 15 juillet. Selon les termes du communiqué du report, ce temps permettra aux retardataires de se conformer aux exigences.
Les usagers dénoncent les dérives de la force mixte, chargée du contrôle qui inflige des amendes importantes aux personnes en infraction et même celles en règle. Les forces de l’ordre, la gendarmerie, la police et la garde nationale et parlent d’un désordre orchestré par les usagers eux-mêmes.
Dans cet imbroglio, la responsabilité est partagée. L’incivisme des citoyens n’est pas tolérable. Il est difficile aux Tchadiens de respecter les moindres mesures hygiéniques. Les exemples sont légion : le déversement des ordures dans la rue, la défécation à l’air libre, le port de casque, l’interdiction de port d’armes à l’école ou dans des lieux publics, la corruption sont des interdits qui sont toujours d’actualité. Les forces de l’ordre qui sont censées faire appliquer les lois commettent elles-mêmes parfois des infractions. Du haut niveau des autorités jusqu’aux citoyens, les lois sont piétinées. Chacun y voit seulement son intérêt. Sinon comment comprendre que des lois, décisions et circulaires sont prises à chaque occasion sans impact considérable ? Alors que nul n’est au-dessus de la loi. Peut-on développer un pays sans le respect les textes de la République ? Non. Impossible.
Amadou Voundia
J’ai pigé pour vous trois moments marquants de ces dernières semaines pour l’examiner froidement pour vous. Et les analyser pour mieux les comprendre. J’avoue que c’est difficile, mais même tardif l’exercice vaut la peine…
D’abord, le programme du gouvernement Halina. Le nouveau Premier ministre (PM) Allah Maye Halina a présenté le programme de son gouvernement. Dans les faits ce sont les promesses du candidat élu président, Mahamat Idriss Deby. Ce programme est un vaste chantier. Qui de mieux que le PM Halina, comme maçon, pour exécuter ce gigantesque chantier constitué de 12 petits chantiers? Je viens de comprendre le choix du président en nommant M. Halina PM. Il est fidèle, loyal et ne dérogera pas aux instructions du locataire du Palais Toumaï.
De tous les chantiers, celui de rendre l’eau et l’énergie accessible à tous est le plus intéressant. L’eau potable pour tous est une nécessité absolue. Si j’étais le conseiller du président, je lui aurait soufflé à l’oreille de rendre cette ressource gratuite pour tous. Reste que le PM n’a pas dit dans son programme comment faire? Avec quel moyen? Quel est le délai ? Sinon ce chantier restera un discours, une promesse comme une autre. Il a aussi annoncé la baisse progressive du prix du gasoil qui passe de 828 F CFA à 800 F CFA et celui de l’essence de 730 F CFA à 700 F CFA. C’est mieux que rien. Mais alors, pourquoi ne les avoir pas ramené au prix initial, 518F pour le super et 700F pour le gasoil?
Ensuite, la visite éclair de Lavrov. Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov est passé pour quelques heures le 5 juin dernier à N’Djamena, la capitale. Depuis quelques mois l’ours russe fait des yeux doux au président bédouin. Il s’est même rendu en visite à Moscou quelques mois auparavant pour, dit-il, diversifié les relations du pays. Il clame souvent la souveraineté de son pays qui lui permet de tisser de relation avec qui il veut et quand il veut. Il faut dire que l’ours russe rêve de chasser le coq gaulois (la France) de sa bassecour, le Tchad. Cette nouvelle relation russo-tchadienne n’enchante pas le coq gaulois. En conférence de presse, M. Lavrov a d’abord calmé les choses en soutenant que cette relation ne va pas influencer le rapport entre le Tchad et la France. Quelques phrases après, il n’a pas pu s’empêcher de décocher une flèche vers la France en affirmant que « c’est la France qui demande aux autres de choisir leurs amis et leurs ennemis ». Fierté tchadienne piquée au vif, le nouveau ministre des Affaires étrangères Abdramane Koulammah s’est lâché en lançant son « …nous ne sommes l’esclave de personnes. Ni de la France, ni de la Russie, ni d’aucune puissance ». Sans s’en rendre compte, la conférence de presse a tourné sur les relations franco-tchadiennes qui risquent de se tendre dans les prochains mois. Je crois que le général président Mahamat Idriss Deby tentera de faire cohabiter l’ours et le coq. Il fera l’équilibriste. C’est une question de survie, d’intérêts et de «si tu me tiens par ma barbichette, moi aussi je te tiens par ta crête. Si tu ne te tiens pas tranquille, je te lâche mon nouvel ami, l’ours ».
Enfin, la réserve stratégique de l’armée à Goudji explose. Dans la nuit du 18 à 19 juin, les habitants de N’Djamena ont vécu l’effroi. Dans mon quartier, rue de 30 mètres, la force des déflagrations secouait les murs des maisons, faisaient éclater les vitres, faisaient vaciller les hangars. Je n’ai pas supporté de me cloîtrer à l’intérieur. Je suis sorti. Dehors, les explosions tonnaient, au loin on voyait le feu éclaircir la noirceur de la nuit, les obus sifflaient en déchirant le ciel de leur vitesse pour exploser plus loin. Cela a duré plus d’une heure. J’ai couru chez mon voisin pour chercher des informations, c’est un homme bien informé. Il me dit, « c’est le dépôt d’armes de Goudji qui a pris feu ». Le lendemain, le gouvernement annonce 9 morts et une quarantaine de blessés. Je crois qu’il y a eu plus de morts et des blessés. Quatre ministres sont envoyés pour faire face aux journalistes. Ils se sont loyalement contredits. Depuis, des interrogations remplissent la ville. Des rumeurs de toute sorte circulent. Est-ce un incident? Est-ce un attentat? Des affirmations fusent, du genre « ce n’est pas anodin ». Le président de la République demande une enquête. Sera-t-elle une enquête indépendante? Des scénarios les plus fous sont évoqués. Les Tchadiens commentent, argumentent, chacun à sa version. Ils s’accordent sur une chose : la version officielle ne les convainc pas. Déjà, les « rumeurs n’Ndjaménoises » ont étouffé tout le reste. Les résultats de l’enquête ne les convaincront pas plus.
Bello Bakary Mana
Les rideaux sont tombés sur le théâtre politique de la transition. C’est la fin. Une nouvelle page politique s’est ouverte avec l’investiture du président Mahamat Idriss Deby Itno le 23 mai dernier, la nomination d’un nouveau Premier ministre (PM) M. Allah-Maye Halina et la formation du gouvernement. Il y a-t-il de changement? Non. Pourquoi?
D’abord, le Premier président de la 5e République a placé son investiture sous l’angle du changement. Il a repris quasiment toutes ses principales promesses de campagne. 70% de dépenses de l’État iront au social : des hôpitaux et des routes seront construits, des soins seront prodigués gratuitement, l’école tchadienne sera refondée, une armée modernisée verra jour, etc. Toutes ces promesses sont arrosées d’un « je vous ai compris » à la Charles de Gaule. A-t-il vraiment compris les Tchadiens? Souhaite-t-il le changement comme il le clame? Pas sûr.
La preuve, c’est la nomination de M. Halina comme PM. Le président a certainement opté pour la loyauté, mais au sortir d’une transition avec des élections contestées, est-ce le bon choix? Non. Ce PM n’est pas politique. Il ne peut pas être un agent de changement. Son équipe non plus. Pis, il a très peu d’expérience gouvernementale. Pourra-t-il, au moins, faire de bons arbitrages face à certains poids lourds du gouvernement? Pas sûr. On sait l’admiration du président pour le nouveau PM lorsqu’il disait dans son livre autobiographique « De Bédouin à Président », que c’était comme son « grand frère ». Alors cette nomination est-elle sentimentale ? Chose certaine, la présidence veut une primature docile, avec M. Halina elle sera totalement soumise.
Aussi, le clou dans le cercueil du « changement » est illustré par la composition du gouvernement. Qu’est-ce qu’il y a de nouveau? Rien. Presque, la même équipe est reconduite. Il y a certes quelques nouvelles têtes qui ont fait leur entrée, mais elles occupent en majorité des rôles secondaires. Ils ne pourront donc pas insuffler le changement. Ceux qui ont cru au changement en ont pour leur compte. Ceux qui voulaient que rien ne change en appelant le nouveau président à ne pas inclure l’opposition sont, eux aussi, déçus. Même le leader de la Coalition Tchad uni et ses membres qui chantaient au lendemain des résultats définitifs « ial djidadd » (les poussins), « ial canard » (canetons), pour se moquer de leurs adversaires politiques sont ko debout. Mahamat Idriss Deby Itno est désormais le seul maître du jeu politique pour les 5 prochaines années. Et c’est bien fait pour ceux qui croyaient être malins. À malin, malin et demi.
Bello Bakary Mana