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Créée en 2019 par Gamaigué Watouing Léonard, l’école pour les enfants des éleveurs nomades a deux niveaux. Ialtchad Presse vous amène à la découverte cette école spéciale, dirigée par un homme à part dans la petite forêt de Walia. Reportage. 

Elle n’a rien à envier à école moderne avec des salles de classe en béton, des tables-bancs, un terrain de sport, etc. C’est à l’ombrage d’un nimiers, un tableau adossé contre le tronc, une forêt d’arbres au milieu d’un campement d’éleveurs nomades à la sortie sud de N’Djamena, la capitale.  Il est 8h. Sur le tableau il est écrit mercredi 3 février, M. Gamaigué Watouing Léonard, l’instituteur et fondateur est présent malgré le froid. Étudiant en Master 2 en Sciences de l’éducation, il est bien là fourré dans son manteau. Il est sur place depuis 8 heures. Les cours commencent à 8h30mn pour finir à 11h00mn du lundi au vendredi. Une table et une chaise lui font office de bureau. Un tableau est installé juste à sa droite. En face de lui, une soixantaine d’élèves du Cours préparatoire niveau 1 (CP1). Deux tapis, offerts par une ONG nationale, servent de tables-bancs. Assis pêle-mêle dans un brouhaha interminable, ardoises et cahiers de 32 pages en mains, les élèves du CP1 ont répondu présents à la séance du jour. Tant bien que mal, le maître Gamaigué Watouing Léonard tente de rendre moins bruyante la classe. Mésié, mésié, mésié, (mauvaise prononciation de monsieur) fusent de partout. Mais l’instituteur reste imperturbable.

La leçon du jour porte sur les chiffres de 0 à 10. Léonard les reproduit au tableau. Après plusieurs exercices de répétition vient le tour des écoliers de passer au tableau. « Qui va passer au tableau ? », demande Léonard. « Moi, moi, moi », répondent à la fois les élèves. Si certains attendent que le maître les désigne, d’autres se donnent volontiers. Puis arrive le moment de recopier sur les ardoises ou les cahiers. Un exercice délicat. Et enfin, le maître note.  

Répondre à un besoin

Le fondateur de cette école spéciale pour les enfants d’éleveurs nomades explique que la création de cette école de fortune est partie d’une constatation. « Un matin je partais à Toukra. J’ai vu les enfants des nomades en train de jouer sous les arbres. Ils étaient nombreux », dit-il. Et rajoute « C’était vers 8h du matin. Cela m’a touché. Je me suis demandé pourquoi tous ces enfants traînent à la maison. Leur place est à l’école. Et l’idée de créer cette école à germer dans ma tête », lâche-t-il. Gamaigué Watouing Léonard a rencontré les parents des enfants, « je leur ai expliqué mon idée. Ils ont accepté sans condition. J’ai démarré ».

Le jeune instituteur s’est engagé, « j’avais un peu d’argent entre temps. J’avais acheté un morceau de plafond et de « lambour ». J’ai fabriqué un tableau. Et l’aventure a commencé et dure encore depuis 2 ans ». Les élèves issues de la première promotion sont maintenant au CP2. « Après évaluation, ceux qui ont un niveau de compréhension acceptable sont admis au niveau suivant », explique le fondateur. Malheureusement, cette école n’est pas encore reconnue par l’administration tchadienne. Donc aucun document n’est délivré aux apprenants. « L’essentiel est que ces enfants puissent apprendre à lire, écrire et compter en Français. Le droit à l’éducation est fondamental », dit l’instituteur avec fougue.

Les difficultés sont énormes de cette école à commencer par le cadre et les autres conditions d’études. M. Gamaigué Watouing Léonard ne compte pas abandonner « si nous avons tenu près de 2 ans, ce n’est pas demain qu’on va abandonner ». Bien que chômeur, Léonard dit accomplir cette tâche par passion et non par ce qu’il est en chômage. Il dit être fier de son œuvre bien que n’ayant ni un salaire ni un quelconque avantage « ma récompense est la reconnaissance des parents d’élèves et des élèves. Cela suffit à mon bonheur ».

Christian Allahadjim

Suite à un communiqué de presse signé par la Cellule SET de Walia, le 17 février, les activités pédagogiques au lycée et collège de Walia sont suspendues. Objectif, libération immédiate et sans condition des élevés, enseignants et responsables de cet établissement public arrêtés par la police, le 15 février passé. Selon janvier Adamou secrétaire général cette suspension, compte du jeudi, 18 au samedi 20 février. Ialtchad Presse est allé s’imprégner de la réalité du terrain. Reportage.

Lycée et collège de Walia, il est 11 heures passées. Un silence cimetière règne dans la cour. Tout est suspendu, cours et activités pédagogiques du jeudi 18 au samedi 20 février. Et les autorités administratives et la cellule des Syndicats des enseignants tchadiens de Walia ont tour à tour arrêté leurs activités. Selon le communiqué de presse de la cellule, c’est suite à la bavure policière du 15 février lors d’une manifestation qui ne concernait en rien les élèves. Pour le signataire, janvier Adamou, secrétaire général, les forces de l’ordre ont tiré de lacrymogène dans la cour du lycée, saccagé les salles et bureaux, bastonnés, arrêté et humilié les enseignants et le personnel administratif de l’établissement. « La cellule du SET demande aux autorités compétentes de protéger les enseignants de cet établissement dans l’exercice de leur fonction. Elle se réserve le droit d’engager les actions de grande envergure », conclut le communiqué.

Pour Beakba Gabgaroua, proviseur du lycée de Walia, tous les élèves étaient dans leurs salles en train de faire cour ce lundi 15 février. Du coup dit-il, aux environ de huit heures, un groupe d’individus marche le long de la grande voie en face de leur établissement. « Ils commencent à brûler les pneus et la police intervient pour les disperser à coup des gaz lacrymogènes. Une partie des gaz tombe dans la cour du lycée. Stupéfaits, les élèves sortent de leurs classes en débandade », explique-t-il. Selon lui, paniqués certains élèves ont escaladé les murs, ceux qui ont de malaise respiratoire ils se sont réfugiés dans le bâtiment de l’administration et d’autres encore dans les toilettes. Un moment après, témoigne-t-il, la police investit la cour et leur demande de leur livrer les élèves qui gémissent. « Nous nous sommes opposés en leur expliquant que nos élèves ne sont pas des manifestants. Ils ont seulement pris peur et ils sont sortis de leurs classes. Du coup, on nous brutalise devant nos élèves et nous embarque », confie le proviseur.

Pertes des heures, plus grande inquiétude !

Beakba Gabgaroua, de poursuivre que les forces de l’ordre leur demandent pourquoi pousse-ils les élèves à manifester ? Réponse : « Nous sommes des agents de l’État et par conséquent, nous ne formons pas des délinquants », dit-il. D’après le proviseur, ils ont arrêté les élèves filles et garçons puis, sur-le-champ, les filles ont été libérées. Mais les garçons jusqu’aujourd’hui, personne ne sait s’ils sont libérés ou pas, note-t-il. « Pour des raisons d’accalmie, les autorités administratives ont suspendu les cours mardi et mercredi et normalement nous devons reprendre jeudi passé. Mécontent, de la bavure policière, le syndicat suspend lui aussi les activités pédagogiques jusqu’au samedi », précise le proviseur.

Selon le 1er administrateur du lycée de Walia, il y a eu déjà une longue grève et le lendemain, un tel événement c’est bien dommage ! « Ce n’est pas un bon signe pour une éducation de qualité. C’est une perte des heures », déplore-t-il d’un air frustré. Il plaide pour que les cours reprennent le plutôt que possible, ce lundi comme prévu, afin de rattraper le temps perdu.

Moyalbaye Nadjasna

Le musée national est par définition un grenier rempli d’objets d’arts. Une maison connue où le présent fait parler les repères du passé. Un nombre important des objets culturels qui peuvent enrichir les pavillons du musée se trouvent en France. Des efforts sont-ils entrepris pour leur restitution ? Ialtchad Presse est allé chercher les réponses. Reportage.

Pour Gariam Philippe, le Tchad est un des pays concernés par la restitution des objets d’arts pillés par la France. Il est le premier pays avec 9296 objets d’arts conservés dans les musées français. « La restitution de ces biens culturels spoliés par la France est un long processus », dit-il. Selon le directeur Gariam Philippe, plusieurs conditions sont à réunir pour assurer le succès de la restitution. Il s’agit entre autres : de faire un inventaire technique de ces objets, de mobiliser des ressources humaines et financières, de réviser les accords de coopération culturelle entre la France et le Tchad. « Depuis 2019 le Tchad a donné sa position officielle à la France par voie diplomatique. Un travail technique est en cours afin de mettre en place un Haut Comité National chargé de la restitution des biens culturels spoliés par la France », dit le directeur.

« Le Musée National du Tchad contient de nombreux objets qui retracent la culture du Tchad et de l’humanité tout entière », déclare-t-il. Pour lui, le crâne de Toumaï, ancêtre de l’humanité datant de sept millions d’années, constitue l’exposition phare du Musée National. Le Musée National explique-t-il, réserve un espace convivial pour l’exposition permanente des biens culturels. Il est reparti en huit (8) pavillons. « Le Patrimoine religieux, le Pavillon Préhistoire, le Pavillon Archéologie de l’art Sao, le Pavillon Histoire, Pavillon Arts et Traditions populaires, Pavillon Paléontologie et le Pavillon du Patrimoine mondial », a cité

Adoum Gariam Philippe. Selon lui, le Musée National est couramment visité par le public tchadien et les touristes.  Mais plus de 90% de visiteurs sont des élèves et étudiants. « Nous exhortons le public à s’intéresser au Musée National qui est un grenier de la culture tchadienne et de l’humanité », lance-t-il.

Qu’est-ce qu’une exposition permanente et une exposition temporaire ? Le technicien répond : une exposition, c’est un moyen de communication d'un musée, par extension, l'ensemble d’espace mural dédié.  Elle réunit un ensemble d'objets, faisant ou non partie des collections du musée, autour d'un thème, d'une idée, d'un fil conducteur, précise-t-il. « L’exposition permanente c’est une exposition fixe qui peut durer tandis que l’exposition temporaire, comme son nom l’indique, est une exposition sur une thématique donnée et pour une durée déterminée ». Jusqu’aujourd’hui, les expositions temporaires réalisées sont celles sur Joseph Brahim Séid (2017), la marche du Tchad vers l’indépendance (2018), Kelou Bital Diguel (2019).  Dans les différents pavillons, nous pouvons découvrir le moulage de Tchadanthropus uxoris, des collections d’arts et traditions populaires, de l’archéologie, de l’histoire, de la paléontologie et du patrimoine islamique.

La plupart des vitrines sont consacrées à la culture Sao. Toute une salle est réservée à la paléoanthropologie. On peut voir des moulages des fossiles de Tchadanthropus uxoris, d’Abel (Australopithecus bahrelghasali) et de Toumaï (Sahelanthropus tchadensis). On peut aussi voir les lacs Ounianga qui sont entrés déjà dans le patrimoine mondial de l’UNESCO. Le dossier du Lac Tchad qui avance. Ce sont-là, des potentiels touristiques favorables au développement du Tchad, conclut le directeur.

Moyalbaye Nadjasna

Ses débuts n’ont pas été faciles, mais il s’est accroché comme une teigne à son métier de gastronome. Il n’a pour le moment qu’un rêve : devenir l’ambassadeur de la gastronomie tchadienne. Portrait de ce chef cuisinier et pâtissier franco-tchadien, Hissène Mahamoud.

Il devrait enseigner les Lettres modernes. Mais il a tout laissé tomber pour se consacrer à sa passion l’art culinaire et la pâtisserie.

Né à Faya dans l’extrême nord du Tchad, Hissène Mahamoud est un amoureux de la cuisine depuis sa tendre enfance. Il ne pouvait pas parler de cette passion au vu et au su de tout le monde. Les préjugés sociaux et communautaires ne l’y autorisent pas. Dans le Tchad conservateur, la cuisine est réservée aux femmes.

Comme plusieurs jeunes, sa vie se partageait entre les études, sa ville natale Faya et la capitale, N’Djamena. Après son baccalauréat, Hissène Mahamoud s’est envolé pour l’Algérie. Il fait des études en Lettres modernes. À la fin de son cycle licence en 2007, le passionné de la cuisine immigre en France. Au pays du général De Gaulle Hissène échange de chemin. Il abandonne les Lettres modernes pour la gastronomie. « C’est le destin. Ce n’est pas ce que la famille attendait de moi, mais le destin en a décidé autrement. »

Début difficile

« Au début, je me cachais sous pseudonyme sur les réseaux sociaux pour faire mon métier », raconte Hissène Mahamoud. Les raisons, explique Hissène, sont les préjugés et la coutume du pays qui le pourchassait. Il vivait dans le déni et reniement de lui-même. « Chez nous au Tchad et précisément dans ma communauté c’était difficile de s’exprimer », dit-il presque la larme à l’œil. Mais la passion a fini par vaincre. Il a décidé de s’assumer et de s’afficher. « Un jour je me suis dit à moi-même : c’est un métier, je ne vole personne. Je vais le faire en public. Et le déclic est parti. Je me suis affiché avec mon propre nom de famille. Depuis lors, je suis le plus heureux des hommes ».

Son salut, il le doit à l’immigration et à son pays d’accueil, la France. Loin de sa famille et des pesanteurs sociocommunautaires, il s’est lancé à corps perdu dans ce métier qu’il aime tant. Et aujourd’hui, il est chef cuisinier et pâtissier installé en France. Il en est fier. Et sa famille aussi. « Ma mère est comblée ».

Des ambitions

Cela fait 12 ans qu’Hissène Mahamoud exerce son métier de cuisinier-pâtissier. En janvier 2021, il a organisé pour la troisième fois le Master class dénommée « journée gourmande » où des mets tchadiens sont en honneur. Mais le chef Hissène rêve grand. Il a un projet. Il veut créer une École de cuisine pour former des jeunes dans l’art culinaire. Et valoriser la gastronomie tchadienne dans le monde. Car, dit-il, cela manque au Tchad. Ce qu’il souhaite vraiment est que le ministère de la Culture valorise la gastronomie tchadienne à travers un festival à l’exemple du festival Dary. « Le Tchad est riche en la matière. Nous devrons créer un festival interprovincial », suggère-t-il. Aussi, il souhaiterait avoir le soutien du ministère. « Moi je me transforme déjà en ambassadeur de la gastronomie tchadienne dans le monde. Il faut que le ministère m’épaule dans cette tâche ». Il dit être prêt à revenir s’installer au bled pour transmettre son savoir-faire. Quand ? « Je reviendrai, inchallah », dit Hissein, dans un large sourire. Il est heureux, l’ambassadeur.

Christian Allahadjim

Le Tchad dispose d’un musée national. Il y a de nombreux objets qui retracent l’histoire et la culture du pays. Pour mieux connaître cette prestigieuse institution culturelle, Ialtchad Presse vous amène à sa découverte. Reportage.

N’Djamena, capitale tchadienne. Quartier Am-riguébé, au 5e arrondissement. En face du Palais du 15-janvier se dresse depuis le 28 novembre 2010, le siège du Musée National tchadien. Création : le 06 octobre 1962, « c’est le creuset de l’histoire et de la culture tchadienne, mais aussi de l’humanité », dit M. Adoum Gariam Philippe, directeur national du musée. Il dispose des annexes à Sarh et à Abéché. Avant cette bâtisse, le musée était logé dans un bâtiment colonial, construit en 1911. C’était l’ancien bureau du Gouverneur de l’Afrique Equatoriale Française (AEF). Le musée est géré selon la loi du 24 mars 2011 qui l’érige en établissement public à caractère administratif doté de personnalité morale et disposant d’une autonomie financière.

Selon le Directeur, la gouvernance du musée est le résultat des institutions fusionnées. Il s’agit de l’ordonnance, du 15 septembre 2016, créant la Maison des Patrimoines culturels du Tchad (MPCT). Cette maison affirme-t-il, est composée de la Direction de la Bibliothèque Nationale, de la Direction du Bureau tchadien du Droit d’Auteur, de la Direction du Centre National de Lecture publique et d’Animation Culturelle et la Direction de la Diffusion et de la Communication. Le musée a 3 services, « le Service administratif, le Service de l’Animation des Expositions et des Actions éducatives puis le Service de la Conservation et de la Recherche ».

Adoum Gariam Philippe explique qu’un musée comme celui du Tchad est une institution publique à but non lucratif au service public de la société. Pour lui, le musée est utile pour la recherche, les études, l’éducation et le tourisme. « La politique d’un musée consiste à protéger les œuvres patrimoniales, mais aussi, à les enrichir et à les diffuser dans le cadre d'une politique culturelle adaptée aux besoins », dit-il. C’est ainsi, précise-t-il, que le Musée National a toujours comme priorité l’accessibilité du public le plus large pour un égal accès de tous à l’éducation et à la culture. Enfin le musée a des difficultés comme « pas suffisamment des bureaux pour le personnel, pas de guides anglophones, pas assez de matériels, les finances sont à sec à cause de la conjoncture économique, etc. »

Moyalbaye Nadjasna

La marche du 13 février dénommée la marche pour la Justice, l’inclusion et l’alternance a eu lieu malgré l’interdiction. Ialtchad Presse était présent et vous décrit le fil des événements. Reportage.

Samedi 13 février. 6h 30 min. Le jour J de l’acte 2 de la marche du peuple pour l’inclusion, la justice et l’alternance initiée par une partie de l’opposition. Dix minutes ont suffi pour rallier le QG des initiateurs, le parti Les transformateurs, de cette marche politique.

Tout au long du trajet, aucun élément ne laisse présager une quelconque manifestation. Au rond-point du pont à double voie, quelques éléments de la commission mixte de sécurité sont visibles. Sur l’espace appelé « terrain Koulamallah » qui jouxte le siège du parti, rien en vue. Pas de mouvement. Pas un élément de la Police. À l’angle de la rue du terrain, un groupe de jeunes tenant des affiches avec des inscriptions se concerte. Au siège, quelques militants sont présents. Le président des Transformateurs s’y trouve aussi. Un point focal de la marche nous notifie qu’il n’y pas un point de départ. « Les gens s’organisent par secteur et là ils sont déjà en action. Il faut les chercher », nous dit-il.  Par où commencer ? Nous nous sommes résolus à sillonner le quartier Habbena et Chagoua, dans le 7e arrondissement de la ville de N’Djamena.

6h 55mn. Départ du QG des Transformateurs à la recherche des manifestants. 4 véhicules des unités du Groupement mobile d’intervention de la Police (GMIP) se déploient tout autour du lieu.

7h 03 min. Avenue Mathias N’garteri. Un pneu brûle au loin, mais aucun manifestant en vue. Les éléments de la Police antiémeute s’activent pour éteindre le feu afin de libérer le passage. Tout au long du trajet, des habitants de la zone, tous curieux, observent les mouvements qui se font dans leur quartier. La Police patrouille dans le secteur. Sur l’avenue principale, la circulation est libre, les habitants vaquent à leurs occupations. Le marché Taradona commence à s’animer peu à peu.

7h 08 min. La Police se retire. Les premiers manifestants apparaissent. Ils ne sont que 3 âmes. Jouent-ils au chat et à la souris avec les forces de l’ordre ? Tous les trois sont des diplômés sans emploi. Ils traversent la voie bitumée et s’engagent sur la rue du marché Taradona. Ils avancent en chantant en arabe local. « Deby ne veut pas de nous. Donc, allons-y. Les armes c’est pour vous, mais la liberté c’est pour nous. Allons-y », entonnent-ils sous le regard étonné du public. « Nous revendiquons la liberté comme le président Deby nous l’a promis en 1990. Nous réclamons aussi de l’emploi », dit le leader de ce petit groupe. Il a un master 2 en Transit et Transport. « J’ai 32 ans je vis toujours chez mon tuteur. C’est inacceptable. J’en ai assez de ce régime », s’emporte-t-il. Le deuxième du groupe explique que c’est la peur qui empêche les Tchadiens de manifester, « les Tchadiens ont la rage, mais ils ont peur de la manifester à cause de la répression. Ce que le pouvoir fait du n’importe quoi ».

Pendant ce temps, les policiers du GMIP étaient en approche. Le leader du groupe hausse le ton, « personne ne fuit ». Les membres du groupe s’agenouillent, les mains sur la tête. Ils se sont laissés arrêter, sans résister, en entonnant l’hymne national.

Nous reprenons notre chemin vers Dembé. Direction : ambassade des États-Unis où le leader des Transformateurs M. Masra a trouvé refuge lors de la première marche. La zone est quadrillée par le GMIP. Sur presque chaque rue est posté un véhicule de l’Unité spéciale d’intervention de la Police (USIP) et du GMIP. La sécurité est renforcée à l’entrée. Aucun mouvement n’est à signaler.

7h : 42 min. Retour au QG des Transformateurs. En route un groupe de jeunes, plus de 100 sont sur une rue du quartier Habbena. Ils brandissent des inscriptions contre le pouvoir du président. Ils scandent le nom du leader des Transformateurs, Succès Masra. L’un d’eux s’adresse au public, « venez-vous joindre à nous. Il faut que nous exprimions ce que nous ressentons ». Personne n’a rejoint les marcheurs. Le groupe réussit à atteindre l’axe CA7. Il progresse sur le marché Taradona. La Police intervient : tire des gaz lacrymogènes. Les manifestants se dispersent. Les Transformateurs ont marché 5 min.

8h : 05mn. Retour au QG. Le gardien nous informe que le président des Transformateurs est parti avec les membres de son Bureau Exécutif pour marcher aussi. Où ? Personne n’a été à mesure de nous indiquer. Nous avons décidé de faire le tour de la zone en espérant croiser M. Succès Masra, en vain. Le cortège de Max Loalngar, président de la Ligue tchadienne des droits de l’Homme et/ou de l’artiste Raïs Kim, est introuvable aussi.

8h : 22 min. Quartier Moursal. Les rues sont vides. Des boutiques fermées pour raison de salubrité. Elles ouvrent à partir de 10h 00. Nous avons fait un tour chez l’Union Nationale pour le Développement et le Renouveau (UNDR). Le chef de ce parti M. Saleh Kebzabo, opposant historique soutient cette marche en affirmant qu’il allait lui aussi marcher. Au moment de notre détour, il était à sa résidence.

L’acte 2 de la marche du 13 février s’est déroulé de manière sporadique et en petits groupes comme le premier. Les manifestants promettent de ne pas lâcher.


Christian Allahadjim
Djilel-tong Djimrangu

Situé derrière la Direction Générale de l’agence Tigo Tchad sur l’avenue Charles de Gaulle, le marché communément appelé « marché Dubaï » est démoli par la mairie centrale. Reportage.  

Les habitués du marché « Dubaï » ou « Wall Street » situé en face de la direction des ressources humaines du ministère de l’Éducation ne peuvent plus aller faire des affaires. Ce petit marché de vente des téléphones de seconde main ou neufs est démoli.

Vendredi 15h 00 sonnante. L’ambiance au marché « Wall Street ou encore Dubaï » n’est pas habituelle. Les clients déambulant et discutant les prix sont remplacés par des tractopelles, des bennes, des agents de la police municipale et des militaires. Ils sont partout. Et c’est depuis la matinée. Au coup des tractopelles, des hangars, kiosques et boutiques sont balayés, mâchés, écrasés comme du papier. Les commerçants sauvent ce qu’ils peuvent. Les vendeurs à la sauvette continuent de faire leurs affaires comme si de rien n’était.

Selon Mahamat Saleh Hissein Lamine, directeur de l'Urbanisme, de l'Aménagement et du Transport urbain de la mairie de N’Djamena, cet espace est une suite logique de la voie publique. Et c’est depuis 2016 que l’État demande à ces commerçants de quitter les lieux occupés anarchiquement, d’après ses explications. « Ils sont venus s’installer anarchiquement sur la voie publique et en faire un marché, » dit-il. D’après lui, dans n’importe lequel des pays du monde, il y a différentes zones appropriées octroyées par les pouvoirs publics. « Ici, c’est une zone administrative de services publics. C’est inacceptable d’occuper cet espace pour le commerce. Il y a différents services publics : la direction des ressources humaines, le ministère des Postes et des télécommunications, et les consulats », explique Mahamat Saleh Hissein Lamine.

Plusieurs ultimatums non respectés

Pour le directeur de l’Urbanisme de la mairie de N’Djamena, ce déguerpissement n’est pas une surprise. « Une équipe était passée il y a deux mois avertir les commerçants. La mairie a octroyé un nouveau site au quartier Klémat pour les relocaliser. Ils ont donné leur accord de principe pour quitter ». 

Ramadane, un jeune homme nous prend pour des clients. « J’ai des téléphones de bonne qualité à bon prix », nous dit-il avant de répondre à nos questions. Selon lui, certes la mairie était passée il y a presque deux mois pour demander de quitter les lieux, mais le nouveau site ne convient pas aux commerçants. « On ne sait où aller maintenant. Ils nous ont donné un terrain au quartier Klémat, mais c’est le terrain d’un particulier », dit-il.

De l’autre côté de la rue, Abdoulaye, un boutiquier s’est installé à même le sol étalant ses téléphones. Lui également reconnaît que la mairie leur a donné un préavis. « Oui au mois de mars lors du premier confinement, ils étaient venus nous donner un délai de 48h pour quitter les lieux, mais nous n'avons pas respecté le délai, » explique-t-il. Comme Ramadane, il se plaint du nouveau site. « Ils nous ont montré un lieu à Klémat pour s’y installer, mais malheureusement, ce lieu n'est pas pour l'État c’est pour un particulier et il a refusé qu’on l’occupe. Où irons-nous ? » S’interroge-t-il.

Quelques heures plus tard, la tension entre les déguerpis et les forces de l’ordre est montée d’un cran. Il a fallu faire usage des gaz lacrymogènes pour disperser les mécontents.

Djilel-tong Djimrangué
Orthom L’Or

La famille de l’ancien Président tchadien en prison au Sénégal a introduit il y a quelques jours, une demande de grâce auprès du Président sénégalais Macky Sall. Informée, l’association des victimes des crimes et répressions de Hissène Habré (AVCRHH) réagit. Reportage.

Alors que les victimes attendent leur indemnisation, une autre nouvelle leur glace le sang. La famille de l’ancien président tchadien introduit une demande de grâce auprès du Sénégal. Une nouvelle qui a fait bondir les membres de l’association des victimes de Habré. Au siège de l’association, les victimes sont en colère. On peut lire ces messages « Cabris morts n’a pas peur de couteau. Plus jamais cela. Nous réclamons justice, etc ». Pour Abaïfouta Ndokhot Clément, président de l’AVRCHH, rien n’est nouveau et surprenant. Dans la vie, il faut toujours attendre des surprises, dit-il. « C’est de la vernie. Et au point de vue juridique, le dossier est géré par l’Union Africaine (UA). C’est un dossier continental. Par conséquent, le Sénégal n’a pas, seul, autorité de gracier un criminel, un dictateur », dit-il.

Abaïfouta, affirme que la seule chose qui devrait attirer l’attention, c’est l’interminable attente des victimes (5 ans) pour être indemnisées. D’après lui, tous les biens de Habré n’ont pas été saisis pour constituer le fonds d’indemnisation. La réflexion pour trouver une solution doit porter sur cette matière. « Habré est condamné. Il doit purger sa peine. C’est quelqu’un qui a un cœur de pierre. Il est insensible à la douleur du peuple tchadien. Le moment n’est pas arrivé pour demander la grâce », a martelé Abaïfouta Clément. Selon lui, il faut indemniser plutôt les victimes que de se laisser distraire à la longueur de temps par la famille de Habré. En outre, l’AVCRHH se dit être sereine. Ce que déplore le président des victimes, c’est la lenteur de l’UA dans le processus d’indemnisation des victimes. « Ce fonds leur permettra de refaire une vie, se soigner et s’occuper de leurs familles », dit-il.

Deux poids deux mesure

Selon le président de l’AVCRHH, il y a deux ans, le directeur de Cabinet du Président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat est venu au Tchad. L’équipe en mission, informe-t-il, a rencontré les autorités. « Les autorités tchadiennes leur ont concédé un bureau d’où ils devraient travailler de concert avec le conseil d’Administration et le secrétariat du fonds. Mais jusque-là rien de concret », explique-t-il.  D’après lui, si ce fonds s’installait, il pourrait inciter d’autres organisations à contribuer pour l’indemnisation des victimes. Il soutient qu’il pas deux poids deux mesures. « Non je ne pense pas qu’une telle demande soit jugée recevable. Comme je l’avais susvisé, le Président Macky Sall n’est pas habilité. C’est une décision africaine et seule l’UA peut se prononcer sur grâce ou pas grâce », insiste-t-il.

Pour Abaïfouta Clément, si le Sénégal déclare recevable la demande de grâce, ce serait vraiment dommage. Depuis que Hissène Habré a été condamné, le Sénégal est devenu la fierté de l’Afrique. Et les Africains sans la Cour Pénale Internationale (CPI), ont réussi à juger et à condamner un dictateur sur le sol africain. « Si le contraire se réalise, je pense que cela va être apocalyptique. Toutefois, les victimes auront toujours des arguments solides pour contre attaquer ».

Moyalbaye Nadjasna

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