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Goukouni Weddeye : Mon pays, la Paix et Moi
“Le Tchad d’aujourd’hui n’est pas celui d’hier à moins qu’on veuille délibérément le juger au passé.”

Le 19 août 2009 dernier Goukouni Weddeye, Président de la République du Tchad à deux reprises : 23 mars 1979 - 29 avril 1979 et 3 septembre 1979 - 7 juin 1982, est rentré définitivement au pays après 27 ans d’exil. Ialtchad Presse est partie à sa rencontre et son Excellence à bien voulu nous confier ses prochaines vues. Il se dit absolument disponible pour se mettre au service de son pays. La paix, la réconciliation nationale et le développement socio-économique du Tchad sont à l'avenir ses préoccupations.

Ialtchad Presse : Bonjour Mr le président. Goukouni Weddeye de retour, lassitude de l’exil ou fruit de la politique de la main tendue du Président Idriss Deby Itno ?
Goukouni Weddeye :
Ni l’un, ni l’autre, mon retour est plutôt basé sur ma propre conviction à la nécessité d’apporter une contribution dans le cadre de la paix au Tchad. C’est pour cette initiative que j’ai entrepris en 2007 des démarches auprès du feu Président gabonais Oumar Bongo. Ces démarches ont abouti à une réunion que j’ai eu à présider avec certains opposants et d’autres personnalités politiques tchadiennes, c’était la conférence de Libreville de juillet 2007. Après Libreville, nous avons eu à rencontrer le Président Idriss Deby Itno à N’djamena, nous nous sommes informés de son avis afin d’harmoniser nos opinions. La rencontre s’est bien passée, le Président nous a donné son approbation et nous a exhorté à poursuivre notre initiative. C’est dans ce cadre que des comités de paix et de réconciliations ont été mis sur pied.

Malheureusement, nos démarches ont été sabotées par des manques de volontés de part et d’autres. Des pays stratégiquement importants pour la paix au Tchad comme la France, la Libye, le Soudan nous ont bloqué la porte en refusant de soutenir nos démarches. A ces difficultés, s’ajoute la mort du Président Oumar Bongo, notre principal soutien.

En définitif, nous avons jugé qu’il serait judicieux d’engager des discussions directes sur place à N’Djamena avec le Président Idriss Deby. J’avoue qu’il n’a ménagé aucun effort quand il s’agit de paix au Tchad. Ouvrir des discussions inter-tchadiennes sur place est la solution adéquate. Voilà en gros ce qui a motivé mon retour.

Ialtchad Presse : Déjà en 1993 vous étiez là lors de la conférence nationale souveraine, et brûler symboliquement des armes. Mais vous regagniez plus tard votre exil. En quoi ce second retour sera différent du premier ?
Goukouni Weddeye :
Vous savez, lorsque la  1ère fois j’étais venu m’associer au président et au 1er ministre pour brûler les armes, c’était avec la ferme conviction de mettre un terme à toute hostilité armée. Mon honnêteté ne souffre de rien, j’avais bien assisté à la conférence nationale. Cependant beaucoup de tristes événements sont venus jalonner le parcours de notre pays et saper nos belles initiatives. Des oppositions armées au Lac, au Sud, au Nord et la guerre n’a jamais été aussi présente avec son corollaire de victimes. Beaucoup de tchadiens seront tués, des familles entières décimées et des vies brisées. Je ne peux revenir et cautionner tout cela. Aujourd’hui vous conviendrez avec moi qu’il y a eu des changements notables, bien que cahin-caha, le pays est dans une dynamique de stabilité et de développement.  L’accord du 13 août  2007 entre le gouvernement tchadien et l’opposition démocratique est un pas considérable vers une stabilité politique du pays qui est gage de tout développement. Des importantes lois ont été adoptées, une commission électorale a été créée d’un commun accord. Aussi, il faut le noter, peu sont ceux qui croient aujourd’hui à la solution militaire, ce qui fait que beaucoup de nos frères sont revenus ou sont en négociations. Il y a là une réalité des volontés des tchadiens et autant il faut apporter sa contribution, venir aider ceux qui ont la volonté de faire quelque chose pour l’avenir de notre pays. Le Tchad d’aujourd’hui n’est pas celui d’hier à moins qu’on veuille délibérément le juger au passé.

Ialtchad Presse : Après 27 ans d’exil, quels sont aujourd’hui vos sentiments ?
Goukouni Weddeye :
Au vu de tous les problèmes et autres désolations fratricides qu’a connu ce pays, il y a lieu d’espérer aujourd’hui. Le pays commence à avoir un peu de souffle, que chacun apporte le sien pour seconder celui du pays. Certes, beaucoup reste à faire, mais nous avons là une opportunité à saisir, à essayer de redresser ce pays et personne ne nous reprochera d’avoir osé.

Ialtchad Presse : À la sortie d’une audience avec le Président Idriss Déby Itno vous affirmiez vouloir être utile pour le pays, à quel titre et comment comptez-vous, vous y prendre ?
Goukouni Weddeye :
Le titre importe peu, je veux aider mon pays uniquement dans le cadre de la paix, apporter ce que je peux, et cela en toute circonstance, sans rien attendre.

Ialtchad Presse : Comptez-vous assumer un rôle politique si possible ?
Goukouni Weddeye :
Je ne dirais pas non dans le cadre de la paix, je suis là pour contribuer à la stabilité, à la démocratie et au développement de mon pays. 

Ialtchad Presse : Depuis l’indépendance, le Tchad a toujours été confronté à la guerre et son corollaire d’instabilité, vu vos expériences personnelles, quels enseignements avez-vous tiré ?
Goukouni Weddeye :
Rien n’est pire que la guerre, le retard que le Tchad accuse aujourd’hui dans tous les domaines est dû aux hostilités qui ont circonscrit la destinée du pays. Cependant la lutte déclenchée par Brahim Abatcha et suivi par nous même dans le cadre du FROLINA a apporté un grand changement sur l’orientation politique du pays qu’il fallait nécessairement corriger la dérive à l’époque. Sur ce point, personnellement je n’ai rien à regretter. Pour revenir à la question, l’état du Tchad et surtout la situation de ceux qui y habitent  résument en eux même tout. L’urgence ce n’est pas de confabuler sur les responsabilités des uns ou des autres, c’est plutôt de s’employer à mettre fin à cette tragédie tchadienne.

Ialtchad Presse : Il s’avère qu’il y a encore des tchadiens qui croient au changement par les armes, votre point de vue ?
Goukouni Weddeye :
Sur ce point, j’ai une position tout à fait différente à ceux qui pensent ainsi. Voilà plus d’une quarantaine d’années qu’on fait le plaidoyer de la guerre, je crois que tout tchadien doit comprendre que le dialogue reste l’issue adéquate pour régler nos différends. Toujours penser à résoudre les obstacles par les armes, est à mon avis une grosse erreur, regardons seulement la posture du pays par rapport aux pays voisins.

Ialtchad Presse : Pour terminer
Goukouni Weddeye :
Oui ! Je souhaite à mon pays et au peuple tchadien la paix, la démocratie et la prospérité, ce sont là, les nécessités pour l’heure. L’unité de tous les tchadiens est une impérative pour la reconstruction du pays. Bannissons cette quête de l’intérêt personnel pour l’intérêt de tous, et pensons au devenir de nos enfants.

Moussa Yayami, Hamid

Miss Tchad 2010 Khadidja  Hissein  Wakkai : “Ce titre représente pour moi un grand honneur, un plaisir immense et surtout la réalisation d’un merveilleux conte de fée...”

18 ans, 1.70M, 45 Kg, élève en littérature au Lycée de Lafontaine, Khadidja Hissein Wakkai est élue le  9 janvier dernier Miss Tchad  2010. La Miss Tchad à cœur ouvert sur Ialtchad Presse.

Ialtchad Presse : Bonjour ! Merci de nous accorder cet entretien. Khadidja Hissein Wakkaye Miss Tchad 2010, que représente pour vous ce titre ?
Miss Tchad  2010 :
Oui bonjour ! Ce titre représente pour moi un grand honneur, un plaisir immense et surtout la réalisation d’un merveilleux conte de fée. C’était mon rêve. Comblée, je veux dédier cela pour la quête de la paix au Tchad.

Ialtchad Presse : Qu’est ce qui a motivé le jury à voter pour vous ?
Miss Tchad 2010 :
C’est une question que le jury  pourrait mieux vous instruire (rire). Cela dit j’avoue que je me suis tant donnée pour ce sacre.  J’ai travaillé tout ce qu’une compétition d’envergure exige.  Dans ma beauté qui comprend ma silhouette, ma démarche, ma tenue vestimentaire,  et surtout mon esprit d’ouverture, j’ai rien laissé au hasard.

Ialtchad Presse : Comment vivez-vous aujourd’hui votre succès ?
Miss Tchad 2010 :
C’est vrai, quand on devient Miss d’un pays, rien n’est comme avant, je représente des valeurs de mon Tchad et je suis bien consciente des responsabilités que cela implique. Cependant, j’ai bien mes pieds sur terre, ma famille, mes études et mes amis restent encore mes préoccupations.

Ialtchad Presse : Être choisie Miss d’un pays n’est pas une chose facile, comment l’avez-vous préparé ?
Miss Tchad  2010 :
Tout naturellement et avec beaucoup de courage et de sérénité. C’était mon rêve de petite fille et grande est ma croyance en moi. Comme toutes les candidates, je suis partie déposer ma candidature pour passer le concours de la présélection avec 60 consœurs venues des différents horizons du pays. Je me suis investi et cela a porté fruit, après le casting, j’ai été aussitôt retenue pour la finale avec 9 autres filles. En finale, nous avons bénéficié d’un encadrement supplémentaire et j’en ai aussi pris note. Dès lors, il me fallait juxtaposer mon rêve, mon intelligence, ma beauté, ma foi en ce que je fais, un peu de chance, la volonté de Dieu et voilà des ingrédients pour être distinguée Miss d’un pays.

Ialtchad Presse : Maintenant que vous-êtes la plus belle tchadienne de l’an 2010, quel message aimeriez-vous transmettre aux tchadiens ?
Miss Tchad 2010 :
En tant qu’ambassadrice de la beauté, j’aimerai  transmettre un message de paix aux tchadiens. Je demande au tout puissant de nous unir pour le bon fonctionnement et le développement de notre pays.

Ialtchad Presse : Quelles sont vos ambitions ?
Miss Tchad 2010 :
Poursuivre mes études, pourquoi ne pas devenir journaliste un jour et être utile pour mon pays. Aussi, comme la première dame Hinda Deby Itno, la lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants me tient à cœur, je veux m’impliquer effectivement.

Ialtchad Presse : Bravo pour cette élection et bonne chance.
Miss Tchad 2010 :
Bien à vous mon coup de cœur Ialtchad presse, j’ai vu la maquette du journal sur votre site web ialtchad.com, un site que je consulte régulièrement depuis quelques années.  Franchement la qualité de votre revue m’a beaucoup impressionnée. Je concède que c’est la chose que j’attendais le moins sur le marché tchadien. C’est formidable votre œuvre, vous ne manquerez pas de succès inchallah.

Réalisation Fatimé Mahamat

Samira : « La mode et le mannequinât au Tchad restent un domaine sous-exploité… »

Femme de foyer, étudiante à HEC (Hautes Études en Communication) en filière Banque et Finance, Madame Toyoum née Samira Marie Loubriat est responsable d’une Agence de Mannequinât. Entourée de ses mannequins les Gazelles du Sahel, la jeune professionnelle a bien voulu nous aider à comprendre son métier et les exigences du statut de mannequin au Tchad. Samira s’est confiée à notre reporter. Entretien…

Ialtchad Presse : Bonjour Madame! Et si nos lecteurs veulent te connaitre ?
Samira :
Je suis madame Toyoum, née Samira Marie Loubriat responsable de l’Agence de mannequinât « Les Gazelles du Sahel ».

Ialtchad Presse : Selon vous qu’est-ce que le Mannequinât ?
Samira :
Dans l’univers de la mode, le mannequinât occupe une place fondamentale. Le mannequinât est selon moi l’art de mettre en valeur certaines potentialités culturelles que regorge le pays. Dans mon agence, nous mettons en valeur les tissus africains et nous vendons des tableaux qui mettent en évidence les réalités de notre terroir, l’immensité de notre richesse culturelle.

Ialtchad Presse : D’où vous est venu l’envie d’embrasser ce métier ?
Samira :
Cette vocation m’est venue de ma génitrice. Ma mère était d’abord mannequin et n’avait pas vraiment atteint l’objectif qu’elle s’était fixé. Elle a voulu voir ce rêve se concrétiser à travers sa fille. Elle m’a donc encouragé dans ce domaine. Ainsi, je me suis impliqué dans la chose aussi comme mannequin et aujourd’hui responsable d’une agence de mannequinât.

Ialtchad Presse : Comme responsable d’une agence, quelles sont les activités que vous menez ?
Samira :
Nous organisons des défilés de mode dans les principales villes du Tchad et à l’extérieur du pays. Nous confectionnons des banderoles, nous sommes spécialisés dans la décoration des salles de réunion et de conférence, nous confectionnons des guirlandes, des chapelets, des chapeaux. Pour l’accueil des personnalités, la mise en disposition d’un service de secrétariat et d’interprète, la réservation des billets d’avion et des formalités de police, mon agence est à votre disposition (Rire !).

Ialtchad Presse : Quelle place pour la mode au Tchad ?
Samira :
Au Tchad, la mode reste  un domaine sous-exploité ou presque pas du tout. Et nous essayons de relever le défi en le professionnalisant en dépit de nombreuses contraintes qui freinent nos activités. Cependant, je demande aux pouvoirs publics et les médias de nous soutenir pour donner plus de visibilité à ce secteur.

Ialtchad Presse : Quelles sont ces difficultés que vous rencontrez ?
Samira :
Nous sommes une jeune Agence, et les difficultés sont inhérentes à toute structure ou Institution naissante. Nous avons d’énorme problèmes financiers et ces problèmes s’expliquent par le manque des contrats. Nous ne décrochons pas de marchés. Toutefois, nous restons optimistes quant à l’avenir.

Ialtchad Presse : Quels sont vos perspectives d’avenir ?
Samira :
Nous souhaitons faire partie des membres organisateurs des élections Miss Tchad pour pouvoir apporter notre pierre à l’édifice. Nous sommes en train de travailler sur l’organisation dans les jours avenir d’une grande manifestation à N’Djaména avec les firmes textiles de renoms et des couturiers et stylistes du Tchad et de l’Afrique.

Ialtchad Presse : Merci Samira
Samira :
Nous remercions Ialtchad Presse qui a bien voulu nous porter cette attention.

Propos recueillis par Fatimé Mahamat

Ialtchad Presse : Zénaba Ahmat Tidjani Miss Tchad 2010, quels sont vos impressions ?
Miss Tchad 2011 : Je suis très émue, ceux qui étaient présents l’ont surement constaté. Je suis très surprise d’être élue miss Tchad néanmoins j’ai le sentiment de satisfaction. Autant toutes les candidates méritent cette couronne.

Ialtchad Presse : Concrètement que représente pour vous ce sacre ?
Miss Tchad 2011 : Ce sacre représente pour moi le fruit d’un travail soutenu et de longue haleine.

Ialtchad Presse : Comment l’avez-vous préparé ?
Miss Tchad 2011 : Péniblement car de l’autre cote il ya aussi les études mais la passion aidant j’ai pu tenir. Merci à ma famille, elle m’a beaucoup soutenue dans mes efforts.

Ialtchad Presse : Pourquoi le jury à voter pour vous ?
Miss Tchad 2011 Simplement par des critères d’élection à mon avis.

Ialtchad Presse : Comment vivez-vous aujourd’hui cette intronisation ?
Miss Tchad 2011. Pas de mots exacts, c’est un passage difficile parce qu’il y’a derrière cela une lourde responsabilité. Toute fois, je suis très fière.

Ialtchad Presse : Vous êtes la plus belle femme tchadienne 2011, quel est votre message pour tes concitoyens et concitoyennes ?
Miss Tchad 2011 : Je leur  demande de se mettre au travail et ne pas se sous estimer. Car en chacun de nous il ya un talent caché.

Ialtchad Presse : Voulez-vous nous partager déjà vos projets ?
Miss Tchad 2011 :
Je ne sais pas encore, tellement de choses se passent dans ma tête. Cependant, il y a des causes qui m’intéressent beaucoup notamment la lutte contre l’enrôlement des enfants dans l’armée et l’autonomisation de la femme

Ialtchad Presse : Le mot de la fin…
Miss Tchad 2011 :
C’est l’occasion pour moi de remercier la première dame Hinda Deby Itno pour ses nombreuses contributions à l’endroit de la femme tchadienne. Mes remerciements également à tous ceux qui ont contribué pour la réussite de cette manifestation culturelle et enfin notre à Ialtchad Presse.

Propos recueillis par Hamid Kodi

Le Retour du baobab

Ialtchad Presse : Présentez-vous aux lecteurs d’Ialtchad Presse ?
St Mbété Bao : Je suis Djerabété Bernard à l’Etat civil et St Mbété Bao le Pharaon de Rongondoh, le Seigneur de Dala. Cependant appelez-moi l’Ambassadeur de la paix.

Ialtchad Presse : Pourquoi l’Ambassadeur de la paix ?
St Mbété Bao : Je m’érige en ambassadeur de la paix pour appuyer nos politiques qui se battent au jour le jour pour l’instauration d’une paix durable sinon définitive pour mon pays le Tchad. En chantant la paix, c’est une façon pour moi d’apporter ma noble contribution à l’édification de la paix, seul gage fondamental pour le développement. Mon dernier album (Faisons la paix) interpelle tous les fils du Tchad sans exception à s’asseoir ensemble, à enterrer la hache de guerre et fumer le calumet de la paix.

Ialtchad Presse : Vous êtes l’un des précurseurs de la musique tchadienne, quel regard critique et objectif portez-vous sur la musique tchadienne ?
St Mbété Bao : La musique tchadienne grandit bien, elle s’exporte et c’est une grande fierté pour moi particulièrement. Cependant, je déplore le manque d’identité de la musique tchadienne. Il est bien de copier sur les Congolais, les Camerounais, les Ivoiriens et que sais-je encore, mais on est arrivé à un moment où on s’interroge sur l’authenticité, l’originalité de la musique de notre terroir. Nos ainés n’ont pas su imposé un rythme, il ne faudrait pas que nous commettons cette même erreur sinon la génération future nous demandera des comptes un jour.

Ialtchad Presse : Quel a été votre apport dans la musique tchadienne et quel est votre genre musical ?
St Mbété Bao : Je suis né et j’ai grandi au village. Mon enfance est bercée par les chansons du village. Je n’ai aucune influence de certains artistes de renom de la capitale (N’djaména). Il n’y a pas des cassettes mieux encore des CD à cette époque pour me permettre d’écouter ces artistes et de copier sur eux. Je n’avais même pas un poste radio cassette d’ailleurs (éclat de rire !). Je suis venu du village avec mon propre rythme, le rongondoh style, composé de Dala et Saï. J’ai commencé à marquer de mes empreintes la scène musicale à partir de mon tout premier album Neurmé Majel (La jalousie n’est pas bonne). Nos ainés n’ont pas su imposer un rythme pour promouvoir la culture de notre terroir. Je suis venu révolutionner notre musique en la faisant transcender les clivages. Sans forfanterie et loin de choquer qui que ce soit, mais j’ai fait en dix ans de dur labeur ce que beaucoup de musiciens tchadiens n’ont pas pu faire après des vingtaines ou trentaines d’années.

Ialtchad Presse : Il y a une guéguerre de paternité de création du rythme Dala entre toi qui t’érige comme le Seigneur de Dala et Ingamadji Némo Mujos (artiste musicien tchadien vivant en France) qui se dit lui le Pape du Dala….
St Mbété Bao : (Rire) Comment pouvez-vous comparer le Seigneur et le Pape ? Le Pape rend toujours hommage au Seigneur et s’incline toujours devant lui. (Rire) J’amuse juste la galerie. Nous sommes des grands amis et frères Mujos et moi et je respecte le travail qu’il fait pour la promotion de la culture tchadienne.

Ialtchad Presse : Vous êtes satisfait de votre parcours ?
St Mbété Bao : Musicalement oui.

Ialtchad Presse : Que devient Saint Mbété Bao après ces 5 albums ?
St Mbété Bao : L’éléphant a maigri, mais l’écureuil ne pourra jamais porter sa robe. Je voudrai finir mon propos en remerciant Ialtchad Presse pour cette entrevue. Qu’Allah bénisse ce média et lui accorde longue vie.

Interview réalisée par Dingamnaïel Kaldé Lwanga

Manga Jean Bosco : “De l’amour à la haine, le mariage devient mirage, les enfants en pâtissent.”

Titulaire d’une Maîtrise en Droit Privé, enseignant et journaliste, Manga Jean Bosco écrit un livre paru aux Editions SAO intitulé « Le réquisitoire des parias ». Ialtchad Magazine s’est entretenu avec lui.

Ialtchad Presse : Présentez-vous aux lecteurs de Ialtchad Magazine
Manga Jean Bosco : Je suis Manga Jean Bosco, natif de Guidma un petit village dans le canton Tikem, Sous-préfecture de Fianga, actuel Département de Mont Illi. Je suis d’ethnie Toupouri.

Ialtchad Presse : « Le réquisitoire des parias » votre livre, vient de paraître. Dans quel contexte est né cet ouvrage ?
Manga Jean Bosco : Étant issu d’un couple qui n’a jamais vécu, mon expérience personnelle a été moins douloureuse, parce que j’ai eu le privilège, d’avoir eu des grands-parents maternels formidables qui m’ont élevé et donné une éducation digne de ce nom. Ils m’ont redonné très vite confiance en moi-même et ont supplée valablement mes géniteurs. Il en serait autrement si ce domicile et cette famille de refuge ne nous avaient pas créée ces meilleures conditions d’épanouissement et de sécurité, ma petite sœur et moi. Ce phénomène des conséquences du divorce sur les enfants est un véritable drame, une véritable braise que couve notre société mais on semble le banaliser. Il faut attirer l’attention de la collectivité sur ce problème. On constate qu’il y a beaucoup de non-dits entre les enfants issus des couples divorcés et leurs géniteurs, d’une part et ces couples divorcés utilisent souvent leurs enfants comme « tirailleurs » mercenaires afin de se régler les comptes. L’enfant, être fragile et innocent, est manipulé selon les humeurs des adultes. Et son éducation dans tout ça !  C’est dans ce contexte trouble où l’enfant demeure la grande victime, le bouc émissaire, le dindon de la farce que j’ai lancé le débat dans ce livre intitulé « Le réquisitoire des parias ».

Ialtchad Presse : Pourquoi ce titre ?
Manga Jean Bosco : C’est un titre évocateur. La lecture synoptique de l’ouvrage fait état de sévères remontrances que celles ou ceux qui s’estiment être mis en marge de la société font à leur alter égo. Ce sont les reproches que je nomme « réquisitoire » et j’appelle parias les supposés marginalisés de la société. Dans cet ouvrage, vous retrouverez des femmes qui ne sont pas tendres avec les hommes. Elles ont une conception négationniste du mariage. Il y a également les hommes qui ne sont pas du reste et tirent à boulet rouge sur les femmes. Le conflit de génération occupe une bonne place dans le livre à travers plusieurs personnages.

Ialtchad Presse : Quand on lit attentivement le livre, il en ressort une autobiographie. Pensez-vous régler son compte à votre géniteur ?
Manga Jean Bosco :
Le livre est une œuvre de fiction. J’ai certes puisé mon inspiration à partir de ma propre vie, mais le parcours atypique de mon personnage principal que j’ai nommé Kolyang ne ressemble aucunement au mien ; moins encore celui de sa sœur Maïssankraï à la mienne. Je ne règle pas de compte avec mes géniteurs. Ils sont irremplaçables pour moi. Cependant, je veux établir un contact entre nous et tourner la page du passé.

Ialtchad Presse : Que peut-on retenir globalement de votre œuvre ?
Manga Jean Bosco : Le thème principal du livre c’est l’impact du divorce sur les enfants. Dans un ménage, l’amour est la pièce maîtresse et le reste n’est que des ingrédients. Quand l’amour s’évapore, le mariage ne devient plus qu’une association ou une société d’intérêts économiques. On passe ainsi de l’amour  à la haine, le mariage devient mirage.

Dingamnaïel Kaldé Lwanga

Enseignant, écrivain et metteur en scène, le jeune Ouaga-Ballé DANAÏ à bien voulu nous conter son propre itinéraire d'écrivain et sa passion pour ce métier. Il confie également à ialtchad, ses réflexions sur la littérature tchadienne et ses projets d'écriture. Les deux œuvres déjà éditées par Ouaga-Ballé DANAÏ en font de lui l'un des auteurs espoirs de la jeune littérature tchadienne.

Ialtchad Presse : Bonjour, qui êtes-vous, Monsieur Ouaga-Ballé DANAÏ ? Vous semblez ne pas être connu du  grand public tchadien. Pouvez-vous nous en dire plus sur vous ?
Ouaga-Ballé Danaï : Bonjour Hamid Kodi ! Il est vrai que je ne suis pas connu du grand public tchadien, mais je pense qu'il va me découvrir au fil des productions d'autant plus que certains journaux ont publié et publient des article sur mon travail et que je collabore de temps en temps avec le journal Carrefour dans la rubrique « Note de lecture ». Les raisons en sont simples : je suis parti de N’Djamena depuis 1985 et mon dernier voyage au pays remonte à 1990. J'estime aussi que je ne suis qu'au début de ma carrière d'écrivain et que le grand public pourra me découvrir le moment venu.
   Ceci étant, je suis né le 1er décembre 1963 à Sarh. Après le primaire dans la même ville, j'ai fait mes études secondaires au Lycée Félix Éboué, puis au CEG de Kyabé, au Lycée Ahmed Mangué avant de revenir au Lycée Félix Éboué où j'ai obtenu mon Bac A4 en 1984. Mon rêve était de faire des études supérieures de Journalisme ou de droit. Finalement, je me suis inscrit en Lettres Modernes à L'Université d'Abidjan où j'ai soutenu une thèse de 3ème Cycle en Littérature comparée. N'étant pas boursier, j'ai commencé dès la licence à enseigner dans des établissements en Côte d'Ivoire afin de payer mes études. Depuis 1998, j'enseigne au Lycée Eugène Marcel Amogho de Franceville (Gabon). En plus de l'écriture, je fais de la mise en scène. Cette année par exemple, nous avons remporté le prix du meilleur spectacle au Festival de Théâtre  Scolaire de Libreville 2002. Voici brièvement présentée ma personne. Les internautes qui voudraient en savoir plus peuvent visiter mon site : http://site.voila.fr/doballe

Ialtchad Presse : Comment conciliez-vous votre carrière professionnelle et l'écriture ?
Ouaga-Ballé Danaï :
Il faut dire qu'il n'est pas facile de concilier les deux, surtout en Afrique et quand on est enseignant. La dégradation des conditions de travail, les effectifs pléthoriques des classes sont des freins réels à la pratique de l'écriture. Il faut donc s'imposer une discipline de fer, gérer rigoureusement son temps. C'est ce que j'essaie de faire. Entre les copies, les préparations, les répétitions théâtrales, je dois écrire tous les jours, même une ligne. Ce qui ne vous laisse pas beaucoup de temps à consacrer aux amis. À partir du moment où l'on a décidé de faire de l'écriture un métier, il faut s'y consacrer entièrement. Hélas, on est obligé d'avoir un autre métier pour pouvoir vivre. L'écriture relève en définitive de la passion, du sacerdoce.

Ialtchad Presse : À quand remonte la révélation de votre penchant pour l'écriture ? Dites-nous comment vous est venue l'idée d'écrire pour la première fois ?

Ouaga-Ballé Danaï : Nous sommes tous des parturientes potentielles. Il suffit d'un déclic. L'écriture, on la porte en soi comme une grossesse parce qu'on a des choses à dire, des histoires à raconter. Je me rappelle, mes rédactions au collège prenaient des allures de fiction. Et quand on est dans une société pourrie, engluée dans les injustices, la corruption et autres maux, la révélation ne peut qu'être fulgurante, je dirai même foudroyante. J'avais emmagasiné tellement de choses pendant la guerre civile, peut-être inconsciemment, qu'une fois à Abidjan, dans mes moments de déréliction, j'ai laissé exploser ma révolte dans «La malédiction» en 88-89. L'écriture fut pour moi un exutoire pour résoudre toutes les contradictions que je portais en moi, disons une sorte de thérapie.

Ialtchad Presse : Parlez-nous en quelques mots de votre itinéraire d'écrivain ?

Ouaga-Ballé Danaï : Mon itinéraire d'écrivain est des plus banals. Lorsque j'avais écrit « La malédiction » (un roman au départ que j'ai repris en pièce de théâtre), c'était d'abord pour me libérer de toutes ces pesanteurs. Le fait de l'avoir dédiée au peuple tchadien et à mon père, victime de la guerre civile, n'est pas gratuit. Après avoir proposé sans succès en 1989 mon manuscrit au concours théâtral RFI, je l'ai gardé dans mon tiroir.
   En 1995, je l'ai proposé à mes étudiants de la troupe de l'Université de Bouaké que j'encadrais. Ils étaient en quête d'un texte. Poussés par le sentiment d'avoir été mal jugés lors de la 12ème édition du Festival de Théâtre Universitaire et Scolaire de Côte d'Ivoire (2ème au classement et prix de la meilleure actrice), mes acteurs m'ont demandé de leur écrire un autre texte, « L'enfant de Frica », qui leur permettra d'être lauréats à la 13ème édition avec le prix de la meilleure mise en scène en supplément. Ils m'ont par ailleurs encouragé, comme de nombreux spectateurs, à envoyer mes textes aux éditeurs. C'est ainsi que « La malédiction » a été retenue par L'Harmattan. « L'enfant de Frica » avait intéressé Les éditions Panthéon. Malheureusement, ce projet n'a pas abouti. Depuis lors, je n'ai cessé d'écrire. J'ai décidé de faire de l'écriture «un métier».

Ialtchad Presse : Quels sont les auteurs africains qui vous inspirent?
Ouaga-Ballé Danaï :
Je dirai plutôt des auteurs africains qui m'ont marqué par leur écriture. De par ma formation, j'ai beaucoup lu et ma profession m'amène à travailler des extraits d'auteurs de tout horizon. Je ne peux rester insensible à tout ce qui est beau. Je m'extasie donc devant un beau texte, face à l'originalité d'une œuvre. Je peux citer entre autres Sony Labou Tamsi, Ahmadou Kourouma, Boubacar Boris Diop, Aminata Sow Fall, Henri Lopés, Baba Moustapha, Koulsy Lamko, Aimé Césaire, Massa Makan Diabaté et que sais-je encore. Cette liste ne peut être close car ce qui m'intéresse, c'est d'abord la qualité de l'écriture.

Ialtchad Presse : - Pour quel public écrivez-vous de préférence ?
Ouaga-Ballé Danaï -
A priori, je n'ai pas de public cible. Lorsque j'écris, j'ai deux préoccupations : d'une part, l’universalité des thèmes abordés même si mes histoires sont inspirées de faits propres à un espace géographique donné ; d'autre part, le souci de la créativité, de l'originalité de mon écriture. Pour moi, tout homme doit pouvoir s'interroger après lecture de mes ouvres, se reconnaître dans les histoires que je raconte. Je n'écris pas uniquement pour le public tchadien ou africain. Cependant, cela ne m'empêche pas de puiser dans ma culture, d'être enraciné dans celle-ci.

Ialtchad Presse : Comment est née « La malédiction » ?

Ouaga-Ballé Danaï : Comme je vous l'ai déjà dit, « La malédiction » est née d'un sentiment de ras-le-bol. C'est l'expression de ma révolte. J'y ai mis toute ma rancœur, ma fougue et ma rage. J'avais envie de crier ma révolte, je l'ai fait et cela m'a vraiment libéré.

Ialtchad Presse : Qu'est-ce que vous voudriez qu'on retienne de la lecture de votre roman « Mon amour l'autre » ?
Ouaga-Ballé Danaï :
Question délicate car je préfère le plus souvent laisser la liberté au lecteur de faire sa propre analyse. Pour le même livre, il y a autant d'œuvres qu'il y a de lecteurs. Chacun l'interprète selon sa culture, ses compétences.
Néanmoins, je vais essayer de répondre à votre question. Dans « Mon amour l'autre », j'aborde plusieurs thèmes. Qu'est-ce que l'amour ? Pourquoi y a-t-il tant de haine dans notre société ? Quel regard ai-je sur autrui ? Le lecteur trouvera peut-être dans les histoires que je raconte, des réponses à ces interrogations. Mais attention, qu'il ne se laisse pas abuser par le titre.

Ialtchad Presse : Vous comptez déjà deux œuvres éditées, comment jugez-vous l'évolution de cette écriture ?

Ouaga-Ballé Danaï : Je trouve qu'il est prématuré d'en parler. En plus, j'estime que c'est aux critiques de la juger. Laissons-leur le temps de s'imprégner de cette littérature. Toutefois, je peux dire que de « La malédiction » à « Mon amour l'autre », je passe de la révolte à un peu plus de sérénité, tout en gardant un regard critique sur la société.

Ialtchad Presse : Laquelle de vos œuvres considérez-vous comme majeure ?

Ouaga-Ballé Danaï : Pour moi, chacune de mes ouvres a son histoire, ses particularités. Elles sont toutes majeures pour le créateur que je suis, avec leurs qualités et leurs faiblesses. On ne peut demander à une mère de choisir parmi ses fils ! Encore une fois, c'est aux critiques et aux lecteurs de faire leur analyse.

Ialtchad Presse : En général, lorsqu'on parle de littérature africaine, on parle plus souvent de l'engagement. Avez-vous l'impression de vous situer dans un courant particulier ?

Ouaga-Ballé Danaï : Pas un courant particulier. De toute façon, ces classifications sont subjectives. En revanche, mon engagement s'exprime dans mes œuvres. Pouvait-il en être autrement dans une société aussi gangrenée que la nôtre ? Comme le dit Césaire, l'écrivain est la voix des sans voix. Je dirai à ceux qui pensent que la littérature n'est que chimère et futilité dans un monde aliéné à l'avoir que la littérature est une arme redoutable. Mais n'oublions pas que ce qui fait la littérarité d'un texte, c'est d'abord la créativité. La dimension esthétique est fondamentale. Ce n'est pas en clamant haut son engagement qu'on acquiert le statut d'écrivain, c'est en créant.

Ialtchad Presse : Peut-on dire qu'il existe une littérature tchadienne ? Quels en sont le parcours historique et les grandes étapes ?
Ouaga-Ballé Danaï :
Bien sûr qu'elle existe, la littérature tchadienne ! On peut y voir trois grandes étapes :
- La période de collecte ou de réécriture des textes de l'oralité (contes, légendes) avec Brahim Seid, Antoine Bangui.
- La période des concours littéraires organisés par RFI (Théâtre et nouvelle) avec Baba Moustapha, Maïndoé Naïndouba, Djékéry Nétonon
- La nouvelle génération avec Djékéry, Koulsy, Haggar, Nimrod, moi-même.
Mon avis est que cette littérature est encore jeune en dépit de nos 42 ans d'indépendance et qu'il est encore trop tôt de parler de périodes. Ces écrivains travaillent de manière isolée. Il faut attendre et voir autour de quoi vont se cristalliser tous ces écrits. Il y a beaucoup de remous en ce moment dans le milieu culturel. Nous espérons que tout cela explosera en de belles créations. Vous remarquerez aussi que la plupart des auteurs sont hors du Tchad. Cependant, le mouvement commence à se faire sentir de l'intérieur et c'est un bon signe. C'est le lieu d'attirer l'attention des pouvoirs publics à encourager ces auteurs en aidant à la diffusion de ces œuvres. On pourrait les inscrire au programme scolaire et universitaire. C'est aussi l'une des raisons si le public tchadien ne connaît pas ses écrivains.

Ialtchad Presse : Quels sont les grands problèmes de notre littérature moderne, avez-vous des solutions à suggérer ?

Ouaga-Ballé Danaï : Il serait prétentieux de ma part de parler des grands problèmes de la littérature moderne, qui plus est, de suggérer des solutions. Je dirai simplement que la littérature est un regard sur la société. Elle évolue en fonctions des mutations de celle-ci. L'écrivain ne propose pas de solution, il bouscule la conscience du lecteur, l'amène à s'interroger sur la condition humaine, la destinée.

Ialtchad Presse : S'il vous était demandé aujourd'hui d'écrire un roman sur le Tchad, quel thème vous inspirerait ?

Ouaga-Ballé Danaï : Le thème de la guerre est récurrent dans notre littérature. Je l'ai déjà abordé dans mes deux ouvres, sous des angles différents. Ce qui m'intéresse, c'est de donner une vision universelle des thèmes et non de les confiner à l'espace Tchad. Une anecdote !
J'avais proposé à l'UNICEF Tchad un manuscrit jeunesse pour une aide à l'édition. Cela entrait dans le cadre d'un sponsor comme on le fait en musique. C'était aussi une manière de vendre l'image de la représentation de N’Djamena. Malgré la qualité du texte, on m'a reproché de n'avoir pas parlé du Tchad. J'en suis resté sidéré. Pensez-vous que le fait de n'avoir pas écrit le mot « Allaro » par exemple, ou d'avoir désigné mon espace par un autre nom que N’Djamena change réellement la gravité du phénomène que je veux critiquer ? Quelle place accordons-nous à l'imaginaire alors ? Évitons de tomber dans le journalisme qui a ses propres règles.

Ialtchad Presse : Quels sont vos projets d'écriture ? Avez-vous des projets d'articles et des livres en voie de finition ?
Ouaga-Ballé Danaï :
J'ai un roman jeunesse et une pièce de théâtre en lecture chez des éditeurs. Je suis en train de finir un recueil de poèmes. Parallèlement, je travaille sur un roman adulte et un roman jeunesse. Mon grand projet est d'écrire un livre sur la littérature tchadienne. Je suis  encore dans la phase de collecte d'informations. Je prie donc tout lecteur qui a des informations sur un livre écrit par un Tchadien de me les communiquer. Par ailleurs, j'invite tout chercheur intéressé par ce projet de me contacter.
Dernière nouvelle, je suis invité en novembre à présenter mon dernier livre au Fest'Africa de Lille (Festival organisé par notre compatriote Nocky Djedanoum). Ce sera l'occasion de me faire connaître un peu plus.

Ialtchad Presse : Auriez-vous un message à adresser à vos lecteurs et aux ialtchad ?

Ouaga-Ballé Danaï : Si les pays développés, malgré leur avance technologique, continuent de financer la culture, c'est parce qu'ils ont compris qu'un peuple sans culture est un peuple sans âme ; que la culture est au centre de tout développement. Ce message s'adresse à tous, politiques, intellectuels, hommes du peuple. Notre littérature est si balbutiante qu'il faut encourager les écrivains en divulguant leurs œuvres. Acheter un livre, c'est participer à la naissance d'une autre œuvre, c'est être fier de son pays et de sa culture.
Le second message est en faveur de l'unité au-delà de nos divergences. Et je crois que le nom que vous avez choisi, « Ialtchad », est un signe palpable du souci de tous les Tchadiens de s'unir et de participer au développement de leur pays. Je suis ouvert à toutes collaborations, à toutes correspondances. Je vous remercie de m'avoir donné cette opportunité et vous encourage dans votre initiative.
Ialtchad Presse : Merci à vous              

Propos recueillis par Hamid Kodi Moussa

Abakar Adam Abaye, dit « l’enfant noir » conteur de son état avec des contes « Titimé-Titimé »  savoureux, envoûtant qui font rêver et voyager était l’invité du Festival interculturel du conte du Québec (Canada) qui a eu lieu du 26 septembre 2003 au 30 octobre de la même année. Notre compatriote s’est produit aux Iles-de- la Madeleine, à Trois-Pistoles, à Montréal et à Sherbrooke. Il est l'invité du mois de Ialtchad Presse. Il s'est ialtchadement (chaleureusement) prêté à un entretien à bâton rompu, durant lequel, nous avons abordé plusieurs questions. Notamment, celles liées à sa carrière d'artiste, à la place et au rôle de l'artiste dans la société tchadienne, à ses projets, aux difficultés du métier etc. Bref, il est  attachant, stupéfiant, captivant, brillant et rafraîchissant. Découvrez-le dans cette entrevue à cœur ouvert.

Ialtchad Presse : Pour commencer, parlez-nous un peu de vous et comment vous avez entrepris ce que vous faites ?
Abakar Adam Abaye : Je suis simplement Abakar Adam Abaye, on m’appelle ‘l’enfant noir’, c’est mon nom d’artiste. J’ai commencé tout petit les contes, les légendes parce que ma mère est sage-femme et celle-ci dans la tradition raconte des histoires pour aider la femme qui accouche à apaiser sa douleur.

Plus tard, lorsque l’enfant commence à parler, on le fait venir devant la sage-femme de nouveau. Durant l’enfance, elle lui raconte alors la première histoire de sa vie. Puis, à l’âge de sept ans, on le fait revenir encore devant la sage-femme qui lui répète encore cette même histoire. Ce qui fait que, le récit reste dans sa mémoire. C’est donc de cette façon que l’on m’a raconté des contes, cela est demeuré dans ma mémoire, j’ai grandi avec et maintenant je raconte des histoires traditionnelles, des histoires léguées par les grands-parents. De plus, je crée moi-même des histoires et je les raconte. À part cela, je fais du théâtre, de la mise en scène à d’autres troupes ou à ma troupe. Et puis voilà, je mélange un peu le tout. Je suis artiste polyvalent, je me promène.

Ialtchad Presse : Peut-on savoir le thème central de vos œuvres ?
Abakar Adam Abaye : Il y a toutes sortes d’œuvre, il n’y a pas de thème sauf si par exemple je me produis dans une bibliothèque, dans un centre culturel ou dans un festival de conte donné. Si le public réclame que l’on aborde des contes sur des thèmes précis comme sur  la sorcellerie, des thèmes pour donner des directives à un enfant, des thèmes de contes philosophiques pour les adultes; en fait, ce sont les gens qui nous demandent et on en a de tous les goûts. On peut comparer cela à une bibliothèque où on trouve toutes sortes de livres sur la science, sur la philosophie, sur la littérature etc. Un conteur est un peu comme cela, c’est une bibliothèque qui se promène et qui a plusieurs histoires dans ses tiroirs, et celles qu’on réclame, il les fait sortir.

Ialtchad Presse : Vous représentez le Tchad au Festival de Contes 2003 au Québec (Canada). Qu’est ce qui a motivé le choix porté sur vous ?
Abakar Adam Abaye : En France, j’ai participé à une journée professionnelle des conteurs organisée par le « Festival Parole Divers » à Dino en décembre passé; là, il y avait environ 300 programmateurs qui ont vu dix-sept conteurs se produire. Chaque conteur disposait de 15 minutes pour s’exprimer, ce qui fut mon cas. Ainsi, des programmateurs du Québec, précisément de la 2 ème édition du Festival de Contes en îles des îles de la Madeleine, de Sherbrooke, de Montréal, m’ont remarqué et ont trouvé que mon travail était intéressant et que cela valait le coup de venir participer ici à leur Festival de Contes. Et, me voilà ici au Québec.

Ialtchad Presse : Quels étaient les moments forts de cette semaine de contes ?
Abakar Adam Abaye : Je peux dire que tous les moments ont été forts. Ce sont des moments où on raconte et on rencontre. Après le spectacle, on rencontre le public pour discuter, parler de ce que l’on fait etc. Lorsque tu arrives à le toucher (le public), c’est là, le moment fort, car on vient raconter pour provoquer un peu la discussion. Bref, si les gens sont touchés, ils viennent directement vers vous. Un festival est en soi un moment fort.

Ialtchad Presse : Vous est-il arrivé de travailler en collaboration avec d’autres conteurs ou conteuses, si oui, comment cela s’est-il  produit ?
Abakar Adam Abaye : Oui, j’ai eu à me produire avec beaucoup d’autres conteurs et conteuses. Par exemple lorsqu’on vient dans un festival établi, comme celui-ci (Festival interculturel du conte du Québec) le programme est établi d’avance. Donc, c'est dans ce cadre que les conteurs se retrouvent 10 à 15 minutes avant le spectacle pour mieux coordonner et lier leurs contes afin que chaque histoire soit rattacher à une autre. Cela, pour éviter que les histoires ne s’éparpillent comme des grains de mil sur le sol. Ainsi, on harmonise nos histoires afin de ne pas faire une « soirée compétitive » pour le plaisir du public.

Ialtchad Presse : Quels conseils donneriez-vous aux ialtchad qui voudraient suivre votre exemple ?
Abakar Adam Abaye : C’est simplement d’aimer ce que l’on fait, car pour être artiste, il faut aimer ce que l’on fait d’abord, cela tout le monde le sait. C’est le cas pour n’importe quel autre métier. Mais pour l’art, c’est tout autre chose. Il faut vraiment aimer être artiste, supporter toutes les difficultés du métier etc. Le reste, c’est le travail. Et, lorsque le travail est bien rodé, je pense que l’on peut voyager n’importe où.

Ialtchad Presse : Pouvez-vous nous parler de vos activités actuelles et de vos projets à venir ?
Abakar Adam Abaye : Actuellement, je suis en tournée pour six mois en Suisse, en France et au Canada. Lorsque je terminerai cette tournée, j’irai au Tchad en janvier 2004 pour faire la première « Nuit de la Parole ». Vous vous rendez compte, ça sera la première nuit que j’organiserai avec un conteur burkinabé et un conteur nigérien. Comme autre projet, j’ai en tête d’organiser un Festival de Contes dénommé « Titimé-Titimé ». Ce sera un festival international de contes qui aura lieu en octobre 2004. Beaucoup de conteurs de divers pays seront invités: des  français, des suisses, des canadiens, des camerounais, des maliens, des nigériens. C’est une grande édition et une première. Tous ces gens vont se retrouver au Tchad pour raconter des contes du pays et d’ailleurs pour le public tchadien afin qu’il comprenne que le conte est non-seulement quelque chose qui nous parle mais aussi quelque chose d’utile qui fait passer des messages.

Ialtchad Presse : Quelle est la place des conteurs et conteuses au Tchad ?
Abakar Adam Abaye : Je pense que c’est comme toute autre activité qui a sa place. Prenons l’exemple de la ville de N’djamena et un enfant de 12 à 15 ans. Demandons-lui de nous raconter une histoire. Il vous répondra qu’il ne sait pas, qu’il a oublié. Heureusement qu’il y a des individus comme nous qui acceptons de raconter des histoires toute notre vie et qui permettent à des enfants de connaître l’histoire de leurs ancêtres; comment ces derniers ont vécu? Comment il ont existé?. Il faut savoir que dans le conte lorsque l’on écoute les histoires, on voit qu’elles nous représentent directement. D’où on vient? Où l’on va? Qu’est ce que l’on doit faire pour être utile aux autres hommes? C’était le conteur qui devait enseigner tout cela à l’enfant pour lui pointer une direction, lui donner des repères. Et, cela est aussi valable pour les adultes. Donc, le conte est quelque chose qui regarde tout le monde. Le conteur est un maître de la Parole.

Ialtchad Presse : Quelles sont vos impressions par rapport aux Québécois et aux Canadiens ?
Abakar Adam Abaye : Je trouve que les gens sont sympathiques. Que ce soit aux îles de la Madeleine, à Montréal, à Trois-Pistole, ils vous écoutent, veulent discuter avec vous, ils désirent vous connaître, connaître l’Afrique. C’est bien, c’est encourageant. On note une nette différence entre les gens d’ici et ceux de la France. Cette France qui nous a colonisé, celle dont on continue à parler la langue; en France c’est différent. Ici les gens sont beaucoup plus dynamiques, plus accueillants, plus chaleureux.

En France les gens sont plus méfiants. Méfiance qui s'est transformé en peur contre les Noirs, contre l’Arabe et c’est dommage!

Ialtchad Presse : Y a-t-il des organisations ou des organismes qui vous soutiennent ?
Abakar Adam Abaye : Non! Je ne suis soutenue par aucun organisme ni organisation. J’écris mes contes, je participe à différents festivals, je raconte mes contes et terminé point. Par contre, il y a des contes qui parlent des causes, telle l’utilité des arbres, la lutte contre la désertification, les contes par leurs simplicités et leurs messages touchent tout le monde.

Ialtchad Presse : Avez-vous besoin de soutien particulier?
Abakar Adam Abaye : Soutien… (rire) ... soutien tout le monde en a besoin. Écoutez, le fleuve ne dira jamais non si on lui rajoute de l’eau. Donc, J’ai besoin de soutiens. Comme je vous l’ai mentionné précédemment, je suis en train d’organiser un Festival de Contes en octobre 2004 au Tchad qui aura lieu à N’Djaména et dans la région N’gouri mon village au Lac Tchad. 

Donc ce festival aura besoin de soutien. Où faudra-t-il loger tous ces participants ? Comment se fera le déplacement ? Comment les nourrir ? Comment faire les affiches ? Les publicités à la Télévision, à la radio, dans les journaux. Tout cela nécessite beaucoup de moyens. S’il y a des soutiens disponibles, ils sont les bienvenus. Je suis ouvert à cela. J’attends. Aujourd’hui les gens ne comprennent pas mais plus tard ce sera quelque chose pour tout le monde. On fait de petites choses qui appartiendront à tout le monde dans le futur parce que les contes sont populaires.

Ialtchad Presse : Pourquoi avez-vous choisi de résider au Burkina ?
Abakar Adam Abaye : Je réside au Burkina depuis cinq ans mais souvent je pars au Tchad. Je répète encore que je suis en train de monter la « première Nuit de la Parole » et je continue une tournée qui va commencer à partir du mois de mars en Guadeloupe et en France. Après, je retourne au Tchad préparer le Festival qui va commencer en octobre 2004. Voilà pour ce qui est de mon agenda. Je me suis installé au Burkina parce que c’est un peu la capitale culturelle de l’Afrique. Il se passe beaucoup de chose au niveau culturel. Il y a des festivals du cinéma, de théâtres, de contes, de masques, de peintures, d’archers, d’artisanats etc. Il y a tous les festivals au Burkina et c’est un paradis pour un artiste de venir et de trouver un endroit  où la moitié de la population est artiste et ça travail tout le temps. Si tu es artiste, tu rentres dans la danse et tu travailles. Voilà l'une des raisons.  Une autre raison, la plus importante, c’est parce que tu rencontres beaucoup de gens et tu joues plusieurs fois. Quand on joue plusieurs fois on grandit en âge mais on grandit aussi de façon professionnelle. On  fait des rencontres et cela permet de voyager encore plus longtemps. C’est pour toutes ces raisons que je réside au Burkina.

Ialtchad Presse : Que vous dit ialtchad ?
Abakar Adam Abaye: (...sourire...) Ialtchad c’est touchant, c’est personnel. Si on dit ialtchad on parle du Tchad, c’est profond, c’est symbolique, c’est fort, c’est quelque chose qui va nous chercher au fort intérieur de nous-même. Tu passes dans la rue, tu entends dire ialtchad, tu t’arrêteras pour savoir qui est-ce qui est entrain de dire cela. C’est une partie de nous, c’est l’ancêtre qui parle. C’est le souffle des ancêtres.

Ialtchad Presse : Le mot de la fin ?
Abakar Adam Abaye : Je pense que quelque soit ce qu’on fait dans la vie, il y a toujours quelqu’un qui dit quelque chose à propos de ce qu’on fait. Donc, je dis à tous les ialtchad : « faites ce que vous avez envie de faire dans la vie ». Vous avez envie de faire de la musique faite-la, de la chorégraphie, de la littérature, bref tout ce dont vous avez envie. La culture c’est l’âme d’un peuple. C’est la matrice du développement. On connaît un peuple qu’à travers sa culture. Tous les étudiants qui sont partis étudier à l'étranger ont constaté par exemple qu’on organise certaines fêtes pour que chacun puisse montrer la danse de son pays ou raconter une histoire de son pays, exhiber quelque chose de culturel de son pays ou même apporter un repas de son pays. Donc tout est basé sur la culture. Si on ne nous connaît pas partout aujourd’hui, c’est parce que nos artistes n’ont pas pris la parole. Donnons à ces derniers la parole, soutenons-les, parce que sans l’art on va toujours rester dans le noir, dans un grand trou noir, un creux noir. Et, c’est l’artiste qui fait que les gens savent parler de votre pays. Par exemple lorsqu’on parle de la Côte d’ivoire, on identifie tout de suite ce pays à Alpha Blondy, quand c’est le Sénégal c’est Youssouf N’Dour, le Mali c’est automatiquement Salif Keita, Oumou Sangaré. Mais faudrait que ça soit aussi pour nous comme cela. Parce que chez nous quand on est artiste, on prend une guitare et on chante, on dit voilà, il est devenu ceci ou cela. C’est fini ce moment-là. C’est fini, nous nos oreilles ne veulent plus entendre cela. Personnellement  mes oreilles ne vont plus entendre ceci. Je fais tout ce que j’ai envie de faire dans l’art. Je l’ai choisi. Je le fais pour moi et pour mon pays. Et croyez-moi, je vais le faire jusqu'à mon dernier souffle.

Ialtchad Presse : Merci beaucoup
Abakar Adam Abaye : Merci

Interview réalisée par Brahim Wardougou 

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