mardi 28 novembre 2023

Édito

Édito (57)

Premier meeting politique. Première prise de parole publique du principal opposant Succès Masra (SM) devant ses militants. Ils ont répondu présents. Ils étaient nombreux non pas au « balcon de l’espoir », mais à la « place de l’espoir » à côté du siège de son parti. Il a le sens de la formule le chef des Transformateurs en rebaptisant cet espace « place de l’espoir ». Au-delà des explications qu’il a donné à ses militants sur l’accord de Kinshasa, il voulait faire une démonstration de force. Et en filigrane, signifier qu’il n’est pas politiquement mort. Qu’il n'a pas été défait, mais qu’il a simplement emprunté un nouveau chemin.

D’abord, SM est revenu sur les 40 jours de deuil qu’il a décrété au lendemain de son retour. Il a appelé ses militants au recueillement en mémoire des victimes du 20 octobre 2022, mais aussi à regarder la vie avec espérance. Et se départir de l’envie de vengeance. Le berger Succès s’adresse à son troupeau « aimez vos ennemis, aimez encore plus vos adversaires. Mahamat le président de transition (PT) n’a jamais été un ennemi, ni même son père Deby… ». Comme pour contrer les critiques sur la longue période du deuil, il  s’engage à s’exprimer sur les enjeux du référendum de décembre.

Ensuite, SM clame qu’au-delà de l’accord, l’essentiel c’est la détermination de son parti à transformer la vie des Tchadiens. En quoi faisant? En leur procurant l’électricité, en construisant des écoles, des routes, des hôpitaux, en transformant l’économie, en réformant l’armée, etc. Tout cela grâce à cet accord qui a permis le retour des leaders du parti à la table de la réconciliation pour marcher vers l’égalité et à la justice. Masra ne dit pas comment y parvenir? Avec quelle méthode? A-t-il les leviers du pouvoir en main? Non. Succès compte sur la bonne foi de son frère le Général Mahamat. Il compte sur le nouveau chemin où lui a été révélée cette divine vieille parole, « quand le chemin est dur, c’est aux durs de tracer le chemin ». A elle, s’est greffée une nouvelle révélation, « ..un chemin dur, mais un chemin sûr ». Autrement dit, le chemin menant à la Terre promise est plus sûr aujourd’hui qu’hier, mais attention à l’embuscade du frère et général Mahamat. De rôle d’opposant et de contre-pouvoir, Succès est-il en train de devenir un accompagnateur de luxe ? Mystère et boule de cristal.  

Enfin, il appelle les Transformateurs à entrer dans une nouvelle dimension. Pour convaincre, il convoque Nelson Mandela qui a fait la paix avec ses bourreaux. Il faut, dit-il, « panser les blessures et apaiser les cœurs. Choisir le drapeau du pays avant celui du parti. Après l’audace, l’exigence, c’est le temps de la bienveillance ». L’exil a transformé le Transformateur en chef. L’enthousiasme des retrouvailles, l’a-t-il fait voler au-dessus du pays? Se voit-il copilote du frère Général Mahamat dans « l’avion Tchad »? Peuvent-ils ensemble le faire atterrir, comme il le dit à « l’aéroport de la démocratie » ? Autrement dit, sera-t-il le prochain Premier ministre de transition? Ministre d’État? Ministre? Toutes les options sont ouvertes, disent des sources proches de la présidence de transition. Ce n’est pas une mauvaise chose à la condition que le copilote Masra s’assure qu’au bout de la piste d’atterrissage, le frère Général Mahamat ne lui tende une embuscade.

Bello Bakary Mana

Écrire sur les sextapes de deux ministres démissionnaires est un exercice difficile. Dans ce métier, les mauvaises nouvelles écrasent souvent les bonnes nouvelles. Cette actualité sur les ébats sexuels de ces ex-responsables publiques sont d’une autre dimension. L’opinion publique tchadienne continuent d’en parler. Le journaliste ne peut l’occulter. Il faut en parler mais en parler autrement. Alors comment en parler autrement ? Analyser les faits….

Le sujet, il faut le dire, le redire, le répéter encore et encore est « culturellement délicat ». « Socialement » navrant. Et « politiquement explosif » pour un pays comme le nôtre où l’hypocrisie se mêle à la morale. Et où le voyeurisme ne s’encombre pas de la décence.

Dans une société normale, cette vidéo relève strictement de la vie privée. Autrement dit chacun fait ce qu’il veut avec qui il veut dans sa chambre à coucher. Et même si par mégarde ou par règlement de compte, une vidéo pareille, se retrouve sur la place publique, la décence aurait voulu de s’abstenir de la propager.

La « boule puante » est partie de la page Facebook d’un mystérieux personnage des réseaux sociaux surnommé Général Labo Mobil. Le fameux général dit détenir plusieurs autres vidéos compromettantes qui menaceraient plusieurs hommes et femmes politiques. C’est la panique, dit-on, chez plusieurs membres du gouvernement. La suspicion est partout. Le désarroi est total comme le prouve l’intervention du conseiller Takkilal Ndolassem qui parle abruptement de « Coup d’État scientifique ». La délectation du supplice du général Labo Mobile est insupportable.

Ces sextapes révèlent comme dit la fameuse expression « les choses du Tchad », en pire.

D’abord, on découvre le visage hideux de la culture de « meute » des réseaux sociaux tchadiens. Une culture néfaste qui s’empare des sujets insignifiants pour en faire une affaire de tous et un déshonneur de tous. Des soi-disant « activistes », « opposants », « influenceurs ou tiktokeurs vaseux et incultes » rivalisent d’ingéniosité pour jeter en pâture notre légendaire valeur « la soutra » (ne jamais jeter aux chiens l’honneur et l’intimité d’un frère et d’une sœur quel que soit nos querelles).

Ensuite, c’est la vague des « moralisateurs » ou police autoproclamée « des mœurs » qui arrose le public de ses jugements moraux, prédisant l’apocalypse. Paradoxalement, les mêmes, disent à gorge chaude « seul Dieu est ultime juge ». Oubliant au passage que de tous les temps, les Hommes ont transgressé les règles et les conventions établies. Il n’est pas interdit de voler mais il est interdit d’être surpris. C’est le cas de nos deux ex-ministres.  

Enfin, il y a tous ceux qui parlent sous la barbe du déshonneur de la République mais qui piaffent tels des taureaux en attendant le nom des prochaines victimes du général Labo.

Cette affaire tombe sur la tête d’une transition à bout de souffle, déjà dépassée par les difficultés de la gestion du quotidien. Le gouvernement et la présidence n’ont pas mesuré les dégâts politiques que cette affaire a engendré. Le fait de laisser les deux ministres officiellement démissionner par eux-mêmes est une erreur. Il fallait dès la publication de ces sextapes, les démettre de leurs fonctions pour sauver un peu l’honneur et le privilège de servir le pays.

Bello Bakary Mana

Quelques semaines après que le Tribunal d’Arbitrage de Paris, en France, a jugé recevable sur la forme, la plainte de Savannah au sujet de la nationalisation de ses actifs, une autre tuile vient de s’abattre sur la tête des autorités de la transition. La justice américaine a ordonné vendredi dernier le gel de fonds de Cotco à la City Banque, filiale gabonaise où sont déposés les revenus du pétrole des puits de Doba. Cette décision est immédiate. Plus de mouvements de fonds jusqu’au dénouement final du contentieux. Selon plusieurs sources proches de la City, 150 millions de dollars appartenant au Tchad sont présentement gelés.

A l’époque, les autorités de la transition avaient décidé de passer en force, sous tambours et trompettes, en clamant sur la place publique que la nationalisation des actifs de l’entreprise britannique relevait de la souveraineté nationale. Et affirmaient partout que c’était une bonne décision flattant l’égo patriotique primaire de plusieurs compatriotes. Tout avis contraire leur rappelant que le débat n’est pas sur la nationalisation mais sur la méthode ou la manière sauvage de procéder au mépris de toutes les règles élémentaires. Et en dehors de toute réflexion et proposition des experts. C’était une nationalisation « Ab goudoura, goudoura » (aux forceps).

Aujourd’hui dans la capitale tchadienne, N’Djamena, les autorités ont adopté deux attitudes. Celle du carpe et de l’Autruche. Au sommet de l’État, le président de transition et son Premier ministre sont muets comme des carpes sur le dossier. Au second palier de la transition, ceux qui ont mené l’assaut de la nationalisation, le ministre d’État, Secrétaire Général de la présidence (SGP), le ministre de l’Énergie, le ministre des Finances et toute l’équipe font l’Autruche en enfouissant leurs têtes dans les puits pétroliers de Doba. Bref, c’est silence radio à tous les niveaux. Est-ce la solution ? Non.

D’abord, il faudra se résoudre à sortir du déni et à parler publiquement de ce dossier pour éclairer les Tchadiens en expliquant la stratégie à adopter et les raisons qui la soutiennent. Parce que c’est simplement d’intérêt public.

Ensuite, le Président de transition doit sanctionner ceux qui l’ont encouragé à emprunter le chemin de cette nationalisation sauvage. Au minimum, la décoration et l’élévation au grade de « machin machin » de la « task force pétrole » comme dirait le professeur de Droit et Maître de conférences à l’Université d’Orléans Abdoulaye Boitaingar dans un excellent papier titré : Affaire Savannah : Et la loi d’Airain frappa le Tchad publié dans nos colonnes, doivent être annulées.

Enfin, au moment de publier cet éditorial, personne ne peut mesurer les conséquences financières de cette décision sur les Finances publiques, sur l’économie et sur les projets d’intérêts publics. Chose certaine, cette sentence conservatoire ressemble, par ses implications financières, à la gifle infligée par l’entreprise suisse Glencore en 2014 au sujet d’un montage financier bidon qui a plongé le pays dans une forte crise économique. À l’époque le Maréchal a puni, même si c’était symbolique, les responsables. Le PT devrait lui aussi punir responsables et conseillers dans ce dossier. Les Tchadiens lui sauront gré.

Bello Bakary Mana

12 mois sur les 24 mois sont presque épuisés depuis que la seconde phase de la transition s’est enclenchée. Il ne reste plus qu’une année pour clore cette seconde phase de transition. En attendant les échéances électorales prochaines, quel est le bilan à mi-parcours?

Globalement il n’y a pas de grandes réalisations qui ont changé la vie des Tchadiens pour leurs faire sentir les prémices de la refondation du pays. Il n’y a que du « parlage » comme diraient les « tirailleurs sénégalais ». Il n’y a que de la politique « politicienne » dans un Tchad de plus en plus fragile. Le tout sur un ton guerrier du président de transition (PT), et un autre ton mi-moqueur mi-ironique de son Premier ministre.

Le premier, le PT Mahamat Idriss Deby s’est fendu d’un direct, sur la page Facebook de la présidence, en plein désert pour démentir, sur un ton guerrier, les nouvelles sur les combats entre l’armée tchadienne et la rébellion du Conseil de Commandement Militaire pour le Salut de la République (CCMSR) aux confins nord du pays. Dans ce qui se ressemble à une base arrière aux bâtiments climatisés, on voit le PT entouré de ses généraux, son Chef d’État-major, du chef des Renseignements généraux, du ministre de la Défense et de son puissant ministre et Directeur de cabinet civil, expliquant en Arabe locale les raisons de son déplacement. Et surtout affirmant attendre de pied ferme les rebelles. « Vous avez 2 options à votre choix. Si vous voulez la paix, la porte est ouverte. Si vous voulez la guerre, je vous attends ici à Kouri. », dit-il. Cela annonce une transition sur le pied de guerre et une paix qui s’éloigne, premier signe annonciateur, peut-être, d’une transition qui va s’éterniser.

Le second, le Premier ministre de transition (PMT) Saleh Kebzabo a démontré, il y a quelques jours lors d’une entrevue à nos confrères camerounais de la télévision Équinoxe que le bilan de la transition est négatif en esquivant la question, tout en reconnaissant la difficulté pour lui, de parler de bilan. D’abord, il récuse le titre « de principal opposant » au chef des Transformateurs Succès Masra, en ironisant sur son retour, le moquant, en le désignant de « communicant » et non d’homme politique. Ensuite, il a reconnu qu’il y a eu trop des morts le 20 octobre 2022 en qualifiant toujours la manifestation d’insurrection populaire. Enfin, il s’est lancé, pour justifier ce bilan négatif, en s’appuyant sur les 50 ans de guerre fratricide. Deuxième signe d’une transition qui va jouer, peut-être, les prolongations.

Entre temps, les Tchadiens sont fatigués de cette transition qui a un bilan négatif à mi-parcours. Parce que leur quotidien est difficile : pas de perspectives, pas d’électricité, pas d’emplois, mal gouvernance, inondations, guerre en perspectives, nominations claniques et fantaisistes, conditions du futur referendum contestées, etc. Alors qu’est-ce qu’il y a de positif sous la transition? Rien, sauf l’air que les Tchadiens respirent, mais jusqu’à quand? La perspective d’une guerre est presque inévitable d’autant plus que les voisinages sont en déliquescence. La guerre. Encore la guerre. Toujours la guerre et la guerre.

Bello Bakary Mana

Qu’est-ce qui se trame à Amdjaress, village du défunt Maréchal Idriss Deby Itno?

L’aéroport de cette bourgade construite vaille que vaille vit ces derniers jours au rythme de ballets d’avions de provenance douteuse. C’était d’abord une lourde rumeur. Elle est devenue au fil des jours une information. Effectivement, il y a des activités suspectent qui s’y passent dont la nature et la destination exactes sont difficiles à déterminer. L’aéroport n’est plus accessible à tous. Selon plusieurs sources, il serait loué aux Émiratis pour servir de point de ravitaillement en armes destinées à la milice soudanaise, précisément aux Forces de Soutien Rapide (FSR) et à leur chef Mohamed Hamdane Dagalo alias Himetti. Une information qui se confirme peu à peu par le mécontentement « amdjarassois ».

Pour illustrer ce mécontentement, une vidéo amateur circule à ce sujet où apparaissent au plus 5 à 6 manifestants. Sont-ils effectivement dans le village? Rien n’est sûr. Mais on y voit ces hommes en turban, parlant en langue Béri et arabe, debout derrière une banderole blanche. Ils citent les noms du président de transition, de son ministre et puissant directeur de cabinet civil, etc. Ils dénoncent les ballets des avions. On les voit aussi brûler le drapeau et la photo de Mohammed Ben Zayed Al Nahyane président des Émirats arabes unis (EAU) en scandant « Tchad Hourra, Émirat barra », qui signifie, le Tchad libre, les Émirats dehors. Ils appellent tous les Tchadiens à s’opposer au mauvais usage de cet aéroport.

Pour comprendre ces évènements, il faut repartir en arrière…

Un, les généraux mis à la retraite sont toujours fâchés. Ils ont promis d’aller manifester à Amdjaress pour dénoncer les navettes de ces avions inconnus. Selon nos sources, la manifestation est reportée, mais les généraux ont promis revenir à la charge à la fin de la saison des pluies. Des sources proches de la présidence affirment qu’ils auraient de la difficulté à se mobiliser.

Deux, pour couper l’herbe sous les pieds de ces généraux, le gouvernement de transition a préféré anticiper en adoptant en Conseil de ministre une ordonnance sur l’État d’urgence. Une ordonnance controversée qui renforce les pouvoirs de police administrative et l’élargit aux autorités décentralisées comme le Délégué général du gouvernement, les Gouverneurs pour faire face à un péril imminent et des évènements graves qui ont un caractère de calamité publique. Y-a-t-il une urgence pour prendre cette ordonnance? Surtout que les Conseillers Nationaux, la chambre de législation, sont en vacances parlementaires.

Enfin, cette transition n’est-elle pas devenue l’affaire de deux personnes : le président de transition Mahamat Idriss Deby et son puissant ministre et Directeur de cabinet civil M. Idriss Youssouf Boy alias Makambo? Cela y ressemble. Le Premier ministre de transition et son gouvernement doivent éclairer l’opinion publique sur les trafics à cet aéroport d’Amdjaress. C’est la moindre des choses.

Bello Bakary Mana

Le facilitateur et président de la République Démocratique du Congo (RDC) Felix Tshisékedi a séjourné au pays pour faciliter l’entente entre les acteurs politiques et de la société civile. Sa mission vire à la chicane. Tshisékédi facilitateur insensible? Cela dépend de quel côté on se place, mais le vrai problème vient d’ailleurs…

Avant son départ, il a résumé le résultat de son séjour en 3 phrases, « je n’ai trouvé aucun Tchadien hostile aux avancées. Tous ceux que j’ai rencontrés sont pour la reconstruction, le progrès, la réconciliation et l’unité du Tchad. Je repars plein d’espoir d’une solution pacifique et heureuse pour ce peuple frère ». En d’autres mots tout va bien. Évidemment qu’il n’y aura aucun Tchadien contre la reconstruction de son pays. Aucun n’est contre la réconciliation. Aucun n’est pour la guerre pour l’avoir vécue, aucun n’est contre l’unité.

Pour les partisans de la transition, cette visite confirme qu’ils sont dans la bonne voie pour faire aboutir le retour à l’ordre constitutionnel. Ils ont le sourire. Et ont presque carte blanche de la part du facilitateur.

Oui, pour une partie de l’opposition pourfendeuse de la transition. Le facilitateur est partiel, partial et ne facilite rien, il mène la transition dans la mauvaise voie. Il roulerait pour le président de la transition et tous ceux qui y participent. La formule du porte-parole du Bloc Fédéral Banyara Yoyana, « Tshisékédi est un héritier venu apporter son soutien à un autre héritier » fait mouche. L’opposition accuse le facilitateur de n’avoir abordé aucun sujet sérieux. Il n’a fait que les inciter à rejoindre l’équipe gouvernementale.

Pour la société civile, M. Tshisékédi n’est pas à équidistance de tous les acteurs. Max Lolngar, dirigeant en exil de Wakit Tamma dénonce sur sa page Facebook cette visite en la qualifiant de véritable farce.

Les positions sont donc figées. Pour les partisans de la transition, tout va bien. Pour l’opposition tout va mal.

En vérité le ver était dans le fruit lorsque l’Union africaine (UA) a accepté le principe de la subsidiarité. Que veut dire ce principe?

Le Larousse nous apprend qu’en droit administratif c’est un principe de délégation verticale des pouvoirs. Google, lui, dit que c’est un concept à travers lequel une autorité centrale ne peut effectuer que les tâches qui ne peuvent pas être réalisées à l’échelon inférieur.

Autrement dit, l’UA a cédé le dossier de la transition à la Communauté Économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC). Et lorsqu’on sait que cette CEEAC n’est rien d’autre qu’un syndicat des chefs d’État de l’Afrique centrale, il ne faut pas attendre que le changement provienne d’elle. Le facilitateur Tshisékédi est nommé par ce « machin » pour faciliter les choses pour le président de transition et ses amis comme le dit son titre.

Sur ce sujet l’UA est dans une contradiction consternante. Au début de la transition, elle a soufflé le froid en argumentant que le Tchad est un pays à part. Donc, il faut que la communauté internationale soit gentille. Ensuite, elle a accepté ce principe tordu de subsidiarité. Et la voilà depuis quelques mois en train de souffler le chaud en prônant l’inéligibilité des dirigeants de la transition. Cette attitude contradictoire de l’UA et l’insensibilité du facilitateur de la CEEAC sont dangereux pour le pays.

Bello Bakary Mana   

Ces derniers jours, le président de transition (PT) Mahamat Idriss Deby a décidé d’envoyer plusieurs généraux, tous ex-compagnons et/ou parents de son défunt papa Maréchal Idriss Deby Itno à la retraite. Cet acte a fait « ruer dans les tranchées » les généraux. Acte courageux du PT? Bluff des généraux?

Plusieurs généraux sont donc fâchés. Ils sont même beaucoup remontés, dit-on. Ils se sont mobilisés. La discussion entre eux derrière les rideaux a été âpre. Ils se sont décidés pour aller confronter le PT, le faire plier pour qu’il annule le controversé décret. Rien à faire, le jeune président tient tête aux hommes en « Kaki » et « bérets étoilés ». Ils sont surpris par la niaque du jeune président. Ils ruminent l’affront de ce fils, installé au mépris de la Constitution. Et qui s’est rebiffé sans qu’ils ne puissent détecter le moindre signe annonciateur.

Ils ont tenté le coup du « poker menteur », mais visiblement le PT a remporté la première partie face à des généraux, sans troupe, qui n’ont peut-être pas dit leur dernier mot.

La décision de mise à la retraite est en soi une bonne nouvelle. Une décision bien réfléchie, et appliquée avec audace. Son annonce a pris tous ces généraux inutiles au dépourvu. La niaque du PT est doublée d’une malice perfide et tétanisante. Elle a été suivie par la nomination d’une quarantaine de jeunes généraux, tous issus du clan, tous parents, fils, petits-fils des généraux fâchés. Pire, cette fâcherie aura un avantage pour la présidence : la chicane se fera désormais dans les réunions familiales des généraux.

Certains membres de la famille intercéderont pour dire au général X que son temps est passé, sa pension de retraite est alléchante et qu’après tout sa place est prise par le neveu, le cousin, le fils ou le petit-fils de... Le PT a conscience aussi que les anciens généraux sont mal aimés du public. Les nouveaux aussi, parce que triés par affinités claniques sans tenir compte de leur nombre pléthorique ni de leur probité. La preuve, il y en a un parmi eux qui n’a que 27 ans. Même un génie ne peut réaliser cette prouesse. D’ailleurs il a été recalé et mis aux arrêts pour fraude. Un autre était radié de l’armée pour crime crapuleux, le voilà, à la surprise de tous, général. Les anciens comme les nouveaux sont tous rejetés par la majorité des Tchadiens. Tous n’ont pour seul mérite que leurs filiations claniques. Les anciens sont les produits de l’ancien système de Papa Maréchal. Les nouveaux sont, eux, les nouveaux produits du nouveau système du fils « Kaka ».

Alors que peuvent-ils reprocher au PT ? Peuvent-ils réussir à renverser les rapports de force? Non. Il est normal que le PT s’émancipe de leur emprise. Un bon prince c’est celui qui ne veut devoir à personne. Plusieurs personnalités qui profitent de la transition disaient que le PT est un bon prince. Il l’aimait à la vie comme à la mort. Il était temps que le prince tant aimé se fasse aussi craindre. Il commence à appliquer cette vieille maxime du penseur Nicolas Machiavel, « vaut mieux être craint, qu’être aimé ».

 Bello Bakary Mana

Un vent anti politique française a commencé à souffler au Tchad. Pays à la fois complexe, mais surtout pays pivot de la francafrique pour parler de façon triviale. Ce vent était d’abord léger durant la première phase de la transition. Il ne faisait pas beaucoup de bruit. Il n’attirait l’attention de personne. Il s’essoufflait par lui-même et s’évanouissait dans les querelles de la société tchadienne. Ce vent a repris de force et souffle perfidement avec une plus grande vigueur ces derniers temps. Alors quelles en sont les principales raisons?

D’abord beaucoup des Tchadiens, après la mort du président Deby Itno, ont cru que la junte arrivée au pouvoir à la première phase de transition allait être un arbitre. Arrive le président français Emmanuel Macron lors des obsèques du défunt Maréchal. Non seulement il adoube la junte, mais d’un ton martial il menace tous ceux qui tenteront de menacer le prince choisi, Mahamat Idriss Deby. Et éventuellement de l’imposer aux Tchadiens. En filigrane cela veut dire c’est la France qui décidera qui sera président. Et le protégera. Les mauvaises habitudes ont une longue vie.

Entre temps, la France à la vie dure en Afrique de l’Ouest, particulièrement au Mali. Les Tchadiens écoutent, médusés, l’argumentaire développé, ciblé, calibré, construit, de l’éloquent Premier ministre malien Choguel Kokalla Maïga qui dénonce calmement la politique française dans son pays, le Mali. La transition malienne a frappé si fort qu’elle a réussi à faire reculer la puissante France pour ensuite la faire partir. Cette audace donne des idées aux Tchadiens, eux qui sont allés au même titre que la France libérer les Maliens des tenailles des jihadistes. Une espèce de « Si les Maliens sont capables, pourquoi pas nous, leurs libérateurs » s’est insidieusement installée dans l’esprit tchadien. Le Mali, le Burkina Faso, la Guinée alimentent ce vent qui soufle…

Ensuite, arrive le pré dialogue de Doha où la France est allée gaillardement s’inviter à travers un de ses diplomates. Il avait pour mission de faire les couloirs influençant les échanges en cours. Mieux, il rencontrait tel politico-militaire, refusait de rencontrer tel autre, admonestait X, appréciait Y. Le tout pour finir par suggérer le choix de la France comme si le Tchad était encore une vieille colonie française oubliée sur les bords des fleuves Chari et Logone. Cette attitude paternaliste a laissé des traces. Et Doha n’a pas eu lieu parce que rien n’a été discuté sérieusement entre Tchadiens. Plus de 5 mois pour rien. Avec pour seul résultat un ressentiment contre la politique et l’attitude de la France.

Enfin, le dialogue national inclusif a eu lieu, un petit moment d’espoir très vite effacé par le massacre du 20 octobre. Les autorités de la France, patrie des Droits de l’homme, sont restées étonnement silencieux sur ces tristes évènements. Mieux elles ont joué des coudes pour étouffer ou relativiser les critiques en soutenant la maladroite thèse de l’insurrection armée cher au Premier ministre Saleh Kebzabo. La seconde phase de la transition montre ses limites avec la déception en cascade de certains politico-militaire laisser sur le quai du train de la « Refondation ». Ils sortent de la gare et étalent publiquement et sans pudeur leur mécontentement. Les 18 autres groupes politico-militaires, nommé le « groupe de Rome », non-signataires de l’accord de Doha ont été invités à Rome par la communauté catholique de Sant’Égido pour relancer le dialogue. L’opération a tourné court malgré l’insistance de l’Union européenne, en tête, la France. Ils craignent le bras armé privé de l’ogre ours russe, Wagner, qui farfouille non loin de la frontière sud du pays. Et qui est tenté de la franchir avec l’aide d’autres politico-militaires, « mouture wagnérienne » pour mettre le pays au service de l’ours russe. Une autre aventure? Un nouveau maître? La vraie souveraineté et la vraie indépendance, les Tchadiens attendrons encore longtemps.

Bello Bakary Mana

La seconde phase de la transition a mal démarré avec les conséquences du « Jeudi noir » lorsque la répression, ce 20 octobre, s’est abattue sur les manifestants. Un évènement qui a entaché l’après-dialogue. Les symboles sont présents dans les esprits : le bagne de Korotoro, la décapitation des Transformateurs et le bras de fer entre le président de la Commission de l’Union africaine (UA) Moussa Faki et le président de transition Mahamat Idriss Deby Itno. Ces trois évènements ont fragilisé la refondation le pays. Pourquoi ?

D’abord par la brutalité et la méthode de la répression. Par le nombre des arrestations, plus d’un millier de manifestants. Par le fait de leur déportation au bagne de Korotoro et le jugement bidon de 400 Tchadiens en plein désert, sans avocat. « Parodie de justice » au pays du Général Mahamat Idriss Deby Itno. Cet évènement reste un boulet aux pieds du Président de transition (PT) et de son Premier ministre de Transition (PMT), Saleh Kebzabo. Cette deuxième phase de transition est tellement mal engagée qu’elle révèle la maladresse du PT et du PMT. Korotoro est devenu au fil des jours le symbole de ce mauvais départ.

Ensuite, au lendemain du 20 octobre, les Transformateurs et leur président ont disparu de la scène politique. Le parti est suspendu. Le président Succès Masra et certains de ses lieutenants ont pris le large. Ils se sont réfugiés hors du pays. Ses militants sont orphelins. Et pourtant…et pourtant qui aurait cru qu’un parti reconnu et acteur du renouvellement de la classe politique serait décapité en une nuit? Les Transformateurs auront du mal à renaître. Ni le PT, ni le PMT ne seront disposés à les ravoir dans leurs pattes.

Enfin, le « duel Moussa Faki versus Mahamat Deby Itno » est désormais sur la place publique. Depuis le discours marquant de Faki,  lors de l’ouverture du Dialogue national inclusif et souverain (DNIS) il est devenu la cible de N’Djamena. Son tort c’est d’être au mauvais moment, au mauvais endroit. Il est vrai aussi que Faki cache de moins en moins ses ambitions présidentielles. Cette ambition énerve le président de transition et ses amis politiques. Bref, les Tchadiens regardent ce jeu d’échecs où le plus bluffeur gagnera. Le Président de transition et ses nouveaux amis déclarent avoir remporté la partie. Moussa Faki affirme qu’il y aura une seconde manche. Une situation qui s’annonce Échec et mat.

Bello Bakary Mana

Il y a quelque chose de bizarre dans l’action politique. Tout tourne autour des alliances factices entre  « le moi », « le mon allié », « le mon ami ». Et ces alliances politiques et ces amitiés mènent fatalement à des déchirures, à des séparations et des retournements spectaculaires. En observant les retournements des alliances au Tchad, la tentation de dire que la vie politique tchadienne est une symphonie d’ironie est fort juste. Le dialogue vient de s’achever. Le gouvernement d’union nationale (GUN) est formé. Alors la refondation de ce pays aura-t-elle lieu?

D’abord, la parfaite illustration de l’ironie politique de l’année est immortalisée par la lecture en direct à la télévision par l’ex-président du présidium Gali Gata Ngothé (GGN) lisant le décret de nomination de son ami de toujours Saleh Kebzabo (SK), son adversaire éphémère et son allié du jour pour la refondation.

Beaucoup des Tchadiens ont souri, se rappelant les salves épistolaires entre les deux avec: Les  « Saleh et cher ami », « …tes militants, tes camarades, sympathisants et amis qui ne sont pas du parti sont-ils aussi ta propriété? », « …le gain ne doit pas s’éloigner de toi », Gali reprochant à SK l’entrée de ses partisans au gouvernement, sa disponibilité personnelle à appuyer le défunt Conseil militaire de transition (CMT), etc.

L’opinion publique se rappelle aussi de la réponse sarcastique et inoubliable de SK, avec la célèbre expression « Tu quoque filli » ». Et les interrogations alignées les unes après les autres.  « Toi aussi? », « Oui mon fils », « Une mouche t’aurait-elle piqué ou un méchant chien mordu? », «  Car entre nous, c’est du béton », « …la phase tragi-comique du phacochère », etc.

Les Tchadiens ont raison d’avoir de la misère à croire aux hommes et aux femmes politiques. La subite précipitation de Gali à se fondre dans le futur projet de refondation et l’arrivée de SK à la primature a sonné les Tchadiens. Nombreux n’ont que ces phrases en bouche, « dounia, Gali à la présidence? Et Kebzabo à la primature? C’est vrai que Maréchal du Tchad n’est plus ». Bref, dans cette histoire SK a été cohérent avec lui-même. Pas Gali.

Ensuite, le dialogue national inclusif et souverain (DNIS) est désormais derrière nous. Il a été un grand moment qu’on le veuille ou non. Il n’a malheureuse pas été totalement inclusif, ni à 100% souverain. Des sujets majeurs ont été effleurés comme la réforme de l’armée. Des sujets incontournables ont été contournés comme la Justice. Seul, le Président de transition est sorti gagnant. Il a tous les pouvoirs. Plus que Deby père à la sortie de la Conférence nationale souveraine (CNS) de 1993. Tout compte fait le nouveau Premier ministre de transition (PMT) SK) a la carrure et la tempérament pour le poste mais aura-t-il les coudés franches pour peser sur les prochaines étapes? Il semble devenu aux yeux de plusieurs Tchadiens « un accompagnateur professionnel » de la transition. Et s’accommodera des ordres du palais rose qui lui imposeront la conduite à tenir en dehors des recommandations et des résolutions du cahier de charge.

Aussi, ce gouvernement d’union nationale (GUN) rappelle, pour les plus vieux, GUNT 1, GUNT 2 dans l’histoire politique tumultueuse du pays.

Première observation de forme : c’est un gouvernement gérontocratique rempli d’anciens, des politiques en fin de parcours. Pourront-ils ou auront-ils l’énergie suffisant pour faire traverser au pays les futures secousses politiques et les intrigues  qui ne manqueront pas?

Deuxième observation de fond : c’est la seconde phase de la transition avec ses menaces politiques internes : la bataille des positionnements, le referendum sur la forme de l’État, etc.
Les menaces externes aussi sont présentes. Il s’agit entre autres : des possibles sanctions de la communauté internationale, des menaces de deux mouvements rebelles et l’opposition incarnée par Les Transformateurs et Wakit Tamma qui ont lancé un appel à la manifestation aujourd’hui mais déjà interdite.

Enfin, troisième observation de fond : l’absence des arabophones de l’opposition démocratique. Ils sont les grands oubliés. Ce gouvernement d’union est régionalement mal reparti. Il ne reflète pas les équilibres politiques et démographiques. Les jeunes sont également sous ou mal représentés. Et le cas flagrant c’est celui des femmes qui sont, la plupart, reléguées au poste de ministre secrétaire d’État. Ce GUN ne semble pas être l’œuvre du PM SK. Sa touche n’apparaît nulle part. On peut reprocher beaucoup de choses à SK mais on ne peut pas lui reprocher de ne pas être un homme intelligent et un fin politique. La composition de ce GUN semble lui avoir échappé. Et a échappé à la rupture attendue par les Tchadiens.

Bello Bakary Mana

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