Yaya Dillo, jusqu’au bout, la mort

Written by  Mar 02, 2024

Je reprends avec mes chroniques et éditoriaux, merci pour vos messages et interpellations…

Cette nuit du 26 au 27 février, le temps s’est subitement tendu dans la capitale tchadienne, N’Djamena. Tout semble suspendu, le pays s’est brusquement coupé du monde. Au temps des délestages d’électricité et de la canicule s’est rajouté celui de coupure Internet. Je tente de me connecter, je persiste, j’insiste comme un drogué en manque de sa dose quotidienne. Oui Internet est plus qu’une drogue au moment où le président de transition Mahamat Idriss Deby a décidé d’en découdre,  à coups de Kalachnikov,  avec le président du Parti socialiste sans Frontière (PSF), Yaya Dillo, son cousin.

La Défiance Dillo. Yaya Dillo défie tout. Même l’État. Il s’est investi d’une mission presque messianique. Il y croit quitte à mettre sa vie en danger. Il avait déjà défié le Marchal Deby père. Il s’en est sorti vivant, mais a perdu sa mère, une balle l’emporta. Quelques semaines plus tard, Deby père meurt lui aussi aux confins du désert, lui aussi sous les balles. Dillo après avoir été exfiltré est rentré au pays mais a continué à défié Deby fils, Mahamat. Il n’a jamais reconnu la transition. Il l’a dénoncé, parfois avec raison, souvent avec passion et entêtement.

Je l’ai connu Dillo, il y a longtemps hors du pays. C’était un homme timide, réservé et pugnace. Je l’avais invité à mon émission Le Point, l’homme avait beaucoup changé. Une détermination débordait de sa timide personnalité. Avant cela, je l’avais appelé, il y a plus d’un an, pour lui poser quelques questions sur son parcours pour faire un papier portrait. On avait échangé au téléphone ...

Moi : « Dillo, j’ai un projet d’article, un portrait de toi »

Lui : « Que veux-tu savoir que tu ne sais pas de moi »

Moi : « Il y a beaucoup de choses que je ne sais pas… »

Lui : « Tu sais beaucoup, je ne peux rien ajouter… »

Moi : « Bon, je vais le faire en parlant avec ceux qui te connaissent, en bien ou en mal… »

Lui : « C’est toi le journaliste… »

On a parlé des choses et d’autres du pays.

À la publication de mon article, il m’appelle. Et d’une voix polie, me dit, «  ton papier est rempli d’inexactitudes ». Je lui réponds avoir fait mon travail. Il a fini par l’admettre, mais rejette avoir été un enfant-soldat. Et rajoute, « ce n’est pas vrai que j’aime défié mes oncles. J’ai décidé de faire de la politique de manière pacifique. Mes oncles aussi font de la politique. Je ne partage pas leur façon de faire. On est parents, mais adversaires politiques. C’est la démocratie »…Allusion à sa divergence avec ses oncles les frères Erdimi et le défunt Maréchal..

Ces derniers jours l’affaire de l’agression du président de la Cour Suprême M. Samir Adam, annoncé par le président de transition en personne sur sa page Facebook a déchaîné les passions. Dillo a dénoncé ce qu’il appelle « les manœuvres de la transition ». Il était en colère accusant au passage le président de la Cour Suprême, celui de la Cour Constitutionnel Bernard Padaré et du ministre de l’Administration du Territoire Limane Mahamat d’être les cerveaux d’une mise en scène. Dans sa défiance, il a juré par Allah avoir abandonné la voie des armes pour prendre celle des urnes, mais qu’il ne se laissera pas faire….

Mardi 27. Version officielle. Dans cette nuit, dit le gouvernement, les choses se sont emballées avec la tentative d’arrestation du directeur administratif et financier du PSF M. Abakar Terap. L’interpellation s’est soldée par la blessure et l’hospitalisation de ce dernier. Toujours selon le procureur, des éléments armés à leur tête Yaya Dillo sont allés d’abord au palais de Justice pour récupérer la voiture, un élément de preuve ayant servi à l’agression. Ensuite, ils sont partis à bord de 11 véhicules Toyota à l’hôpital pour extirper leur compagnon. Ils ont échoué. Et ont alors choisi d’attaquer les services de l’Agence nationale de sécurité (ANS) faisant plusieurs morts et blessés.

Version non officielle. M. Terap aurait résisté à son arrestation. Il est blessé. Inacceptable pour Dillo et ses compagnons.

« C’est assez », aurait lâché le président de transition, selon des sources sécuritaires. Il réclame l’arrestation de Dillo.

Mercredi 28, après-midi. Le quartier Klémat est bouclé. La rumeur d’une guerre de clan s’est emparée de la ville. Les N’Djamenois désertent les rues, l’administration publique s’est vidée. À 14h des crépitements d’armes se font entendre dans une zone de Klémat. Un violent affrontement entre la garde présidentielle et des éléments de Dillo se sont déroulés au siège du PSF. Il y a eu des morts et plusieurs blessés. La « rumeur n’djamenoise » parle de la disparition de Dillo et du turbulent oncle du président Saleh Deby, etc.

Jeudi 29, 11h. Le procureur de la République Oumar Mahamat Kedelaye, fébrile, confirme à la presse, la mort de Yaya Dillo Djerou Betchi. La fin d’une vie émaillée de lutte.

A la présidence de la République la tension est retombée, Internet est rétablie. Tout est sous contrôle, disent des sources de la présidence. Le jeune président de transition jure d’écraser toute personne parent ou pas qui se mettra au travers de la transition. Dans les rues de la capitale, les Tchadiens sont pris dans leur quotidien tout en redoutant les conséquences de cette mort violente.

Bello Bakary Mana

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