Chronique

Chronique (80)

J’étais moi aussi invité au lancement du livre « De Bédouin à Président » du président de transition Mahamat Idriss Deby Itno. Oui, j’étais dans le palais du Bédouin devenu président en attendant les élections du 6 mai prochain pour le confirmer encore « vrai président » pour une longue durée.

Je vais donc vous faire revivre, à ma façon à travers cette chronique mi-bédouine mi-littéraire mi récit témoignage, d’abord, le déroulé de l’évènement littéraire au cœur du palais. Ensuite, je commente, pour vous, quelques bonnes feuilles de l’ouvrage.

Un évènement au cœur du palais

19h 45 : Le palais Toumaï a commencé à fourmiller de monde. Il y avait tout le gratin politique de son camp et même au-delà de son camp. Il y avait toute l’élite : la société civile, les présidents des institutions, les ministres, les hommes et femmes des médias, les militaires, les écrivains et bien d’autres.

20h 45min : La salle était remplie. Le protocole se démenait pour faire asseoir des ministres, même la famille de l’auteur du livre dont une de ses sœurs a failli ne pas trouver une bonne place assise. Et pourtant, le protocole a prévu la place de la famille, mais les « tchadienneries » (un peu du désordre organisé) ont pris le dessus. D’autres personnes se sont assises sur les places qui ne leur sont pas destinées, il est donc difficile de les déplacer. C’était une bonne fouille, mais les choses se sont vite replacées à l’endroit. Plus le temps passait, plus les employés du palais s’affairaient certains pour régler la sono, d’autres pour veiller sur la sécurité. Signe que bientôt la cérémonie va commencer, des exemplaires du livre sont transportés et entassés à gauche de la salle des fête non loin d’un écran géant qui faisait défiler la maquette du livre et le lancement du site web du « candidat-président bédouin ».

21h 00 : Le Premier ministre de transition Succès Masra fait son entrée, il est habillé en tenue bleu.

Cinq minute plus tard, le micro retenti « Mmes et MM. Le président de la République ». La salle se lève d’un coup, le président de transition apparaît souriant. Il semble pétiller de bonheur. Comme à son habitude, il était vêtu en blanc de la tête aux chaussures. Il aime cette couleur, qui, dans la tradition islamique est signe de pureté. Il aurait peut-être pu intituler son ouvrage « De Bédouin sûr à Président pur ».

La salle se rassit sur demande du président. La cérémonie se déroule dans une ambiance détendue. Il prend la parole cite les 5 raisons qui l’ont poussé à écrire ce livre : Dieu, le devoir, la transition, l’histoire et l’exemple. Ce n’est apparemment ni les élections ni la Com les principales raisons. Le Bédouin président a vite appris qu’être président, c’est aussi une manière d’être un grand berger en moins compliquée. Fort probablement que diriger les hommes est plus bête que diriger les bêtes, « bédouinement » parlant..

Contenu de l’ouvrage

Je ne voudrais pas comme on dit être « langue sale » après avoir lu et relu le livre. C’est une première, et c’est très bien, que le président de la génération la plus branchée lance sa précampagne à travers le plus vieux support du monde, le livre. Et dans une époque des plus technologique. C’est encourageant, c’est bien vu et innovant. Après ça reste un livre de Com, mais un livre intéressant qui rend sympathique le petit Bédouin fils d’un président guerrier, devenu président contre son gré et qui est en passe de s’imposer. Beaucoup de choses intéressantes sont dites, mais j’aurai aimé que l’auteur soit plus dense, plus soutenu, plus généreux dans sa livraison. C’est un livre qui se lit bien, la plume est moyenne, mais pouvait être plus accrocheuse, plus entraînante. On sent que l’auteur est à la fois très retenu et pudique, mais aussi très « coupe-têtes » en règlant quelques comptes avec son passé, ses collaborateurs, ses ennemis et ses adversaires politiques.

Sur son enfance, rien à dire. Le président a vécu une enfance des plus ordinaire loin des facéties de la ville, mais dans la dure vie de campagne aux confins du désert tchadien de 4 à 8 ans. C’est à cet âge que la raison et les souvenirs commencent à se cristalliser pour façonner la personnalité de la personne.

Quelques morceaux choisis…

Papa Maréchal contre fils général

Deby père accuse son fils « Mahamat Kaka », président de transition (PT) de fomenter un coup d’État. Rien de moins.

Le Maréchal : « Tu es en train de préparer un coup d’État contre moi »

Le fils : « Comment peux-tu croire un instant à tout cela? Je suis ton fils. C’est toi qui m’a mis au monde, c’est toi qui m’as éduqué, c’est toi qui m’as nommé général, c’est toi qui m’as mis à la tête de la Direction Générale de service de la sécurité des institutions de l’État (DGSSIE). Comment peux-tu imaginer ça? Sans confiance entre nous, je ne peux plus occuper mes fonctions ».

Le Maréchal : « Tu démissionnes? J’en prends acte. Mais tu ne démissionnes pas. Tu es viré. »

Le pouvoir, dit-on, rend fou. Il rend aussi cruel et met à rude épreuve les relations charnelles entre père et fils. Derrière cette confrontation, l’ombre de la belle-mère Hinda planait.

Des jours, des mois plus tard, arrive le jour fatidique : la mort du père. On le lui annonce alors qu’il était en opération sur-le-champ de combat. Il rentre précipitamment faire ses adieux au papa Maréchal. Une scène incroyable est décrite dans le livre lorsqu’il sort de la chambre où le corps sans vie de son père y était installé. Sa belle-mère l’interpelle.

Elle: « Il ne faut pas dire que le Maréchal est mort en faisant la guerre. Il faut faire comme si c’était un coup d’État.

Lui : « Mais pourquoi? »

Elle : « Ce serait honteux de dire aux gens qu’il est mort pendant la bataille ».

Lui : «  Mais mère, c’est ça la réalité. Le Maréchal a toujours participé à toutes les batailles. Il n’y a pas plus grand honneur pour un soldat que de mourir au combat ».

Elle : « C’est juste une idée qui m’est venu comme cela, n’en parlons plus »   

La belle-mère Hinda

Dans l’ouvrage Hinda Deby Itno y tient le rôle de « l’intrigante méchante » belle-mère. À l’exemple de l’histoire banale du véhicule utilisé dans le cortège présidentielle qui produit des conséquences énormes. L’auteur raconte, « …par des gens qui n’aurait pas dû y avoir accès quelque chose qui en réalité n’a pas grand-chose à faire avec moi. Je me fais donc engueuler pour quelque chose dont je n’ai pas fait et dont je ne suis pas le responsable. Mais j’encaisse dans le silence ».

Un des chauffeurs lui révèle que c’est sa belle-mère Hinda et son frère cadet Khoudhar qui ont mal parlé de lui au « chef », son père. Il était furieux, l’affaire s’est rependue comme une traînée de poudre partout au palais, œuvre de Khoudhar.

Le PT convoque Khoudhar, l’affaire se complique. L’aide de camp et ami du PT Ismaël Souleymane Lony est viré sine die par le Maréchal. La perte d’emploi a failli tourner à la mort de Khoudhar tiré à bout portant par M. Lony.

Le puissant Khoudhar après être blessé pour éviter le coup de grâce crie gisant à terre

 « Excuse-moi! Tout ce qui s’est passé jusqu’ici, ce n’est pas ma faute! C’est ma sœur qui me pousse à le faire, pour déstabiliser Mahamat et lui faire quitter son poste à la Direction Générale de la DGSSIE ».

Le secret s’est éventré. Une histoire digne d’un scénario de film hollywoodien. La belle-mère répondra-t-elle dans une entrevue? Choisira-t-elle le silence? S’inspirera-t-elle de la démarche pour écrire un livre sur sa vie de première dame et y répondre?

Les trouble-fêtes : Faki, Chérif, Mananny

Le livre nous révèle aussi l’innocente naïveté du jeune président de transition. Il apprend vite à ses dépens que la politique est un mélange d’ambitions, le palais est rempli de courtisans, des prétentions manipulatrices, de coups bas et souvent de malentendus sont prospères.

Moussa Faki : Le discours du président de la commission de l’Union africaine (UA) Moussa Faki est visiblement resté entre la gorge du PT. Il n’a toujours pas digéré cette sortie. Pourtant Moussa Faki s’est placé dans le sens de l’histoire en interrogeant avec beaucoup d’aplomb les échecs de tous les régimes passés et en incluant tous les acteurs. Le PT n’a vu dans cette sortie qu’une attaque ingrate contre le pouvoir de son défunt père. « Comme d’autres, il prendra la parole pour expliquer tout ce qui s’est passé au Tchad pendant les trente années écoulées. Pour lui, il s’agit de trente ans d’échecs répétés. Fort bien », écrit-il. L’auteur semble être saisi plus par l’émotion sur le cas Faki que par la raison.

Chérif Mahamat Zène : L’homme de Doha et Premier ministre des Affaires Étrangères de la junte, est cité par le président, mais cela ressemble plutôt à un malentendus entre les deux hommes. Le jeune président semble toutefois être heureux de s’être débarrassé de son ministre qu’il qualifie de « communautariste ». Et de l’avoir remplacé par Mahamat Saleh Annadif, un routier de la politique, fin connaisseur de la diplomatie et des Tchadiens.

Abakar Mananny : l’homme d’affaires et ex-ministre d’État sans portefeuille en prend plein ses « vestes taillées sur mesure ». Le PT l’accuse d’avoir monté de toutes pièces la vraie fausse affaire des costumes aux prix faramineux. Lui, président n’avait rien demandé. La conception, la livraison et le prix sont les idées originales du virevoltant ministre Mananny qui fut aussi son parrain lorsqu’il débarqua jeune élève officier en France. Il y aborde aussi le « dossier starlynk » ou connexion Internet par voie satellitaire. Il affirme avoir demandé à Mananny de l’aider à implanter la compagnie au pays, il accepte entreprend les démarches avant de saboter le projet lorsque leurs relations se sont détériorées. 

Idriss Youssouf Boy (IYB) alias Makambo, l’ami de tous les temps : IYB est l’ami, le confident, le frère, l’épaule sur lequel, le PT alors fils de, général, frère parmi la  ribambelle de fratries, trouvait réconfort dans ses moments difficiles. Et sur lequel il pouvait compter. Même lui n’a pas été épargné dans l’ouvrage au sujet du détournement de 13 milliards de la Société des Hydrocarbures du Tchad (SHT).

« Idriss, as-tu détourné l’argent de l’État à la SHT? »

Il écrit qu’après un long silence, il reconnaît son forfait, ne défile pas. Et permets de gagner du temps. « Il confirme que le montant en jeu est de 13 milliards, le nom de son complice et son rôle…..Cette affaire n’est pas une trahison personnelle ou de l’ambition, juste une tentation cupide. Idriss ne cherche pas à me nuire… ». L’auteur dédouane son ami, argumente que l’argent est récupéré. Et que si la justice républicaine passait par là, il y a risque de corruption de juge pour innocenter le crime. Bref. Makambo est réhabilité et est remis en scelle comme, il est le tout puissant ministre d’État et directeur de Cabinet du président. Le jour de la dédicace, Makambo arrive en retard. Il semblerait qu’il était en mission quelque part en Afrique. Il récupère son livre dédicacé, se met au coin de la salle et découvre probablement la partie qui le concerne. Il doit avoir vécu un drôle de sentiment.    

Succès Masra, Premier ministre vaille que vaille  : Le candidat Mahamat Idriss Deby accuse son ex-opposant d’être obsédé par le poste de Premier ministre. Il faisait des pieds et des mains pour l’obtenir. Il préférera Saleh Kebzabo à sa place parce qu’il a boycotté le Dialogue Nationale Inclusif et souverain (DNIS). Pour mettre la pression sur le nouveau gouvernement de transition, Masra n’a pas hésité à organiser illégalement une manifestation insurrectionnelle. Résultat : des centaines des morts, l’opposant Masra s’est exilé avant de revenir grâce aux accords de Kinshasa. Et se faire désigner Premier ministre. Depuis lors, il fait le grand écart entre sa ligne politique et celle du président de transition. Il invente le concept du copilotage, le « pilote Mahamat » et le « copilote Masra ». Objectif : faire atterrir l’avion Tchad à l’aéroport de la démocratie.

L’avion a décollé pour un long voyage, les turbulences sont multiples, le copilote Masra a attaché sa ceinture. Pour l’instant, le commandant de bord Mahamat est confiant. Il fait beau, les vents sont favorables l’atterrissage est prévu en douceur le 6 mai prochain si tout va bien.

NB : « Pour gouverner les Hommes, il faut les impressionner », disait Napoléon Bonaparte. C’est ce que fait, sans complexe, le candidat Mahamat Idriss Deby Itno. Il pouvait faire mieux et faire plus dans le récit des événements. Bref, lisez ce livre il vous permettra de vous faire votre propre idée sur le candidat. Et au-delà sur sa personnalité et sa manière bien bédouine de mener les hommes. Contrairement à ce qui se dit sur lui, il est bien le seul maître aux manettes de l’avion Tchad. Il semble avoir beaucoup appris et beaucoup pris confiance en lui.    

Bello Bakary Mana

Le Premier ministre de la junte au pouvoir Succès Masra vient d’être investi candidat de son parti Les Transformateurs pour les élections présidentielles du 6 mai prochain. Je regardais les images de la rencontre à la place de l’espoir devant le siège de son parti. C’est une bonne chose, mais cette candidature est une drôle de candidature. Pourquoi dîtes-vous?

Parce que….

D’abord, elle est d’une naïveté désarmante. Depuis son retour de Kinshasa, le leader de Transformateurs et son équipe se sont tellement fondus dans ke système Deby fils, défendus la politique de la junte au pouvoir, par exemple la hausse des prix du carburant, qu’ils ont perdu leur originalité et la raison de leur existence : prendre le pouvoir et transformer le pays. Cette transformation devrait commencer par l’exigence de la révision de la liste électorale, la composition de l’Agence nationale de gestion des élections (ANGE) dominée par les caciques de la junte, de leur parti le Mouvement patriotique du Salut (MPS) et de leurs alliés. Il est drôle d’entendre le chef des transformateurs soutenir que la durée du mandat des membres de l’ANGE et leur « inamovibilité » leur conférait par magie un esprit d’indépendance et de neutralité politique.

Ensuite, elle n’est pas exemplaire. Pour celui qui plaide la nouveauté, le juste et la transparence, il donne l’image de quelqu’un qui s’accroche à son poste de Premier ministre. J’espère que le moment venu il démissionnera. S’il ne le fait pas après la validation du Conseil Constitutionnel, ces élections seraient  malsaines. Pis, cela donnera le sentiment que Masra n’est rien d’autre qu’un nouvel « accompagnateur de luxe » comme tant d’autres avant lui.

Aussi, à la place de l’espoir dimanche passé, il n’y avait pas la foule des grands jours. Il y a comme une déception des Tchadiens et surtout des militants. Le ralliement à la junte semble avoir laissé des traces. Le dur est à venir, mais l’expression favorite des transformateurs « quand le chemin est dur, c’est aux durs de tracer le chemin n’est plus d’actualité ». Les durs Transformateurs semblent avoir pris le raccourci, ils le paieront cash le moment venu. Les électeurs tchadiens sont exigeants dans leur aspiration au changement. Et Masra et ses amis ne sont plus ce véhicule de changement à force de dire une chose et faire son contraire.

Enfin, dans son allocution le candidat s’est enfermé dans son concept creux du pilote et du copilote. Bref, il a promis d’investir des milliards de nos francs dans l’éducation,  la sécurité, la Justice, la diplomatie. Ils se sont, comme disent les Nord-Américains, définitivement « peinturés dans le coin ». Il ne reste au copilote plus que la jouissance du pouvoir à la Primature. Le temps que le commandant de bord, Mahamat, décide de changer de copilote. Masra avait tout pour réussir à peser sur l’avènement d’un Tchad nouveau et juste. Il a choisi d’aider, sciemment ou inconsciemment, à maintenir le vieux Tchad injuste. Masra et Les Transformateurs sont un gâchis de plus. Et de trop.

Bello Bakary Mana

Je reprends avec mes chroniques et éditoriaux, merci pour vos messages et interpellations…

Cette nuit du 26 au 27 février, le temps s’est subitement tendu dans la capitale tchadienne, N’Djamena. Tout semble suspendu, le pays s’est brusquement coupé du monde. Au temps des délestages d’électricité et de la canicule s’est rajouté celui de coupure Internet. Je tente de me connecter, je persiste, j’insiste comme un drogué en manque de sa dose quotidienne. Oui Internet est plus qu’une drogue au moment où le président de transition Mahamat Idriss Deby a décidé d’en découdre,  à coups de Kalachnikov,  avec le président du Parti socialiste sans Frontière (PSF), Yaya Dillo, son cousin.

La Défiance Dillo. Yaya Dillo défie tout. Même l’État. Il s’est investi d’une mission presque messianique. Il y croit quitte à mettre sa vie en danger. Il avait déjà défié le Marchal Deby père. Il s’en est sorti vivant, mais a perdu sa mère, une balle l’emporta. Quelques semaines plus tard, Deby père meurt lui aussi aux confins du désert, lui aussi sous les balles. Dillo après avoir été exfiltré est rentré au pays mais a continué à défié Deby fils, Mahamat. Il n’a jamais reconnu la transition. Il l’a dénoncé, parfois avec raison, souvent avec passion et entêtement.

Je l’ai connu Dillo, il y a longtemps hors du pays. C’était un homme timide, réservé et pugnace. Je l’avais invité à mon émission Le Point, l’homme avait beaucoup changé. Une détermination débordait de sa timide personnalité. Avant cela, je l’avais appelé, il y a plus d’un an, pour lui poser quelques questions sur son parcours pour faire un papier portrait. On avait échangé au téléphone ...

Moi : « Dillo, j’ai un projet d’article, un portrait de toi »

Lui : « Que veux-tu savoir que tu ne sais pas de moi »

Moi : « Il y a beaucoup de choses que je ne sais pas… »

Lui : « Tu sais beaucoup, je ne peux rien ajouter… »

Moi : « Bon, je vais le faire en parlant avec ceux qui te connaissent, en bien ou en mal… »

Lui : « C’est toi le journaliste… »

On a parlé des choses et d’autres du pays.

À la publication de mon article, il m’appelle. Et d’une voix polie, me dit, «  ton papier est rempli d’inexactitudes ». Je lui réponds avoir fait mon travail. Il a fini par l’admettre, mais rejette avoir été un enfant-soldat. Et rajoute, « ce n’est pas vrai que j’aime défié mes oncles. J’ai décidé de faire de la politique de manière pacifique. Mes oncles aussi font de la politique. Je ne partage pas leur façon de faire. On est parents, mais adversaires politiques. C’est la démocratie »…Allusion à sa divergence avec ses oncles les frères Erdimi et le défunt Maréchal..

Ces derniers jours l’affaire de l’agression du président de la Cour Suprême M. Samir Adam, annoncé par le président de transition en personne sur sa page Facebook a déchaîné les passions. Dillo a dénoncé ce qu’il appelle « les manœuvres de la transition ». Il était en colère accusant au passage le président de la Cour Suprême, celui de la Cour Constitutionnel Bernard Padaré et du ministre de l’Administration du Territoire Limane Mahamat d’être les cerveaux d’une mise en scène. Dans sa défiance, il a juré par Allah avoir abandonné la voie des armes pour prendre celle des urnes, mais qu’il ne se laissera pas faire….

Mardi 27. Version officielle. Dans cette nuit, dit le gouvernement, les choses se sont emballées avec la tentative d’arrestation du directeur administratif et financier du PSF M. Abakar Terap. L’interpellation s’est soldée par la blessure et l’hospitalisation de ce dernier. Toujours selon le procureur, des éléments armés à leur tête Yaya Dillo sont allés d’abord au palais de Justice pour récupérer la voiture, un élément de preuve ayant servi à l’agression. Ensuite, ils sont partis à bord de 11 véhicules Toyota à l’hôpital pour extirper leur compagnon. Ils ont échoué. Et ont alors choisi d’attaquer les services de l’Agence nationale de sécurité (ANS) faisant plusieurs morts et blessés.

Version non officielle. M. Terap aurait résisté à son arrestation. Il est blessé. Inacceptable pour Dillo et ses compagnons.

« C’est assez », aurait lâché le président de transition, selon des sources sécuritaires. Il réclame l’arrestation de Dillo.

Mercredi 28, après-midi. Le quartier Klémat est bouclé. La rumeur d’une guerre de clan s’est emparée de la ville. Les N’Djamenois désertent les rues, l’administration publique s’est vidée. À 14h des crépitements d’armes se font entendre dans une zone de Klémat. Un violent affrontement entre la garde présidentielle et des éléments de Dillo se sont déroulés au siège du PSF. Il y a eu des morts et plusieurs blessés. La « rumeur n’djamenoise » parle de la disparition de Dillo et du turbulent oncle du président Saleh Deby, etc.

Jeudi 29, 11h. Le procureur de la République Oumar Mahamat Kedelaye, fébrile, confirme à la presse, la mort de Yaya Dillo Djerou Betchi. La fin d’une vie émaillée de lutte.

A la présidence de la République la tension est retombée, Internet est rétablie. Tout est sous contrôle, disent des sources de la présidence. Le jeune président de transition jure d’écraser toute personne parent ou pas qui se mettra au travers de la transition. Dans les rues de la capitale, les Tchadiens sont pris dans leur quotidien tout en redoutant les conséquences de cette mort violente.

Bello Bakary Mana

J’écris cette chronique sous la forme d’une allégorie pour mieux illustrer ma réflexion.  

La nomination du chef des Transformateurs et farouche opposant de la transition, Succès Masra était pressentie, depuis l’accord de Kinshasa. Le président de la transition Mahamat Idriss Deby l’a choisi en voulant marquer un nouveau chapitre. Comme on a pour habitude de dire, « Masra a marché ». D’ailleurs, depuis son retour d’exil, le nouveau Premier ministre a fait le grand écart sur le dur chemin que doivent tracer les durs comme lui. Va-t-il réussir à concilier ses contradictions sur le chemin de la terre promise? Le commandant de bord Mahamat laissera-t-il le copilote Succès Masra faire voler et atterrir l’avion Tchad à l’aéroport de la démocratie sans passer par des zones de turbulences? Rien n’est sûr…

Il y a 14 millions de Tchadiens à bord. La majorité aspire à un changement profond. Je suis l’un des passagers. Je me suis faufilé dans la cabine pour observer le tableau de bord de l’avion qui va décoller. À droite du commandant Mahamat est assis son copilote Masra. Je jette un coup d’œil rapide sur les membres de l’équipage. Sur le tableau de bord, 4 lumières clignotent. C’est peut-être tôt pour se prononcer, mais ce ne sont pas des signaux anodins qu’il faut négliger.

Premier signal: La stratégie de la « Tabula rasa » (faire table rase ou renverser la table) est jugée violente et a été rejetée au profit de celle du « remplacement » qui est plus homéopathique. Masra remplace Kebzabo, mais l’équipage reste le même à quelques têtes près.

Deuxième signal: Sur les 41 membres de l’équipage, 3 seulement ont été choisis par le copilote Masra.

Troisième signal: Parmi l’équipage, les détenteurs des postes clés et stratégiques n’ont pas changé. La même personne aux Finances. La même personne aux Affaires étrangères. La même à l’Administration du Territoire, la même à la Sécurité publique, au ministère de la Défense même chose, etc.

Quatrième signal: Le copilote Masra n’a réussi à injecter du sang neuf que dans un seul grand ministère. Celui de l’Éducation, un ministère important, mais qui au fil des années s’est révélé dans les réalités tchadiennes être un ministère périphérique. Même la Justice lui a échappé à moitié, malgré son message incessant et juste de désir d’égalité. Il a réussi à placer son bras droit comme simplement Secrétaire d’État. Un suppléant. Le ministre titulaire reste le seul chef du département.

Ces 4 signaux permettront-ils de faire atterrir le Tchad à l’aéroport de la démocratie ? Malgré la volonté affichée du copilote Masra. Malgré son verbe qui plaide toujours pour l’espérance ? L’équipage l’aidera-t-il ? Le commandant de bord Mahamat n’est pas homme à trop parler. Il agit toujours où personne ne l’attend. Le copilote Masra devrait apprendre à parler moins pour mieux piloter. Tout le mérite lui revient sur la reprise des cours ce lundi. Sur la dédicace de son salaire à une bourse d’excellence. Mais son idée d’appeler au bénévolat pour donner des cours est légère. Qu’il se concentre à faire atterrir l’avion Tchad à bon port lors des prochaines élections législatives et présidentielles. Attention cette fois-ci ce n’est plus le chemin qui sera dur, mais c’est le ciel qui sera turbulent.

Dans l’avion c’est le signal du décollage… une voix retentie  « Votre attention s’il vous plaît… je suis Mahamat Idriss Deby le commandant de bord, bienvenue dans ce vol. Je suis accompagné par mon copilote Succès Masra.... Assurez vous d’attacher vos ceintures de sécurité, les turbulences ne manqueront pas... ».

L’avion a décollé. Atterrira-t-il à l’aéroport de la démocratie? Aucune garantie, mais qui ne risque rien, n’arrive nulle part.

Bello Bakary Mana

 

2023 s’en va dans quelques jours, quelques heures.  Quel bilan faire? Je retiens pour vous 3 temps forts, à la fin de cette année, qui ont marqué les esprits. Et un quatrième temps à suivre de près...

À surveiller…

Au moment de publier cette chronique, le Premier ministre Saleh Kebzabo a présenté sa démission et celle de son gouvernement. La nouvelle Constitution est promulguée. Dans la capitale tchadienne, N’Djamena, les supputations sur le nom du nouveau Premier ministre, et l’arrivée des nouvelles têtes au gouvernement pour animer la dernière phase de transition secouent les murs de la ville. La forte bourrasque des bureaux de vote déserts a, semble-t-il, fait décider le président de transition de mettre en pratique la théorie de la « Tabula rasa », faire table rase. Peut-il? Il a la volonté et est décidé à le faire, selon des sources proches de la présidence. Des noms circulent : Bédoumra Kordjé, un choix technique. Saleh Kebzabo, un choix du statut quo. Succès Masra, un choix du beau risque. Bref, le nom de Succès Masra revient souvent. Logique suite de l’accord de Kinshasa, dit une source. Ils est nouveau, jeune, populaire, il est utile à aspirer pour faire retomber les tensions et casser les ardeurs de l’opposition. Mais le mystère et les secrets de palais planent toujours sur la ville.

Temps forts 2023

Premier fait marquant. C’est la tournée improvisée du président de transition (PT) Mahamat Idriss Deby, dans de stations-service, pour semble-t-il, prendre la mesure de la pénurie de carburant dans la capitale tchadienne, N’Djamena. Dans une station-service il échangeait avec un concitoyen lorsqu’un autre arracha la parole…

 « M. le président, faites en sorte de nous fournir de l’électricité, de l’essence, à manger (en allusion à la cherté des prix des denrées alimentaires).. votre peuple souffre, nous souffrons »

Le PT est déstabilisé pendant quelques secondes par l’audace de son compatriote avant de répondre… « Inchallah choulou sabourr. S’il plaît à Dieu, prenez votre mal en patience…patientez ».

Une voix parmi l’entourage du président fuse, « khalas khalas…c’est tout c’est tout », interrompant abruptement cet intéressant échange. Si l’échange avait continué, on aurait peut-être appris pourquoi la production pour consommation locale prenait le chemin de l’exportation. Dommage…

Deuxième fait marquant. C’est l’accord de principe de Kinshasa signé entre le chef du parti Les Transformateurs et le gouvernement de transition, son retour au pays et sa campagne référendaire au sud du pays. Une campagne qui a drainé des foules immenses, mais n’a pas attiré les électeurs le jour de vote. Malgré tout la campagne du chef des Transformateurs a laissé des traces positives. Seule fausse note, c’est son altercation avec le Conseiller national Djimet Bagaou le jour de la Noël  chez le tonitruant Curé Abbé Madou à l’occasion de l’évènement « 100 sourires des enfants pour un Tchad réconciliés ». M. Bagaou avait gros sur le cœur contre Masra et ses gardes de sécurité. La rencontre des 100 sourires a failli tourner à 100 coups de poing.

Troisième fait marquant. Ce sont deux évènements en un : la campagne référendaire et la proclamation des résultats. Lors de la campagne, certains partisans du fédéralisme ont fait campagne pour le « Oui » à État unitaire fortement décentralisé, pendant que des farouches militants de l’État unitaire ont opté pour le boycott, etc. Tout a été mélangé dans un désordre bien organisé. Les résultats ont été proclamés au mépris du jour de la Noël au ministère des Affaires étrangères quadrillé au millimètre par les forces de l’ordre. Limane Mahamat, président de la Commission nationale chargée du référendum constitutionnel (Conorec) a perdu un peu de sa faconde. Il égrenait les résultats , « 86% pour le Oui, soit 4.270.891. 14% pour le Non, soit 695.481 pour un total de 5.251.668 électeurs. Taux de participation 63,75% », s’en est suivi quelques salves destinées à ses opposants. 48h plus tard, la Cour Suprême a revu légèrement à la baisse les chiffres : 85,90% pour le Oui, 14,10% pour le Non.

Bonne année

Bello Bakary Mana

Cahin-caha, la campagne référendaire avance avec ses adversités politiques enchevêtrées des ambitions de différents acteurs politiques. Mais qui en sortira gagnant ?

C’est définitivement Succès Masra, le chef du parti Les Transformateurs. Il est le visage populaire de cette campagne référendaire qui a tourné à son avantage. À son seul avantage. Il attire la foule par millier. C’est spectaculaire et impressionnant le tour de force qu’il a réussi depuis son retour.

La démonstration de sa popularité a atteint son zénith à Moundou, la capitale du Logone occidentale. Il avait besoin de cela pour reprendre espoir après son exil. Ses prises de parole sont aussi énigmatiques que sa position. Il appelle les électeurs à faire le choix qui leur semble bon. Ils peuvent voter oui ou non, peu importe. Il s’en accommodera. Il est égal à lui-même: ni contre le fédéralisme ni contre l’État unitaire. Ce qui est important pour le « berger » de la Transformation, c’est le contact avec son « troupeau ». La foule vient à lui pour voir, toucher, entendre ce berger qui ambitionne de les mener vers le « pays transformé » quand il sera président de la République. Sa force de frappe est sa capacité à mobiliser les foules de tous les âges et de tous les horizons. Il a profité de la campagne référendaire pour mener subtilement sa propre campagne. « Aidez-moi à transformer ce pays, en devenant président. Est-ce que vous êtes prêts à aller aux élections? Qui peut vous battre?», lance-t-il, la voix cassée devant une foule hystérique.

Alors qu’en début de campagne le Premier ministre le Kaïgama Saleh Kebzabo a astucieusement ravi des caciques du Mouvement patriotique du Salut (MPS) la gestion de la campagne du Oui, mais cet exploit a été éphémère. Et n’a duré que 8 jours malgré s’être engagé dans la campagne, ne ménageant aucun effort physique, le Kaïgama est critiqué par la présidence au prétexte que sa coalition pour le Oui ne réussit pas à mobiliser. Pas d’attroupement populaire lors de ses déplacements marathons. Quelques partisans épars s’agitent. Pas plus. Le Kaïgama s’accroche, fait recours à l’ex-Secrétaire général du MPS, Mahamat Zène Bada. Trop tard, la piste est savonnée par l’ami de circonstance et l’adversaire de toujours, l’actuel Secrétaire général du MPS, Haroun Kabadi…Résultat : Le MPS reprend la main. Les caciques du parti créent l’Alliance pour le Oui. Ils réveillent leur vieille machine de campagne : les bureaux de soutien et les partis alliés. Ils sont ragaillardis. Se jettent dans la campagne référendaire, mais c’est difficile pour eux. Ils mettent les bouchées doubles pour ne pas laisser le terrain aux seuls Transformateurs. Sur le terrain, le Kaïgama Kebzabo et son gouvernement sont débordés par le succès de Succès. Quand ils  mobilisent quelques centaines, Succès draine une marée humaine.  Ils ne savent plus comment mener cette campagne référendaire. Ils font le dos rond et remercient le ciel que  Succès avec sa stratégie de « ni, ni » est dans le camp de l’État unitaire « fortement décentralisé ».

Enfin, la présidence de transition observe perplexe cette campagne qui a fait émerger le chef des Transformateurs en acteur politique incontournable. Cette campagne référendaire est l’avant-goût d’un face à face inévitable entre le MPS et Les Transformateurs aux prochaines élections législatives. Et un duel inédit aux présidentiels entre-deux gagnants de la transition Succès Masra et Mahamat Idriss Deby.

Bello Bakary Mana

 

La campagne référendaire a démarré. Deux camps battront campagne. Celui du « Oui » et celui du « Non ». Mais le Tchad étant un pays « à part », ses hommes et femmes politiques étant « spéciaux », il y a dans les faits plus que deux camps. Il y en a au total quatre.

Le premier camp, celui du « Oui ». A sa tête, le Premier ministre Saleh Kebzabo (SK). Ses partisans souhaitent que le Tchad reste un État unitaire, mais « fortement » décentralisé. Ils sont très audibles. Ils font beaucoup de bruits. Et croient dur comme fer que le fédéralisme est un danger. Que le Tchad cessera d’exister. Ils font de la « petite politique » avec une proposition tout à fait valable et défendable. À l’inauguration de leur campagne, leur chef, le « Kaïgama » Kebzabo a vanté leur option en fustigeant les fédéralistes, les qualifiant de divisionnistes, de sécessionnistes. Des arguments pour faire peur. Pas d’arguments économiques, administratifs, rien. Pour un homme politique de son envergure, c’était plutôt paresseux. A cela il faut ajouter la mauvaise foi des partisans du « Oui » d’avoir enfreint, par purs calculs politiques, les recommandations du dialogue national en présentant un seul choix : la constitution d’un État unitaire décentralisé floqué d’une nouvelle invention tchadienne, le concept « d’État unitaire fortement décentralisé ».

Le deuxième camp, celui du « Non ». Il est à plusieurs têtes. Il y a le bloc de Baniara-Yorongar-Béasemda et le groupe de Brice Mbaimong Guedmabaye. Ils veulent que le pays devienne un État fédéral. Ils ne sont pas audibles en ce début de campagne, mais disent se préparer à faire échec aux vœux des partisans du « Oui » qu’ils accusent d’être contre le vrai changement. Ils n’ont pas les moyens de leur ambition fédérale. Difficile pour eux de financer leur campagne. Par contre, disent-ils, leur option est de plus en plus comprises, de plus en plus populaire. Ils ont parmi eux des extrémistes du fédéralisme comme si cette option réglera d’un coup de baguette magique tous les problèmes du pays.  

Le troisième camp, celui du « boycott ». Il est bicéphale (à 2 têtes). Il y a la coalition de plusieurs partis avec un porte-parole Max Kemkoye. Il y a aussi l’ancien Premier ministre Pahimi Padacké Albert. Tous dénoncent la malfaisance qui a jalonné toute la seconde phase de la transition. Pour eux ce référendum est mal foutu. Ils ont déjà presque perdu la bataille sauf si les Tchadiens boudent les urnes et suivent l’appel au « bureau de vote mort ».

Le quatrième camps, celui du « ni oui ni non ». C’est celui du parti Les Transformateur dirigé par Succès Masra. Ils choisissent de ne pas choisir parce que, disent-ils, il y a des partisans de l’État unitaire et du fédéralisme dans leur organisation. Une position sans prise de position. Ils iront donc vers où le vent les mènera. Ce n’est pas fort. Autrement dit la question est trop brûlante et clivante pour eux. C’est bien dommage. Il vaut mieux prendre une position et l’assumer que ce « ni, ni » qui les fait paraître aux mieux comme des frileux, au pire comme des opportunistes. C’est surprenant de la part de ceux qui veulent transformer le pays. Et qui se définissent comme des durs qui tracent un chemin dur. Cette ambiguïté risque de leur causer des problèmes durant la campagne et de leur coûter politiquement cher dans leur ambition de copiloter le reste de la transition. Pire, il risque d’engendrer des interrogations sur leur sincérité politique. J’ai hâte d’entendre leurs arguments de campagne.

Enfin, ce début de campagne ne semble pas intéresser les Tchadiens. Ils sont préoccupés par leur dur quotidien. Ils sont désabusés par la politique et les politiciens. Pour l’instant, ils ne croient aucun des camps. Le début de campagne référendaire est pour eux un non-évènement. J’ai insisté dans mes échanges avec plusieurs sur l’importance de ce rendez-vous politique pour l’avenir du pays. Les plus pessimistes boudent. Les plus optimistes répondent  « Allah khalib, Dieu est en contrôle ». Pourtant, Dieu n’a rien à voir.

Bello Bakary Mana

J’écris cette chronique comme journaliste, mais aussi comme Peul. Pourquoi? Pour lever le voile sur les souffrances des miens, les Peuls nomades et éleveurs. Pour sensibiliser le public tchadien, le monde et les autorités. Enfin, je l’écris pour exprimer mon ras-le-bol. Comme l’a si bien dit un ami,  « les éleveurs sont doublement victimes : d’un côté, ils sont victimes des exactions. Et de l’autre, ils sont présentés systématiquement comme des fauteurs de trouble »…

Contexte : j’ai vu une vidéo poignante d’une femme peule qui demande au président de transition (PT) Mahamat Idriss Deby de voler au secours des éleveurs peuls afin d’arrêter les exactions dont ils sont victimes depuis la mort du Maréchal président Idriss Deby Itno. Cette vidéo est révoltante, mais de pareils abus n’émeuvent plus personne au pays. Il me semble qu’une bonne partie de nous, Tchadiens, avons perdus le sens de l’indignation.

La dame précise qu’en cette période de chasse aux votes (allusion au futur référendum), il faudra que le PT dise aux militaires véreux, aux administrateurs indélicats (préfets, sous-préfets, gouverneurs) et à certains citoyens  malhonnêtes d’arrêter de faire des éleveurs peuls une machine à cracher des billets de banque. Subtilement, elle demande donc de troquer le vote des éleveurs peuls nomades contre leur sécurité.

Il faut le dire, le redire que ces exactions sont connues de tous, mais personne ne veut trouver de solution. Parce que plusieurs en tirent profit. Les nomades peuls sont finalement victimes des règles du code de conduite peul, « le Pulaaku » qui est un ensemble de valeurs peules.

Voici en vrac quelques-unes : « le mougnal », (patience, réserve) ou le « sabourr » en arabe tchadien. Le « semteèndé » (honte, pudeur), le « hakkilo » (la réflexion, agir avec intelligence), le « neddhaaku » (dignité, amour propre), etc. Dans cette communauté, quoiqu’il arrive, il faut se comporter en Peul. Il faut avoir ces principes chevillés au corps.

J’ai l’habitude lorsque je discute avec les membres de la communauté de leur dire « ce fameux code nous perdra dans ce pays ».

A ce code, il faut ajouter, par exemple, l’interdiction de mendier. Il m’arrive d’échanger dans les rues de la capitale, N’Djamena, avec de jeunes dames, des adolescents de plus en plus nombreux, en leur demandant pourquoi ils s’adonnent à la mendicité ? Savent-ils que c’est une pratique interdite par la communauté? Ils me répondent invariablement, « nous avons perdu notre bétail. C’est honteux, mais c’est mieux que d’aller voler ». Mon cœur se serre. Je vide mes poches, baisse la tête et je disparais honteux dans la nature.

Un jour dans un camp de nomades peuls lors d’une causerie, un parent me lance, « sais-tu quelle est la seconde ressource du Tchad après le pétrole? »

Moi : « L’or »

Lui : « Non. Le Peul éleveur et nomade »

Moi : « Arrête, tu exagères »

Lui : « Non. Partout dans ce pays, les éleveurs peuls souffrent. On spolie leurs richesses à cause de leur bétail ».

J’étais surpris et bouche bée. Il finit par me lâcher, avec pudeur, « parlons d’autres choses. Comme tu es journaliste, le jour où tu voudras écrire un livre sur ces exactions, j’ai des tonnes d’histoires à te raconter ».

Cette vidéo a réveillé en moi un sentiment de ras-le-bol. Tout pour les autres, rien pour l’éleveur nomade. Cet éleveur sans village fixe. Cet éleveur qui erre dans la brousse est aussi un citoyen à part entière comme cet agriculteur fixé dans son terroir. Et qui se plaint à longueur d’année de l’éleveur. Comme ce militaire qui traque à la grandeur du pays l’éleveur. Comme cet administrateur civil qui ne cesse de faire les poches de l’éleveur. Dans ce vaste pays, l’éleveur est caricaturé, vilipendé, qualifié de trafiquant, de coupeur de route, de brigand. Traîné dans la boue par une certaine presse comme le vilain citoyen. Que cela cesse.

Enfin, dans la vidéo cette dame a pris la parole en mettant de côté le « Pullaaku », signe que c’est trop. Elle est meurtrie dans son être en violant le Pulaaku. Surtout qu’elle est une femme issue d’un milieu conservateur. M. le PT, il est temps de s’occuper aussi des éleveurs peuls avant que cela ne soi « un problème peul ». Écoutez  cet appel. Et prenez des mesures pour stopper ces exactions. C’est notre patrimoine commun qui disparaîtra si rien n’est fait.

Bello Bakary Mana

Surprise sur prise. La défaite de Succès. Le succès de Mahamat. Voilà comment je résume en 8 mots le retour au pays du principal opposant Succès Masra, la signature d’un accord dit « de principe » qui a fini par être l’accord.

Accord surprise sur prise

La surprise : Ce sont les conditions dans lesquelles se sont déroulées les modalités et la signature de cet accord qui ressemble fort bien à un accord précipité. Pas le temps ni le recul nécessaire n’a été donné au président des Transformateurs de peser, de se poser et d’apposer sa signature. Selon plusieurs sources, des choses se sont passées, des téléphones ont sonné entre 3 capitales africaines, entre 2 aéroports, entre 2 avions pour dénouer une situation sur fond de mandat d’arrêt international. Masra s’est-il rendu de son gré à Kinshasa? Avait-il le choix de refuser de s’y rendre? Lui a-t-on forcé la main pour signer? Flous, mystères et pressions ont entouré les retrouvailles de Kinshasa...

La prise : C’est évident, la personne de Succès Masra (SM) est une grosse prise. L’homme politique qui a défrayé la chronique s’est finalement rendu à main nue. La prise a été belle. Elle est bien symbolisée par la prière de l’opposant à sa descente de l’avion lorsqu’il embrassa la terre tchadienne. Un retour sans tambour, ni trompette. Une rentrée à la sauvette en Terre Promise.

La défaite, la victoire

J’ai lu et relu l’accord pour me faire mon avis. J’ai cherché les détails, les exceptions, etc. Rien. Ils n’existent pas. J’ai fini par faire mien l’avis d’un ami et éminent juriste, après lecture, il m’écrit : « C’est une simple déclaration d’intention dépourvue de toutes obligations, d’objectifs et de chronogramme ». Succès et ses militants n’ont rien obtenus de concret. Ils ont capitulé. Pour parler vulgairement comme un camerounais,  ils sont dans la sauce longue, le « Tankoull ». Il sera difficile pour eux de s’en sortir parce qu’ils se sont engagés à dialoguer de façon permanente, à faciliter le retour à l’ordre constitutionnel dans le délai imparti (à souligner), etc.

Dès son atterrissage, SM a décrété 40 jours de deuil pour les morts du 20 octobre. Entre temps, un important rendez-vous politique aura lieu : la campagne référendaire et le vote. Donc, Succès et ses amis ne se prononceront pas. Ils ne feront pas campagne. Les Tchadiens ne sauront pas de quel côté, ils voteront. Bref, la transition est validée par Les Transformateurs. Les chicanes, les contestations, le débat sur la transition font partie du passé.

Le coup administré par Mahamat est mortel. Il est dans ce point de l’accord qui dit « Dans le même esprit d’apaisement de l’accord de Doha et en cohésion avec l’engagement du Président de Transition, à initier, au courant du mois de novembre 2023, une loi d’amnistie générale pour tous les acteurs civils et militaires impliqués dans les événements du 20 octobre 2022 ». L’opposant n’a rien obtenu en retour. Pas d’enquête indépendante sur les morts et les disparus du 20 octobre. Rien. Fini. Terminé. Pour amnistier, il faut d’abord juger. Ils sont où ses militaires qui ont tiré sur les manifestants? La victoire du général président Mahamat Idriss Deby est totale. Sur tous les fronts. Sur toute la ligne. Le 20 octobre est passé en pertes pour l’opposant Succès et en profits pour le président Mahamat.

Bello Bakary Mana

La nouvelle du limogeage du ministre du pétrole Djerassem Le Bemadjiel semble une surprise mais au fond ce n’est pas une surprise en soi. Ce sont les raisons avancées qui m’intrique. Le Bemadjiel est-il le génie de l’arbre qui cache la forêt des malversations ? Est-il victime d’une cabale ?

L’ex-ministre n’est pas un enfant de chœur dans le « Golgotha politique » tchadien.

D’abord, il a fait son entrée en politique grâce, dit-on, à son « génie ». Surnommé en boutade « le génie gambaye », il est, disent ses admirateurs, l’inventeur d’une formule et d’un système d’énergie interne sans apport d’énergie externe. Rien de moins. L’invention s’est révélée être fausse, selon ses détracteurs. Trop tard le génie était déjà hors de son laboratoire. L’entreprise Schlumberger l’a recruté comme Technicien supérieur, il s’est formé pour passer ingénieur. Il est récupéré par le défunt Maréchal Deby père par l’intermédiaire de son oncle l’ex-Premier ministre Emmanuel Nadingar. Il est nommé directeur général de la raffinerie de Djermaya. Il est cajolé et propulsé ministre du Pétrole.

Ensuite, il subit la colère du Maréchal. Il est accusé de détournements des revenus pétroliers et incarcéré dans la retentissante affaire Glencore ou des fonds vautours ont mis leur grappin sur le pétrole du pays. Il a même été accusé, emprisonné, pour être à la fin blanchit. Double surprise, il a été libéré et nommé ministre des Hydrocarbures et de l’Énergie.   Le « génie » a-t-il agit seul ? Jamais. Impossible. Il a été un important maillon du système Deby père et Deby fils. Son limogeage ressemble plus à une punition pour l’exemple, pour l’excuse.

J’ai de la difficulté à croire qu’il ait bidouillé seul, dans son coin, des malversations. Les raisons sont ailleurs. Selon plusieurs sources, la président de transition cherche le coupable des délestages, du manque d’énergie pour justifier l’échec de ses multiples promesses sur le triplement de l’augmentation de la production énergétique. Qui peut mieux porter le chapeau que le ministre Le Bemadjiel. Le « génie » a le profil parfait, son passé, le même poste. Il est de nouveau remis dans sa bouteille. Certaines sources parlent même de son retour à la case prison, dans les jours à venir, son laboratoire. Ceux qui le connaisse disent qu’il dénonce une cabale montée par un groupe d’intérêt, contre sa personne. Il affirme détenir les preuves de son innocence.

Enfin, le génie cache la forêt des malversations. Il risque d’être relâché dans cette forêt sans être inquiété. Et même espéré rebondir sur la branche d’un autre arbre.

Bello Bakary Mana

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