Toujours des bilans macabres et la bêtise continue…

Written by  Oct 09, 2006

Il n’y a qu’au Tchad où tuer est un plaisir et donne lieu à des exclamations ! Achever son adversaire qui n’est autre que son frère contradicteur, voilà à quoi l’on joue depuis plus de trois décennies. Tel est aujourd’hui le diable qui empêche le pays d’évoluer, combattons-le ! Alors on prend les armes et on tue. Qui ? Des gens qui n’ont rien à voir avec ce diable désigné, sinon qui ont commis le crime de croire qu’ils font leur boulot de soldat ou de maquisard au service d’un va-t’en-guerre. Des chefs de famille qui laisseront des veuves et des orphelins dans la souffrance et l’indifférence générale de la société. Des jeunes gens qui auront perdu le cap d’une réussite honnête dans la vie : drogués, transformés en violeurs et en tortionnaires voire en brigands permanents. Des régions déchirées et vidées de leurs habitants. Des blessures entre communautés qui ne cicatriseront pas. Tout sauf la « libération » annoncée.

Pourquoi continue-t-on d’ignorer et de mépriser la valeur d’une vie humaine dans notre pays ? Chaque groupe qui arrive au pouvoir, avec la bénédiction des Blancs, croit être supérieur aux autres et passe le clair de son temps à créer les conditions de futurs génocides. Les groupes se sont entredéchirés sans jamais résoudre un seul des problèmes quotidiens de sous-développement, de pauvreté et d’ignorance qui nous ravagent tous. Aujourd’hui, on ne peut affirmer que le clan au pouvoir s’en est sorti à bon compte de toutes ces aventures de répression depuis une quinzaine d’année de pouvoir. Aucun des clans précédemment au pouvoir ne l’a réussi non plus ! Aucun clan qui viendrait au pouvoir par cette même règle de la guerre fratricide ne réussira également. Même s’il faut que le monde isole pendant Cent ans les Tchadiens, pour permettre aux deux cent ethnies de faire la rotation au pouvoir, dans les mêmes conditions que nous connaissons déjà, avant dix ans, le pays aura disparu de la carte politique de la planète.

Car les expériences que nous vivons actuellement sont les dernières de ce genre, en termes d’anachronisme. Il ne sera plus possible qu’en une seule génération, en une trentaine d’années, on se soit permis tant de barbarie et que le pays puisse encore exister ! Les ressources humaines gaspillées dans les combats fratricides et les massacres d’une part, et la misère croissante et la maladie de l’autre, ne pourront se reconstituer que dans un demi-siècle plus tard. Entre temps, faute de bras valides et de cerveaux encore lucides, la vulnérabilité du pays sera trop grande et risquerait de provoquer l’invasion et l’annexion pure et simple du territoire par n’importe quel pays voisin ou puissance étrangère.

Prenons seulement la comparaison démographique entre nous et trois de ces pays : le Soudan avec plus de 20 millions d’habitants, le Nigeria avec plus de 100 millions et le Cameroun avec plus de 12 millions, tous des pays bien organisés et à peu près bien gérés. Si, avec une superficie de 1.284.000 km² et 8 millions seulement d’habitants (dont 52% de moins de 15 ans), le Tchad devenait un danger permanent de déstabilisation avec ses guerres interminables, son insécurité permanente et sa désorganisation, la communauté internationale fermerait bien les yeux si un jour, sous n’importe quel prétexte, un voisin décide de s’emparer du Tchad pour y remettre de l’ordre et le civiliser. Parce que des pays qui n’avancent jamais comme le Tchad et qui refusent le progrès dans tous les sens, il y en a de moins en moins. Et personne ne me dira que, en ce moment-là, des populations qui auront cumulé tant de haines et de rancunes, et qui n’auront plus grand-chose en commun, pourraient s’unir pour défendre un pays qui n’existerait que sur le papier ?  Avec une armée de « colonels » qui pratiquent encore la guerre archaïque et clanique très meurtrière, notre pays devient une proie facile, malheureusement pour les marchands d’armes et les négriers modernes des affaires.

Réfléchissons bien où nous allons à cette allure et ce qui nous attend, au lieu de continuer à chercher le diable du jour, comme nous le faisons depuis 40 ans pour notre plus grand malheur. Est-ce que nous nous rendons compte de l’ampleur du capital humain qui se détruit, rien que pour quelques privilèges injustes que personne ne reconnaîtra et que d’autres combattront à leur tour ? Des familles entières ont été militarisées autour de l’idée de se protéger (avec leurs biens mal acquis) contre les autres, alors que nulle part au monde cette formule ne s’est bien terminée ? L’illusion de supériorité guerrière entretenue dans certaines ethnies tchadiennes les conduira à terme à leur perte et à leur extermination. Il faut arrêter cela tout de suite, s’il vous plait ! Car si les « chefs de guerre » et autres « colonels » n’ont aucun égard pour la vie des membres de leurs familles qu’ils sacrifient dans ces causes perdues, nous avons le devoir de les avertir des conséquences à long terme de leurs aventures. Quand les Blancs qui les trompent les auraient suffisamment exploités, ils se retrouveront un jour abandonnés de tous, haïs et errants sans patrie, pire que les Harki d’Algérie, pour n’avoir pas compris plus tôt la valeur de la Justice, de la Paix et l’Egalité entre fils d’un même pays.         Ne croyez surtout pas, pour certains, que ceux qui s’opposent à cette guéguerre seraient des lâches ou des peureux ? Si l’on devait entrer dans l’histoire de chacun de nos groupes d’origine, l’on se rendra compte qu’il y a encore beaucoup de capacité guerrière insoupçonnée par rapport au déjà vu actuel, mais que les populations ont déjà dépassé ce stade primitif qui consisterait à vivre quasi-exclusivement des conflits, de la violence et de la rapine. Un retour forcé au Moyen âge n’est plus à l’ordre du jour pour ces populations.

Gouvernement ou rebellions, cessez de nous faire pleurer avec vos bilans macabres de Tchadiens tués ou « entièrement anéantis », car chacun d’eux a été porté par une femme pendant des mois dans le ventre et au dos. Et ces femmes, qu’elles soient Goranes, Zaghawas, Arabes, Tamas, Saras ou autres, devraient-elles aussi applaudir la mort atroce et quasi-inutile de leurs rejetons dans vos interminables luttes pour le pouvoir ? Quelle gloire, quel progrès pour le Tchad que ses fils massacrés par eux-mêmes pour de la sottise ? D’ailleurs, j’accuse l’attitude laxiste des femmes intellectuelles et de l’élite féminine tchadienne qui, au lieu d’organiser des protestations massives et publiques contre la guéguerre barbare, s’agitent pour des postes, comme les hommes qui ne cessent d’échouer face à leurs responsabilités et à leur conscience citoyenne, pour des miettes !

Un jour, quand il faudra faire la lumière sur toutes les gestions, combien actuellement loyalistes ou rebelles, échapperaient au châtiment d’une bonne justice ? Qu’aviez-vous fait de votre pays depuis trente ans de barbarie, d’arrogance, de violence et de mépris de l’autre, et combien de temps voudriez-vous encore que ça dure ? Vous êtes dans la mauvaise voie et les générations futures vous implorent de cesser immédiatement avec ces dérives guerrières et antirépublicaines d’un autre âge, pour leur laisser au moins la chance de vivre leur ère sous d’autres valeurs, dans un pays viable et en conformité avec les progrès de l’humanité pacifiste. Sinon, l’histoire vous vomira de la manière la plus méprisante qui soit.

Enoch DJONDANG

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