Le « pardon » du président de transition

Written by  Juil 02, 2023

L’esprit de la fête de Tabaski a fait ses effets sur le président de transition. Il s’est souvenu des manifestants du 20 octobre 2022. Ceux que j’appelle les « sacrifiés en exil » de la seconde phase de la transition, ou « les insurgés armés » comme dirait le Premier ministre de transition Saleh Kebzabo.

Ils sont pardonnés. Oui pardonnés. Vous êtes surpris? Pas moi.

Je me rappelle une discussion avec un compatriote qui approuvait cette répression. Parce que, argumentait-il, « ces manifestants sont tous manipulés par le président du parti Les Transformateurs Succès Masra, ils sont tous originaires du sud, ils sont tous des drogués, ils sont tous des antis de ceci, des antis de cela, des haineux, des détestables, etc. ».

J’ai eu de la peine à lui faire comprendre que manifester pacifiquement est un droit. Et même s’il détestait ces manifestants ou les partisans des transformateurs, il se doit de dénoncer cette répression aveugle, inacceptable, exécutée par des Tchadiens sur d’autres Tchadiens. Et qu’il faudra faire attention à ne pas faire du « Kebzabo ». C’est-à-dire vouloir être plus dur que les durs partisans du président de transition.

Surtout que demain, les mêmes qui ont qualifié cette manifestation « d’insurrection armée », ne pourront invoquer le droit de manifester. Ils s’exposent, en soutenant une telle répression, d’être à l’avenir victimes de la même méthode. Les Tchadiens ont un adage pour bien résumer cela, « la lame qui a rasé Issa, rasera Moussa ».

J’ai fini en disant à mon contradicteur, « si j’étais le conseiller du président de transition, je lui aurais conseillé de choisir Succès Masra comme Premier ministre. Parce que, objectivement, c’est son meilleur allié et adversaire. Cela le débarrassera de cette vieille classe politique de l’opposition. Et surtout marquera la rupture, la montée d’une nouvelle génération, même si cela risque d’être symbolique. Les symboles comptent en politique ». Mon ami est resté insensible à mes arguments.

J’avoue que le Tchad est le paradis des apprentis politiques. La répression du 20 octobre a fait des dizaines de morts, un millier de jeunes incarcérés, des centaines d’exilés, un parti politique décimé, son chef chassé du pays, des procès bidons, une justice aux ordres tout cela est passé comme lettre à la poste à part le rapport du président de la Commission Nationale des droits de l’Homme (CNDH) Mahamat Nour Ibédou qui a dit la vérité. Depuis lors, on lui mène la vie dure.

Ce qui choque dans ce pardon, c’est le fait que le président, de surcroît d’une transition, se réveille le matin d’une fête et dit avoir pardonné ceux qui ont offensé sa présidence pour avoir manifesté après les avoir massacrés, embastillés, forcés à l’exil, etc. Lui le maître du ciel et de la terre tchadienne pardonne à qui il veut sans rendre de comptes à personne.

Je me suis alors rappelé la fougueuse sortie du président de transition clamant qu’il ne baissera jamais la tête devant un autre président d’un autre pays.

Mais selon plusieurs sources, son dernier voyage en France lors du sommet pour un nouveau Pacte Financier Mondial, le tête-à-tête, la veille du sommet entre le président français et tchadien, cachait autre chose. L’Élysée a d’abord remonté les bretelles du président de transition au sujet de l’arrestation des militaires français à la frontière soudanaise. Ensuite, il a exhorté le Tchadien à se ranger sur la position du Conseil de Paix et de Sécurité (CPS) de l’Union africaine (UA) demandant qu’aucun acteur de la transition ne se présente aux futures échéances électorales. De plus, il a fortement été recommandé au Tchadien une ouverture politique sincère à la principale opposition armée le Front pour l’Alternance et la concorde au Tchad (Fact), le retour du chef des Transformateurs et de ses militants exilés au pays et un apaisement des tensions sociales.

Voilà les raisons cachées de ce pardon le jour de la Tabaski. Un pardon sur commande. Menton levé « Jupiter Macron » a ordonné. Tête baissée « Mahamat Kaka » a exécuté. Reste à savoir s’il s’abstiendra de se présenter aux futures élections. Là, c’est une autre histoire.

Bello Bakary Mana  

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