Édito

Édito (60)

Il y a des sujets sur lesquels on ne peut pas discuter et écrire avec une certaine légèreté. Pour ce qui se passe à Kouri-Bougoudi, ce coin du pays hors de la République, il est difficile d’en discuter sans y laisser un peu de son humanisme. Que dire et écrire lorsque le massacre se passe presque en direct sur les réseaux sociaux ? Comment comprendre que des Tchadiens s’entre-tuent sans la présence des médias crédibles ?  Il y a 4 raisons pour comprendre Kouri-Bougoudi, le Far West tchadien.

Première raison, tout le monde parle de l’absence de l’État mais en vérité l’État n’a jamais pris pied dans cette région. L’hostilité de son territoire, de son éloignement, sont certes des obstacles mais il est surmontable par la puissance publique. L’État, il faut le dire a démissionné. Tous les pouvoir successifs jusqu’à celui du président Hissène Habré se sont contentés d’observer tout en endiguant les dangers de la région en refusant de faire de la petite politique de courte vue avec les natifs de la région.

Sauf que l’ancien régime du défunt Maréchal a décidé de briser cette tradition en sous-traitant la sécurité à des chefs de bande de la région. Il a passé en catimini un deal qui se résume à : garantissez-moi de bloquer le passage aux rebelles et je vous laisse exploiter l’or du Tibesti. De plus, dans sa méfiance vis-à-vis des populations locales, il leur a adjoint comme contre balance les nouveaux pirates du désert communément appelé « les toroboro », qui sont pour la plupart originaires du soudan voisin. A Kouri-Bougoudi, c’est la loi du plus fort qui est la meilleure. C’est un lieu de non-droit où l’État est méconnu et combattu.

Depuis quelques décennies, la conception de l’État par ceux qui en son sommet est bizarre. Ils pensent que l’État ce sont les titres sans le mérite. Que l’État se sont les décrets sans la compétence. Que l’État c’est l’addition des complaisances amicales, tribales ou claniques.

Deuxième raison, l’exploitation anarchique des carrières d’or qui suscite tant de convoitises ne peut qu’entraîner l’émergence du banditisme, des brigands, des gangsters hors la loi. Un État normal ne peut pas accepter l’exploitation de ses ressources naturelles sans aucun contrôle, fut-elle artisanale. Cette exploitation non industrielle se fait selon un code tribal. Les gens des mêmes groupes ethniques s’installent entre eux, vivent entre eux, se constituent en milice d’autodéfense ou d’attaque, et sont motivés par deux choses : l’appât du gain et la préservation de ce qu’ils considèrent comme leurs ressources. Cette organisation encouragée sciemment ou inconsciemment par l’État est une bombe à fragmentation qui pourra embraser toute la région et emportée ce qui reste de l’État.

Troisième raison, la nature a horreur du vide comme la géographie ou le territoire a horreur de l’absence d’une administration publique compétente. Dans cette grande région, une nouvelle mafia s’est installée. Des nouveaux pirates du désert on fait leur apparition, les « toroboro ». Des cavaliers de l’enfer sur terre, les « djandjawid » lorgnent vers ce nouvel Eldorado pour prélever leur part. Nouvelle mafia, les « toroboro », l’ombre des djandjawide avec toutes ses ramifications étrangères est un explosif programmé.

Maintenant, quelle solution ? Le président de la transition est allé dans la région. Les Tchadiens attendaient de lui une solution et une nouvelle vision. Rien de tout cela. Il a proposé un rafistolage de plus injuste, une « solution apartheid » qui a consisté à chasser tous les tchadiens non-originaires de la région. Leurs matériels saisis, leurs carrières fermées. Ils n’ont pas le droit d’exploiter de manière illégale les ressources minières comme le font les locaux. Il y a visiblement des Tchadiens plus Tchadiens que d’autres. Kouri-Bougudi en est le parfait exemple.

Bello Bakary Mana

Ras-le-bol, c’est le sentiment que les Tchadiens éprouvent lorsqu’on discute avec eux de la politique tchadienne de la France. Cette frustration s’est amplifiée depuis la mort du père Maréchal Deby Itno. Ils se souviennent que la France l’a soutenu à bout de bras et de canons. Aujourd’hui, les Tchadiens ont le sentiment que cette même France bombe le torse pour soutenir le fils Maréchal au mépris des règles constitutionnelles. Cette France jupitérienne s’est même précipitée en bravant la Covid-19  pour venir aux funérailles du Maréchal. Et adouber le président de la transition en menaçant ceux qui seront tentés de ne pas accepter l’ordre établi par Jupiter, Macron. Il disait publiquement avec l’arrogance du maitre des lieux « la France ne laissera personne menacer le Tchad ». Cette phrase beaucoup des Tchadiens ne l’ont pas avalé. Ils sont convaincus que le message leur est adressé, eux, qui aspirent à ce que tout change mais que la France veut en sous-main que rien ne change. Alors les Tchadiens se sont mis à regarder ailleurs. Et puis, la France est chassée du Mali où, eux, Tchadiens ont contribués à écraser les djihadistes les plus craints. La France est également malmenée au Burkina-Faso. Elle marche sur des œufs au Niger. Où ils y sont aussi dans la zone de 3 frontières pour protéger ces pays. Et au Tchad, ils sentent que cette France veut leur faire un enfant dans le dos alors ils ont décidé d’en découdre pacifiquement.

Pourquoi et comment?

Ils ont misé sur la société civile qui a su créer une dynamique citoyenne avec le mouvement Wakit Tama. Un courant dynamique, bon-enfant, rassembleur qui ose enfin mettre les points sur les « i » et les barres sur les « t ». Certes, cela n’a pas été facile mais Wakit Tama a su bâtir patiemment un sentiment d’appartenance ouvert à tous. Il a su combler le vide laissé par des politiciens vire capo avec qui il était impossible de bâtir un tel mouvement. Wakit Tama a eu des moments de doute, des temps où le moral frôlait les chevilles mais Wakit Tama a tenu la rue par la force de son intelligence et par le sens de son timing. Ce mouvement est resté sur sa ligne. Et il a osé s’attaquer à la politique de la France au Tchad en donnant aux tchadiens une raison à leur lutte et en doigtant avec raison le soutien de la France à une junte sans imagination.

Cette manifestation du 14 mai contre la politique française reste le départ de quelque chose vers une autre direction. Vers une destination que les Tchadiens veulent choisir. Eux à qui on ne demande pas leur avis, si on le demande c’est pour le tordre par des élections bidon qui donnent des résultats encore plus bidons.

Le 14 mai dernier va certainement laisser des traces.

Le lendemain 15 Mai, des arrestations ont eu lieu. Massar Hissène Massar, ancien ministre est arrêté. Son tort c’est d’avoir assisté à une manifestation autorisée. Max Loalngar figure emblématique de Wakit Tama est jeté en prison. Son tort c’est d’avoir organisé la marche dénonçant l’ingérence de la France dans la politique du pays. Des dirigeants de Wakit Tama sont aussi intimidés et menacés de poursuites judiciaires pour dégradation des biens privés.

Le 14 mai passé est une alerte pour la France. Elle doit tirer des leçons de cette manifestation. Elle doit cesser de faire semblant d’être neutre. Elle doit montrer pattes blanches au sujet de la transition. Elle doit dire clairement qu’elle est contre la dévolution dynastique du pouvoir. Elle doit aider les Tchadiens de bonne volonté à asseoir une transition juste, à réussir un dialogue inclusif et souverain, à organiser des élections libres et transparentes, à ne pas se mêler des affaires tchadiennes et à demander au Conseil Militaire de transition (CMT) d’être des arbitres et de passer la main.

Enfin, seule fausse note ce 14 mai ce sont les casses, sinon il a rempli le cœur de beaucoup de Tchadiens de fierté d’avoir finalement compris et engagé le combat pour la vraie démocratie. D’avoir enfin dit assez à la France. Merde à ses tambouilles politiques pour que cette ultime bataille pour le changement triomphe. Il y a des rendez-vous qu’il ne faut pas rater, la transition pour une vraie alternance est le plus important de ces rendez-vous.

Bello Bakary Mana

Un an déjà que le Maréchal Idriss Deby Itno est parti pour son dernier voyage. Il a été durant 30 ans président de la République. Quel bilan peut-on faire? Quel héritage a-t-il laissé ?

D’abord, le bilan prenons quelques secteurs vitaux…

L’économie : Il n’y a pas grand-chose à dire. Le Maréchal a laissé une économie en lambeau. Une économie qui tourne autour des marchés publics avec tous ses irritants : la surfacturation, une prime à la corruption, la course à l’enrichissement illicite, le chiffonnage de l’argent public par les cercles des amis, du clan et de la famille. Il est vrai le pétrole a été exploité sous le règne du Maréchal, un point positif à mettre sur son actif, mais cette manne a été gérée comme une épicerie familiale.

La politique et les institutions : C’est le désert. Quelques partis politiques ont émergé, mais la plupart sont des partis d’un homme ou d’une femme. Avec des chefs souvent « affairistes » qui ne sont motivés que par l’appât de la collaboration et d’un poste ministériel. Ils n’ont d’autres ambitions que leur personne. Ils ont pour la plupart échoué à bâtir et à animer la vie politique. Les rares qui l’ont fait confondent souvent le parti, leur personne et leur désir. Et les institutions? Elles sont vassalisées au profit de l’équipe au pouvoir ou des amis politiques. Elles n’existent que de nom. Elles sont « caporalisées » à tel point qu’elles ont oublié leur missions républicaines.

La Justice : Elle est à terre. 30 ans plus tard, la justice semble difficilement réformable. 30 ans plus tard, les magistrats sont fâchés parce qu’ils exercent dans l’insécurité, plusieurs d’entre eux ont été agressés. 30 ans plus tard, ils se cherchent. Ils sont tantôt accusés d’être des corrompus, tantôt d’être laxistes.

L’éducation : C’est l’effondrement. Les apprenants n’ont pas le niveau. Les enseignants non plus. Tout est à refaire.

L’armée : C’est la débandade. L’armée nationale tchadienne n’existe pas. Elle n’est que l’ombre d’elle-même. Pourtant le défunt Maréchal est un pur produit de cette armée. Il la connaissait comme sa poche, mais il a refusé obstinément de la remettre sur pieds. A sa place il a préféré une armée clanique qui  protège son pouvoir. Rien que son pouvoir.

La démocratie : C’est un mirage. Sa première phrase prononcée lors de son premier discours au pourvoir « je ne vous apporte ni or, ni argent, mais la liberté » est restée une promesse sans lendemain. La démocratie est toujours attendue. Un semblant de liberté existe mais à vitesse variable grâce à la société civile et à la presse privée.

Les médias : Que dire ? Un champ de cafouillage ? Ou un chantier en auto-construction ?  Les médias publics : aucune avancée. C’est la maison des fainéants louangeurs et adeptes du remplissage d’antenne. Ils ont aidé à clochardiser le métier de journaliste. Les médias privés, eux, sont la plupart des professionnels du mélange du genre et des adeptes des multiples casquettes. Ils n’ont que faire des principes qui fondent ce métier.

Enfin, l’héritage du Maréchal. Quel héritage ? Des immeubles ? Des routes bitumées ? L’eau potable pour tous? L’électricité pour chaque foyer ? Presque toutes les réalisations sont comme on dit des « éléphants blancs ». Le communautarisme est là, plus fort que jamais. Il est même devenue un ascenseur politique. Les rébellions sont toujours là, toujours plus féroce. Il n’a pas su y mettre fin. Lui le Maréchal. Son héritage vous dîtes? Il faut arrêter de chercher parce qu’il n’y a rien.

Si ses héritiers politiques croient que le Maréchal a laissé un héritage sur lequel ils peuvent s’accrocher pour perpétuer le même système, ils se trompent. L’ère Deby est finie. Il ne se régénérera jamais.

Bello Bakary Mana

La transition tchadienne entre dans son 12e mois. Plus que 6 mois pour arriver au dialogue. Jusqu’à là, rien n’a fondamentalement changé. Le flou comme méthode de gouvernance fait son chemin. Plus ça change, plus c’est pareil. « Mahamat Kaka » doit se débarrasser de cette méthode d’exercice du pouvoir qui va sans doute vers l’abime.

Il cherche à confisquer la transition. Pourquoi ?

Regardez bien les agissements de celui qu’on croyait être un agneau. Il s’est « loup sifié » au fil des jours. Il hameçonne tous ceux qui depuis des années ont entrepris de combattre la fausse démocratie du père Maréchal. À part quelques rares, ils sont tous dans la sauce : le PLD de Mahamat Ahmat Alhabo est dedans, l’Undr de Kebzabo a envoyé des seconds couteaux pour tromper la vigilance des Tchadiens. Wakit Tama a tenté « l’entrisme » cher à un grand roublard de la vie politique. Cette plateforme tente ces derniers jours de se défaire de sa tentation. Étonnement, Les transformateurs se sont tus. Ce silence semble conforter la thèse de ceux qui gravitent autour de la junte. Et qui lâchent toujours ces petites phrases « les Transfos sont dans la sauce avec le retour du blanchi ministre du Pétrole Le Bemadjiel, proche des Transfo. ». Les Transfos transformés? En tout cas, leur ardeur diminuée étonne. Interroge. Mais passons…

Le quotidien des tchadiens aux oubliettes

Parce que les Tchadiens en cette période de ramadan manquent d’eau et d’électricité pour ne pas dire de tout. Manquer d’eau et d’électricité en 2022 et être ignoré par celui qui dit vouloir changer le pays en assurant une transition apaisée n’est pas rassurant. Surtout qu’il a gardé toutes les vilaines méthodes et les vilains copains du vieux système. Même les adversaires d’hier et les alliés d’aujourd’hui sont presque tous confondus : les camelots soi-disant activistes, les opportunistes politiques passent désormais leur temps pour dire aux Tchadiens que Kaka est un gentil. Et que c’est même une chance pour le pays. Les Tchadiens ne veulent ni des gentils ni des veinards, ils veulent des gens sérieux qui ont des solutions pour leur quotidien. Et qui leur donne des gages pour changer profondément ce pays.

Le désordre jusqu’au palais rose

Parce qu’au flou s’est rajouté le désordre administratif partout dans le pays. Même le Palais n’y échappe pas. Ces derniers jours les luttes intestines à la présidence ont connu leurs apogées avec la démission du Directeur de cabinet civil du PCMT. Sa démission en soi n’est pas le problème, mais le spectacle qui s’en est suivi est ahurissant. Le Dircab argumente dans sa lettre de démission  comme quoi elle n’est pas un acte politique. C’est plutôt, dit-il, pour des raisons institutionnelles et interpersonnelles. Il enfonce le clou et désigne l’origine de son départ par une certaine « irrationalité administrative » dont le PCMT serait victime. Cette démission est bel et bien un acte politique.

Pour l’argument interpersonnel, tous les regards sont tournés vers le secrétaire particulier du président de la transition. Par ses agissements, il mettrait en péril la transition. Lui. Tout seul serait responsable. Alors que le PCMT  serait encore cet innocent agneau que Dieu doit guider dans le bon chemin. Ces arguments sont non seulement infantilisants, mais inexacts. Le secrétaire particulier du PCMT dans la stratégie du flou entretenu par la junte, joue pleinement son rôle. Celui du « méchant » pour que le PCMT s’enracine contre la volonté des Tchadiens.

Enfin, le flou, toujours le flou pour proroger l’échéance des 18 mois. Techniquement, il n’est plus possible de respecter ce délai. Et personne n’est disposé a enduré pour 18 mois supplémentaires, le PCMT, ses amis et ses alliés de circonstance.

Bello Bakary Mana

Le Tchad est en transition politique, mais une grogne sociale d’une grande ampleur couve. 

Au même moment, le président de la transition Mahamat Idriss Deby s’est offert une balade dans quelques capitales provinciales promettant monts et merveilles.

Au Parti pour les Libertés et le Développement (PLD), la chicane a gagné les esprits.

D’abord la grogne social qui couve a commencé par se faire sentir.  À la Justice et à l’Éducation, le feu roule. A la Santé il rampe. Dans les souks les prix flambent.

Les magistrats étaient les premiers à partir en grève illimitée depuis quelques semaines, mais ni le gouvernement ni le Conseil militaire de transition ne semble mesurer les conséquences de cette grève qui risque de paralyser le pays. Pourtant les magistrats ne demandent pas grand-chose. Ils réclament de travailler en sécurité. Sur ces dossiers il est urgent d’agir.

Ensuite, le Président de la transition s’est offert une balade. Est-il en campagne ? Il a pris goût au pouvoir. Il y a tellement des problèmes à régler que cette campagne est incompréhensible. Partout où il est passé, il a beaucoup promis. Il est sur les pas du Maréchal. La France et son président Emmanuel Macron ont adopté le PCMT. Ils sont étonnement silencieux sur cette transition. Ce n’est pas le cas des Américains. Le sénateur Bob Menendez dans une lettre dénonce le silence de l’administration Biden. Il appelle le président de la transition et les autres membres de ne pas se présenter aux futures échéances électorales. Et parle d’occasion historique pour tourner la page des années de dictature. 

Au Parti pour les Libertés et le Développement, c’est la dispute. Une partie des militants avec à leur tête Hicham Ibni Oumar contestent la gouvernance du Secrétaire général, Mahamat Ahmat Alhabo.

Le groupe de Hicham affirme qu’il y a un contentieux. Lequel? Certains militants qui ont battu campagne en 2016 seraient mécontents. Ils ont l’impression d’être méprisés. Aussi, Hicham réclame son investiture comme candidat à la Mairie du 4e arrondissement et sa réintégration comme membre du Comité exécutif du parti.

Des arguments insuffisants et légers selon le parti qui affirme de son côté que le groupe de Hicham méprisent les textes qui régissent le parti. Et croit que le fait d’être fils de, lui donne des privilèges. Au sujet de sa candidature, la réponse fuse en forme de boutade : est-il possible de l’investir lui seul? Il est vrai que les investitures se font dans une période donnée, en groupe et selon la méthode du parti. Avant de solliciter l’investiture, Hicham doit accepter de militer, se faire connaître des militants, de payer ses cotisations, d’assister aux réunions et de se conformer aux textes du parti. Il n’y a pas 56 façons de faire de la politique active. Pour le PLD, la sortie du groupe de Hicham est un non-évènement.

Enfin, l’excursion du président de la transition alors que la grogne sociale est partout dans le pays est tout, sauf responsable.

Bello Bakary Mana

Cela fait 15 jours que la délégation gouvernementale et les politico-militaires se sont retrouvés au Qatar pour un pré-dialogue qui permettra d’aller au grand dialogue national, prévu le 10 mai prochain. Que veulent les politico-militaires? Comment fonctionnent les Qataris? Pourquoi, 2 semaines plus tard, rien de concret n’est sortie?

D’abord, les politico-militaires ne semblent pas comprendre que Doha est une étape où ils posent les conditions de leur participation. Et le cœur de ces conditions est la garantie de leur sécurité. Le reste des leurs revendications devraient en principe se faire lors du grand dialogue. Mais les « politicos » donnent l’impression de ne pas savoir ce qu’ils veulent. Ils ont surtout fait étalage de leur désunion. Résultat, des groupes se sont formés sur des superficielles affinités. Quelles affinités? Guerrières? Idéologiques? En fait, les politico-militaires ne se font pas confiance. Les uns ne considèrent pas les autres. Il y a ceux qui croient dur comme fer que parmi eux, certains rouleraient pour la junte.

Ensuite, la lassitude de ne rien comprendre aux « méthodes quatariennes » a étreint tout le monde. Surtout la délégation gouvernementale qui semble réaliser que les choses sont plus compliquées que cela. Avant d’aller à Doha, le Conseil Militaire de Transition a fait jouer le nombre, imposant des politicos, au nom du dialogue inclusif, dans le jeu de la négociation espérant tirer profit. Arrivé à Doha, c’est une autre réalité qui s’est imposée, celle de la méthode quatarienne. Le négociateur en chef Chérif Mahamat Zène est même parti s’occuper d’autres choses. Bref, les bruits des couloirs en provenance de Doha se résument en une phrase, « rien ne se passe, rien ».

Rien? Pas tout à fait. Les Qataris ont travaillé. Ils ont un projet. Ils ont leur méthode. Leur plan repose sur trois piliers : l’écoute, le temps et le sérieux. Ils sont les maîtres du jeu et de l’horloge. Ils ont l’expérience et les moyens. S’ils ont supporté durant 2 ans les négociations entre les redoutables talibans et les intransigeants Américains, gérer les différends entre les Tchadiens est de la « petite bière ». D’ici à ce que les Qataris démarrent concrètement les négociations, les Tchadiens, gouvernementaux ou « politicos », ne savent pas ce qui les attend. Alors ils attendent, s’ennuient entre les couloirs du luxueux hôtel Rotana et les grandes tours de Doha en s’adonnant aux selfies et aux gawala gawala.

Aussi, la « méthode qatarie » qui consiste à donner du sérieux à la discussion est une bonne chose. Et une chance pour ce pays, même si les participants de deux côtés s’interrogent sur la pertinence de la méthode. Et sur son impact sur le calendrier de la transition. Les Tchadiens doivent prendre conscience que le Tchad a cessé d’être un pays politique au sens noble. Il est depuis la mort du premier président N’Garta Tombalbaye un pays politico-militaire où servir son pays est une tare, mais servir ses amis et son clan est le summum de la réussite.

Enfin, Doha est une occasion pour enterrer définitivement cette culture politico-militaire où les militaires sont militaires en faisant la politique. Et les civils prennent les armes pour faire de la politique. Et cela même s’il faut sursoir sur la date du 10 mai.

Bello Bakary Mana

Tous les yeux et les oreilles des Tchadiens sont orientés vers Doha. Les négociations entre les politico-militaires et la délégation du gouvernement de transition, après deux ajournements, piétinent toujours. Visiblement, il y a du sable dans l’engrenage. Qu’est-ce qui se passe à Doha ?

Côté politico-militaires. Ils sont arrivés à Doha de tous les coins de la planète. Ils étaient nombreux. Pas 52 personnes. 52 délégations au total. Il y a trop des politico-militaires. De toutes les espèces. Il y a une première catégorie : ceux qui ont de combattants sur le terrain ou des résidus de combattants, ceux qui prétendent en avoir, ceux qui étaient et ceux qui veulent l’être. Il y a une deuxième catégorie : les anciens baroudeurs, râleurs, rouleurs et grands usés par l’opposition armée. Il y a une troisième catégorie :les aventuriers, les animateurs des réseaux sociaux, les glaneurs, les grandes gueules, les opportunistes tantôt activistes hors du pays, tantôt rebelles de salon. Les Qataris avaient senti le piège pléthore. Ils tentent de donner du temps à tout ce vilain monde. Ils avaient signifié leur réticence au Conseil militaire de transition (CMT), mais peine perdue. Le piège semble se refermer sur tout le monde. Comment arriver à mettre tout ce monde d’accord?

Oui, il y a du sable dans le démarrage des négociations. Les politico-militaires disent être prêts tout en affirmant, sourire en coin, que le blocage vient de l’entourage du président de la transition qui a dépêché précipitamment de nouvelles personnes pour appuyer la délégation gouvernementale.

Côté gouvernement. Chérif Mahamat Zène, ministre des Affaires étrangères et président du Comité spécial chargé des négociations avec les politico-militaires balaient ses allégations du revers de la main. Il n’y a rien qui bloque selon lui. Les 10 délégués de la partie gouvernementale sont prêts. C’est les « politicos » qui tergiversent. L’ambiance entre les deux parties n’est pas terrible, après les retrouvailles hypocrites et les interminables salamalecs, voici venu le temps de faire face de deux côtés de la table, à la vérité.

L’inconnue à Doha est la méthode qatarie. Les Qataris ont fait beaucoup des efforts pour permettre aux deux parties d’affûter leurs arguments et de s’organiser. Ils n’ont pas l’intention de se laisser mener. Ils concocteraient une sauce imparable dans laquelle tous, délégation gouvernementale et politico-militaires, seront mangés. Comme médiateur, ils ont raison de ne pas vouloir entacher leur crédibilité dans les interminables querelles tchadiennes. Ils veulent imposer leur rythme et leur méthode. Si cela marche, c’est une excellente nouvelle. Et une chance pour le pays d’en finir avec ceux qui croient que le Tchad est un butin de guerre, qu’il soit du côté des politico-militaires comme du gouvernement.

Enfin, toutes ces chicanes augurent des lendemains qui déchantent. Et la montagne Doha accouchera certainement d’une souris.

Bello Bakary Mana

Le pré-dialogue s’est ouvert à Doha, au Qatar, entre le pouvoir et les politico-militaires hier dimanche 13 mars. C’était un vrai souk, il y avait beaucoup du monde. Les travaux sont suspendus après le coup d’éclat du principal groupe rebelle du Front pour l’Alternance et la concorde au Tchad (FACT). On y reviendra dans nos prochaines publications.

L’ex-président Goukouni Weddeye a été viré sans égard de la tête du Comité Technique Spécial chargé de négocier avec les politico-militaires. Un acte qui en dit long sur l’état d’esprit des autorités de la transition. Et qui annonce des lendemains tristes.

Aussi, vous avez tous lu, vu, mais pas décortiqué la composition du nouveau Comité Spécial chargé de négociation avec les politico-militaires. Cette composition est incestueuse voir scandaleuse.

D’abord, le limogeage du président Goukouni Weddeye. Le décret est tombé à 3 jours de l’ouverture des négociations avec les politico-militaires à Doha. Un décret précipité comme un coup de pied d’âne envers l’ex-président. Ce geste confirme que M. Goukouni tenait à diriger les négociations de la manière la plus juste, la plus sincère et la plus inclusive. Celui que tous les Tchadiens s’accordent à lui reconnaître la volonté, la sagesse et la connaissance du milieu politico-militaire est un homme respecté. Il s’est définitivement inscrit dans le registre du rassemblement pour enfin conclure une paix définitive.

Goukouni ne voulait pas se laisser dicter les désirs du Conseil Militaire de transition (CMT), ni sa vision du pré-dialogue. Il s’est tenu droit. A tenu son rang. Président Goukouni reposez-vous, demain vous donnera raison.

Ensuite, le nouveau Comité Spécial chargé de négocier avec les politico-militaires est né en lieu et place du défunt Comité Technique Spécial. Remarquez bien, le mot technique a sauté pour céder la place à une catégorie de tchadiens, plus tchadiens que d’autres. Des gens provenant d’un même groupe ethnique. Ils sont 12 personnes sur les 24 membres, dont 4 généraux. Pire, il y a même un prêcheur religieux. Que fait-il là ? Décidément, les autres Tchadiens ne comptent pas. Surtout les sudistes qui représentent 50% du pays sont oubliés, écartés. Ils sont 3 à y figurer comme des simples « Laoukoura ». La représentativité décorative des sudistes doit cesser. Parce qu’ils représentent bien la moitié de la population. Les Tchadiens n’accepteront plus la tambouille politique entre petits ennemis du jour et grands copains du soir. Doha est définitivement mal parti. Déjà, une cinquantaine de politico-militaires sont présents. La plupart sont des parfaits inconnus. Le CMT a fait pression sur les Qataris pour les inclure.

Enfin, les sudistes doivent prendre toute leur place dans ce pays, pendant et après cette transition. Le CMT doit arrêter sa petite « politique clanique ». Il est minuit moins 5 min pour que ce pays se redresse. Il n’y aura plus des Tchadiens plus Tchadiens que d’autres. Cela suffit.

Bello Bakary Mana

Les accidents des bus voyageurs sur les routes tchadiennes se multiplient. Le dernier a eu lieu sur le tronçon Oum Hadjer-Mangalmé, le dimanche 27 février. Il a été terrifiant par sa violence et le nombre de morts. Le gouvernement doit agir.

Il y a les accidents, mais il y a l’autre gros accident sur la trajectoire politique tumultueuse du pays : la transition politique. Les travaux du grand rendez-vous politique, le dialogue national inclusif semble suspendu à la rencontre des politico-militaires à Doha, au Qatar, le 13 mars prochain.

D’abord, l’accident meurtrier du 27 février dernier. Il a marqué les esprits par la violence du choc frontal entre 2 autobus. Il a aussi marqué les esprits par le nombre élevé des victimes : 39 morts et 49 blessés. La cause de l’accident est la vitesse, mais il y a quelque chose de plus grave, de plus inconscient dans les habitudes du conducteur tchadien : conduire et parler au téléphone. Le gouvernement doit agir au plus vite pour infliger des amendes salées aux contrevenants.

Il doit aussi mettre de l’ordre dans l’industrie du transport interurbain. Les conducteurs sont livrés à la merci du patron. Ils sont quasi payés au rendement. C’est une vraie jungle où seule la règle de la rentabilité compte. Les vies humaines ne comptent pas. Les autorités semblent impuissantes. Par exemple, malgré le retrait de son agrément, l’agence impliquée dans l’accident du 27 février continue à opérer.

Ensuite, la transition politique. Le Comité d’Organisation du Dialogue National Inclusif (CODNI) attend le pré-dialogue de Doha avec les politico-militaires pour continuer ses travaux. Le temps lui, n’attend pas. La transition est à plus de 10 mois. Plus que 8 mois pour tout boucler. Le délai sera-t-il respecté ? Difficile à dire mais tout dépend de Doha. Déjà, les Qataris ont pris contact avec les politico-militaires. Bien avant cela, il y a eu quelques tensions et divergences entre Doha et le Conseil Militaire de Transition (CMT) sur le nombre des participants et sur certaines modalités. Tout semble être rentré dans l’ordre. Les attentes sont très élevées. Doha peut être la clé du succès ou de l’échec du Dialogue National Inclusif (DNI).

Enfin, pour les accidents des bus voyageurs, les autorités doivent prendre des mesures simples et efficaces comme bloquer la vitesse des autobus à 110 km/h. La technologie existe, elle est simple à implanter. Elles doivent aussi strictement interdire le téléphone au volant.

Au sujet du pré-dialogue de Doha, l’attente est immense tant cette rencontre semble être celle de la dernière chance pour le Tchad. Si Doha échoue, le dialogue inclusif sera vraisemblablement un échec. Et le pays risque de sombrer dans l’incertitude.

Kouladoum Mireille Modestine

C’est le premier remaniement du gouvernement de la transition. Que peut-on retenir ?

Aussi, le Premier ministre Pahimi Padacké Albert est toujours Premier ministre de transition. On l’entend très peu. À quoi joue Pahimi? Pourquoi est-il si effacé? Est-ce un choix stratégique délibéré?

D’abord, le remaniement. Le bruit courait depuis quelques jours déjà. L’important ministère de la Sécurité publique, en ces temps d’insécurité, est remis à Idriss Dokony. Il a la réputation d’être un homme à poigne. Les Tchadiens le jugeront à ses premiers coups de poings.

Au ministère du Pétrole, c’est le retour de Djerassem Lebemadjiel. Un revenant traîné en justice pour malversations mais blanchit. Il revient au moment où le prix du baril monte. Au moindre faux pas, il sera sévèrement jugé.

Mahamoud Ali Seïd est propulsé ministre de la Jeunesse et aux Sports. Il a le verbe haut mais aura-t-il les épaules pour porter ce ministère où la chicane entre les cadres du ministère et l’ex-ministre Routouang a fini par emporté ce dernier.

Au ministère de l’Enseignement supérieur, les étudiants semblent avoir obtenu la tête de Lydie Béassoumal. Dr Ali Weido, un universitaire peu connu est aux commandes de ce ministère pas toujours facile à gérer. Il est du milieu, les Tchadiens verront…

Ensuite, Pahimi est toujours Premier ministre, mais il est toujours effacé. Jamais au-devant de la scène, pourtant il a joué des coudes pour obtenir le poste. Depuis l’adoption de la feuille de route, Pahimi s’est effacé. Il s’est claquemuré dans son hôtel réfectionné à grand frais. Il s’est tellement effacé que même ses propres ministres se moquent allègrement de ses instructions. Lorsqu’il les a recadré sur le sacro-saint principe du « droit de réserve ». Un ministre rétorque, « je ne suis pas un ministre qu’on recadre, mais qu’on instruit ». Un autre renchérit «  ne pas écrire, c’est mourir ». Pahimi a-t-il une emprise sur son gouvernement?

En fait, Pahimi ne veut pas. Il a adopté la stratégie du caméléon : la prudence. Chaque pas est mesuré. Chaque acte est calculé. Il s’exprime rarement. Il ne croit pas trop en cette transition. Il croit à son étoile. Il est convaincu que la charte ne disqualifiera personne. Il présume, peut-être, que la vraie transition commencera après le dialogue. Sa stratégie est donc : l’effacement. Pour Pahimi, la politique est un combat. Et le poste de Premier ministre est un arsenal pour la conquête du pouvoir suprême.

Bello Bakary Mana

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