jeudi 28 mars 2024

Chronique d’un retour de N’Djamena

Written by  Fév 02, 2004

Après 14 ans d’absence, j’ai fait un court séjour au pays.

Je vais vous faire partager, sans prétention aucune, quelques observations que j’ai eu à faire durant mon séjour. Ces faits, d’autres les ont déjà relevés avant moi, mais en parler encore et encore, pourra, je l’espère, faire réveiller les consciences.

Et enfin, c’est un peu ma contribution, ma petite pierre, pour le moment, dans l’édification d’un Tchad plus beau, plus grand et plus vivable.

Quelques faits marquants :

1 – N’Djaména ou «Une ville sans Maire »
Premier constat : N’Djaména semble n’a pas un maire. Si oui, on dirait qu’il ne sait pas pourquoi il occupe ce poste.
La première impression que j’ai eu de N’Djamena, c’est la saleté de la ville. Quatorze ans après, rien n’a changé. Les rues sont envahies d’ordure ménagère. Les sacs plastiques tapissent les rues. Les égouts sont béants et les eaux usées et tous autres déchets y sont stagnants. Tout le monde déverse ses ordures dans la rue, sans savoir qu’il se nuit à lui-même car ces ordures sont la source majeure de pas mal des maladies et cet état de fait entraîne un problème de santé public.

Comparativement à N’Djaména, Moundou, où j’ai eu à séjourner pendant deux jours, est beaucoup plus propre. J’ai eu l’impression que la population est mieux sensibilisée sur la salubrité. Il y a moins de sacs plastiques dans les rues et cela me fait dire qu’il y a un maire à Moundou.
À mon humble avis, il faut sensibiliser la population. Les gens peuvent se réunir en association de quartier, association de rue, afin de gérer eux même leurs problèmes immédiats et en suite de proposer des solutions aux autorités.

Prenons un exemple : un monsieur qui a une villa et une voiture qui coûtent plusieurs millions, habitant un quartier où sa villa est entourée des maisons en poto-poto avec une rue transformée en dépôts d’ordure, les caniveaux bouchés, ce monsieur-là peut initier la mise en place d’une association et de prendre en charge une partie des frais d’entretien, de ce fait, il se rendra service à lui-même.
Il faut absolument des initiatives individuelles pour le bien collectif.

  2 – Le mépris du pauvre
J’ai été témoin de plusieurs événements qui montrent le mépris qu’ont certains de nos compatriotes envers les plus faibles, les plus pauvres, bref envers l’autre.
J’avais un voisin, au cours de mon séjour, qui avait mis sur le trottoir un énorme groupe électrogène dont le bruit empêchait de dormir même les occupants d’une maison qui se situerait à 500 m, alors que ce voisin, tranquille dans sa chambre climatisé, son salon électrifié passe une nuit sans souci. C’est du tapage nocturne.
À cause de cette personne, d’une seule personne et sa famille, des nourrissons, des enfants, toute une famille, tout un carré ne peuvent pas dormir tranquillement, d’où le cortège de toutes les maladies dues à un trouble de sommeil.
S’il était un citoyen consciencieux, ce monsieur placerait son groupe à l’intérieur de sa villa et le munirait d’un silencieux. Il semble que cet accessoire coûterait « un peu cher ». Vu l’état de sa villa, cela peut être très modique pour lui. Il a choisi l’économie de cette somme à la santé et le respect de ses voisins. Attention, il n’est pas le seul à avoir un tel comportement, il y a en à chaque coin de rue.
Je suis écœuré par ce comportement. À mon humble avis, les gens doivent dénoncer ces agissements en justice et demander des dommages et intérêts. Mais comme les Tchadiens sont fatalistes (Allah bess sawa) et beaucoup de ceux qui me lisent diront « Pourquoi faire ? Rien ne va changer ».

Au contraire, tant qu’on n’en parle pas, c’est difficile que les responsables s’en rendent compte. À force de dénoncer ces faits, de multiplier des plaintes cela finira, incontestablement, par avoir un résultat. J’en suis sûr et j’en appelle à mes chers compatriotes Tchadiens pour qu’ils ne baissent pas les bras. Réveillez-vous les gars. « Rome ne s’est pas faite en un seul jour ».

3 - Les interminables barrières des brousses
Ces barrières interminables à l’intérieur du territoire national, tout le monde en a parlé, a dénoncé, a crié jusqu’à l’épuisement et moi aujourd’hui j‘en joins à ma voix à ceux qui m’ont précédés. Il y a une barrière de police et/ou de gendarmerie et/ou de douane, à chaque entrée d’un village.
Pourquoi les paisibles voyageurs (petits détaillants le plus souvent) sont-ils rackettés au vu et au su de tout le monde ? Pourquoi ne voit-on pas les conséquences sur l’économie du pays, d’autant plus que l’économie informelle tient une place très importante dans l’économie du pays ?

Toutes ces dépenses supplémentaires seront supportées par le consommateur final qui est très souvent le pauvre paysan et éleveur du fin fond du pays.
Pourquoi il n’y a pas la libre circulation de biens et personnes à l’intérieur du pays ? Où sont passés nos dirigeants dont la première responsabilité est de s’occuper du pays et du bien-être de sa population ? Où sont-ils ?

4 – Les Urgences des hôpitaux sont Urgences que par nom
Je vais vous relater un fait dont j’ai été témoin et acteur.
Un jour, vers 2 heures du matin à Moundou, on cause avec mon frère, quand on apprend que son épouse est tombée dans le coma. Vite on transporte la malade à l’hôpital central. Arrivée aux urgences, je porte ma belle-sœur dans mes bras et cours pour la déposer à l’intérieur sur un brancard. Entre temps dans la même salle, sont assis autour d’une table, une aide-soignante, un infirmier et une troisième personne. Bien que je porte une mourante, personne ne daigne bouger. Je me retourne vers eux et les informe que j’amène une personne dans le coma. Alors un dialogue bizarre s’engage avec l’infirmier. Sans bouger de sa place, l’infirmier me lance, « est ce que tu as le carnet ?»
Je réponds « mais, je vous dis qu’elle est dans le coma et vous me demander un carnet. Occupez-vous d’elle et moi je m’occupe du carnet ».
Il persiste : « mais il me faut son carnet pour noter les observations ».
Je perds ma patience et on se lance des incivilités et ceci pendant une bonne dizaine de minutes. L’infirmier, s’estimant agresser a appelé les forces de l’ordre, alors que ma belle-sœur se trouve dans un état critique.
Immédiatement, un gendarme de garde, à demi-réveillé, se pointe et demande « est ce que c’est vous qui agressez les médecins ?» avant qu’on ne lui réponde, il reconnaît un de ses supérieurs et demande à tout le monde le calme. 
Quant à l’infirmier, lorsqu’il comprend la situation, se tait un moment avant de continuer à insulter la fonction annoncée et refuse catégoriquement de prendre en charge la malade. L’autre infirmier et l’aide-soignante, à leurs tours, refusent catégoriquement d’assister la mourante (non-assistance à personne en danger). Par chance, le vacarme a réveillé, je dis bien réveillé, l’infirmier major de garde qui dormait dans une pièce voisine. Excédé mon frère prend son épouse pour l’amener vers un autre lieu de soins mais l’infirmier major l’en dissuade, ainsi que nous aussi, et lui demande de le laisser traiter la malade.
Finalement, après une demi-heure, la malade est prise en main par un corps médical dans ce qu’on appelle « Urgences de l’hôpital de Moundou ».

Bien évidemment, j’ai bien fait savoir à cet infirmier, qu’il n’a aucune conscience professionnelle, aucune déontologie de son métier, aucune éthique médicale.

Il semble que c’est aussi monnaie courante à travers tout le pays et je propose qu’il faut là également réagir pour changer la situation car, ces genre d’infirmiers sont des brebis galeuses et ne doivent pas salir la réputation d’autres qui sont bien plus meilleure et dont la présence permet d’éviter beaucoup de drames.

5 – Le téléphone portable
Évidemment, cet outil est plus que nécessaire dans le monde de technologie dans lequel nous vivons, mais je pense que bon nombre de nos compatriotes ont compris autrement l’utilité de cet appareil (exception faite, pour les gens qui s’en servent comme outil de travail). C’est le suivisme et le m’as-tu vu de mes compatriotes, cette fierté déplacé (pourquoi l’a et moi pas) de vouloir vivre au-dessus de ses moyens, de copier les autres même si on n’a pas les mêmes revenus.

Je ne comprends pas qu’une personne qui habite un quartier quelconque, dans une maison non électrifiée, avec un revenu mensuel incertain, se procure un téléphone portable. Cette situation à plusieurs conséquences :

  1. a) Il doit charger régulièrement la batterie de l’appareil, comme il n’a pas d’électricité chez lui, il doit se déplacer chez les gens pour quémander de l’électricité.
  2. b) Il doit acheter une carte téléphonique prépayée tous les deux mois au minimum (à vérifier) même s’il n’a pas encore consommé ses unités téléphoniques
  3. c) Étant donné que cette personne a des revenus incertains, cela entraîne des problèmes financiers en plus.

6 – L’absurdité du Tchékitine (jeter de billets de banque au cours des soirées musicales)
On doit interdire (même par une loi) cette pratique d’un autre âge, une pratique pervertie par des inconscients.

Comment imaginer qu’une personne saine de corps et d’esprit, puisse verser plusieurs dizaines de milliers de francs en une soirée, rien que parce qu’un petit musicien, griot de temps modernes, lui déclame quelques fausses louanges.
Que ressentent ces gens lorsqu’ils passent devant un mendiant qui cherche uniquement à manger à sa faim ?
C’est une insulte envers ces braves pères (ou mères) de famille qui se saignent pour assurer le quotidien.

Je suis sûr que les adeptes de cette pratique, ont quelque part, un parent, un ami ou un voisin, qui ne prend pas les 3 repas quotidiens. Je suis sûr que le commerçant qui a constitué sa fortune sur la base des économies des centimes, ne sera jamais de ces gens-là.

Que le bon Dieu, le Tout Puissant Miséricordieux, vienne en aide à notre beau pays.

Je tiens à remercier mes frères, sœurs et amis qui m’ont comblé de bonheur au cour de ma présence au milieu d’eux. Comme on l’a dit quelque part, « si l’étranger qui va chez quelqu’un sait tout ce qu’il apporte à son hôte, il serait jaloux et repartirait avec » ; si vous savez ce que vous m’avez procuré comme bonheur, vous en serez jaloux.

Et puis il y a ma mère. Dame courage, comme bien d’autres fils et filles en ont sans en apprécier la valeur. Merci à ma mère qui m’a pardonné, m’a serré dans ses bras malgré le tort que je lui ai causé suite à cette longue absence. Un pardon qui m’a permis de me réconcilier avec moi-même.

Saleh GOUKOUNI

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