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Saleh Gaba, journaliste et esprit libre

Mai 15, 2021

A la simple évocation de son nom, les visages s’attristent, l’émotion noue les gorges, les timbres des voix chevrotent, les mots sont pesés et soupesés, ils sortent difficilement, la douleur remonte dans les mémoires et paralyse le verbe de ceux qui tentent d’évoquer ce fils du pays : le défunt journaliste Saleh Gaba. Ialtchad Presse a failli abandonner ce projet qui consiste à mieux connaître et faire connaître ce grand monsieur du journalisme tchadien. Portrait.

En abordant chaque fois le sujet on y ressent un immense respect et un attachement à l’homme, à l’éminent journaliste qu’il a été. Saleh Gaba, tchadien, journaliste mort dans les geôles de la dictature pour avoir voulu exercer librement son métier de journaliste. Pour avoir été simplement un esprit libre. Pour avoir été un soldat de l’information.

Les mots qui reviennent souvent dans la conversation quand on parle de Saleh Gaba sont : « esprit libre », « rigueur », « passion », « droiture », « amoureux du journalisme », « amoureux de son pays », « amoureux de sa région natale », « amoureux de l’être humain », « amoureux de la Justice »,  « amoureux  des libertés », « amoureux de l’égalité ». Ces mots mis ensemble personnifient le mieux Saleh Gaba. « Saleh c’est amour », nous dit ému un de ses parents qui insiste pour témoigner comme anonyme. On insiste pour l’identifier dans l’article. Il refuse, se racle la gorge et répond « la douleur de la disparition de Saleh est encore vive. On vient d’enterrer son épouse, après sa fille unique ».

Amour. Journalisme. Ces mots sont le fil conducteur qui a aidé à décrire ce Tchadien natif de la région du Guerra, née pour être journaliste. Rien d’autre que le journalisme. Il a commencé à travailler comme journaliste et animateur sans avoir suivi une formation dans le domaine. C’est comme ça qu’il est arrivé au journalisme. Et le journalisme est arrivé à lui. Il est ensuite admis à la prestigieuse École Supérieure Internationale du Journalisme de Yaoundé, au Cameroun où il sort nanti d’un diplôme en 1977, c’était la douzième promotion.

De retour au pays, il est intégré comme journaliste à l’Agence Tchadienne de Presse (ATP). Rigoureux, passionné viscéralement attaché aux  grands principes du journalisme : la déontologie, la liberté d’informer, les faits, rien que les faits vérifiés et revérifiés. C’est pour lui les pieds, la tête, le cœur, l’œil, les oreilles et les mains du journalisme. Ce sont ces principes qui lui ont permis de se distinguer. Et d’être sollicité, comme correspondant, par des médias réputés : l’agence Reuters, l’Agence France Presse (AFP) et Radio France Internationale (RFI).

Patriote, amoureux de son pays, journaliste engagé pour la justice, l’égalité et la liberté, il avait de la misère à vivre sous un système liberticide qui réduisait peu à peu les Tchadiens à la soumission et à la servitude. Il avait horreur du journalisme de propagande qui prenait racine dans les rédactions. Il en avait ras le bol des exactions de la dictature de l’ancien régime d’Hissène Habré. Homme de plume, mais aussi homme d’action, il ne supportait plus de voir l’étau de la dictature se resserrer sur son pays. Il s’engagea dans la résistance armée comme tête pensante du Mouvement pour le Salut National du Tchad (MOSANAT), un mouvement armé. À son corps défendant il lâcha momentanément la plume pour la kalachnikov. Il fut arrêté dans la capitale de sa région natale, Mongo, en 1987. Et envoyé dans les geôles de la Direction de la Documentation et de la Sécurité (DDS), la sinistre police politique où il laissera sa vie pour avoir aimé la liberté. Pour avoir aimé le journalisme. Pour avoir refusé l’injustice et l’arbitraire. Malgré la mobilisation des organisations des droits de l’Homme et des organisations de presse, rien n’y fait, la dictature est restée sourde, les mains salent du sang de Saleh et des milliers d’autres combattants de la liberté .

Saleh Gaba aurait été assassiné par balles, à bout portant, dès son acheminement à N’Djamena, capitale tchadienne, disent certaines sources. Il serait mort dans les geôles de la dictature disent d’autres. Bref, SG est mort pour que le journalisme tchadien reste vivant. Ne l’oublions pas.

Nous, Ialtchad Presse avons décidé de baptiser notre studio, « Studio Saleh Gaba » pour continuer à garder vivant l’esprit Saleh Gaba pour ne pas l’oublier. Ce studio est notre façon de lui rendre hommage. Dans chacune de nos publications, nous tentons de suivre ses pas. Nous, nous interrogeons sur chacun de nos papiers « et si c’était lui comment il allait écrire tel papier? Comment il allait choisir tel angle? Ou tel autre? ». Nous tentons, malgré les difficultés, de rester libres, indépendants et influents. D’être des journalistes, engagés pour la Liberté d’informer. Et les libertés qui font avancer la démocratie comme l’aurait fait Saleh Gaba.

Bello Bakary Mana

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