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Sanko Star fait partie de la nouvelle génération de la musique tchadienne qui apporte, par sa singularité, un souffle de modernité aux rythmes traditionnels. Son style s'inspire du patrimoine musical issu des différentes régions du pays : le gourna, le sai, le bazaga, le dara, le mbilet, le wolélé et bien d'autres rythmes encore. Ialtchad Presse a rencontré Adoum Mahamat Seid, chef d'orchestre de ce groupe prometteur, qui nous parle chaleureusement de son Groupe.

Ialtchad Presse : Bonjour Mr Adoum Mahamat Seid, vous êtes chef de l’orchestre Sanko Star, pouvez-vous nous présenter votre orchestre ?
Sanko Star : Au nom de l’orchestre Sanko Star, permettez-moi de vous remercier de m’avoir donné cette opportunité afin d’afficher et de présenter mon orchestre dans Ialtchad Presse, le premier Journal on line Tchadien. L’orchestre Sanko Star est créé exactement le 10 Juillet 1998 à N’Djamena. Il est donc le finit de certains jeunes Tchadien jaloux de leur identité musicale et qui ont envie de faire valoriser la musique à l’identité tchadienne et l’élevée à l’échelle national qu’international.

Ialtchad Presse : Quel genre de musique faites-vous ?
Sanko Star : Nous exploitons généralement les folklores tchadiens tels que : le Bazaga, le Sai, le Mbilet, le Gourna, le Ganga Ouaddaï, le Dara et le style de notre grand chanteur Moussa chauffeur la musique étant universelle, nous faisons aussi les styles étrangers tels que Zouk-Salsa-Reggae et autres.

Ialtchad Presse : Ça fait près de 6 ans que l’orchestre existe, pensez-vous avoir atteint ce que vous vous êtes assigné au départ ?
Sanko Star : Nous pensons que nous sommes arrivés presque à nos objectifs parce que nous avons déjà en main notre prémaquette et un CD en compilation avec quatre autres orchestres de la capitale réalisée et multipliée en France par le biais du CCF (Centre Culturel Français). Dans cette compilation promotionnelle nous avons deux titres à savoir Loh Tohon (Sai) et Voisin fâché (Gourna).

Ialtchad Presse : D’aucuns disent qu’il n’y a pas un genre musical typiquement Tchadien, quel est votre opinion ?
Sanko Star : Je suis de l’avis de ceux-là qui disent qu’il n’y a pas encore un rythme typiquement Tchadien. Toutefois il faudrait que les mélomanes Tchadiens sachent que le musicien Tchadien a été dompté dès le départ par deux styles étrangers différents qui sont le congolais et le soudanais. Aujourd’hui Sanko Star, cherche à être le phare de la musique Tchadienne en enlevant cette influence rythmique étrangère. Si on écoute bien les différents rythmes cités plus haut, il y a une certaine similitude dans la danse, exemple: Le Gourna, le Dara et le Ganga Ouaddaï peuvent se danser de la même façon. Le Mbilet, Le Sai, et le Bazaga aussi. Nous demandons donc au publics, les médias publics et privés d’écouter et de faire écouter consommer beaucoup plus ces différents styles afin d’en prendre goût car on dit l’appétit vient en mangeant.

Ialtchad Presse : La culture en générale n’a jamais été l’objet d’une attention particulière de nos gouvernants que pensez-vous de cette indifférence ?
Sanko Star : Par rapport à cette question si nous racontons un peu le temps dans les années 1960, il faut reconnaître quand même que les gouvernants d’antan avaient une certaine attention envers les musiciens tchadiens. Je cite l’exemple de l’orchestre Chari-jazz qui existe de nos jours encore a été envoyé au zaïre pour une formation musicale, malheureusement les musiciens étaient rentrée avec le style Zaïrois gravé en feeling qu’ils n’arrivent plus à s’en débarrasser et ceci est en train de se passer de génération en génération. Je pense que si aujourd’hui un orchestre qui arrive à présenter des œuvres musicales à l’identité Tchadienne puisées dans le terroir du pays et qui méritent d’être présentées à l’échelon international, qu’il le veut ou pas ces gouvernants ne seront pas indifférents.

Ialtchad Presse : Revenons à Sanko Star à quand la sortie de votre prochain Album ?
Sanko Star : La sortie de notre Album est pour bientôt s’il plait à Dieu étant donné que nous sommes déjà en possession de la prémaquette dont nous avons déjà parlée plus haut.

Ialtchad Presse : Quels sont vos projets à court terme ?
Sanko Star : Notre projet immédiat c’est d’abord la sortie de l’album et s’occuper de sa promotion. Par ailleurs nous comptons faire quelques tournées dans le pays.

Ialtchad Presse : Avez-vous un message à passer à vos fans et aux autres ialtchad qui vont bientôt vous lire ?
Sanko Star : Par Ialtchad Presse Sanko Star salue tous ces jeunes tchadiens comme étrangers. Il leur souhaite santé, réussite et prospérité dans leur vie active et leur demande de garder leur soutien et encouragement dans le même diapason afin d’élever plus haut l’identité musicale tchadienne. Et surtout de continuer à consulter Ialtchad Presse qui est sans doute le promoteur sérieux des artistes tchadiens sur la toile mondiale qui semble devenir un outil indispensable en cette matière.

Ialtchad Presse : Pour finir…
Sanko Star : Notre coup de cœur va l’endroit de l’ialtchad Presse et de l’équipe dynamique qui est derrière, en leur souhaitant longue vie et abnégation dans cette initiative qui est la promotion des artistes tchadiens au-delà de nos frontières. Nous n’oublions pas également de remercier Mr Ali Adoum Slash, le CCF et tout son personnel qui nous ont aidés à réaliser notre prémaquette et la compilation promotionnelle.

Interview réalisée par Hamid Kodi Moussa

Beral Mbaïkoubou connu aussi sur le nom du provocateur d’art, est un artiste aveugle, un génie qui joue sa guitare et chante avec maestria. C'est un des grands espoirs de la musique Tchadienne dont la virtuosité artistique n'est pas un secret. Ialtchad Presse est allé à sa rencontre chez lui à Walia(N'djamena), il nous parle de lui, de son art, de son pays

Ialtchad Presse : - Bonjour Monsieur Beral Mbaïkoubou, si on veut vous connaître ?
Beral Mbaïkoubou : Je suis Beral Mbaïkoubou, artiste musicien satirique et solitaire, mon nom de guerre est le Provocateur d’Art.

Ialtchad Presse : - Comment êtes-vous arrivé dans la musique Mr Beral ?
Beral Mbaïkoubou : Dans la musique je suis arrivé de manière assez banale grâce à un oncle artiste guitariste en la personne de Todo Etienne, qui m’a déjà donné le goût quand j’étais enfant parce qu’il habitait avec nous. Malheureusement, il n’a jamais pu m’apprendre à jouer. A sept ans, j’étais entré au Centre des Ressources pour les Jeunes Aveugles en 1988. Là, j’étais d’abord initié au piano, mais cela ne m’a pas plu, parce que j’avais pris cela au début comme de l’amusement. Six ans plus tard, en 1994, il a été introduit dans le Centre des cours de guitare. 
C’est en ce moment que je m’étais investi, parce que j’en rêvais auparavant. Après avoir appris à jouer en 1994, j’ai interprété jusqu’en fin 1998 ou j’ai pu enfin avoir une guitare sèche propre à moi. Et, c’est à ce moment que je me suis mis à faire de la musique, j’ai commencé à écrire mes propres textes et à les chanter.  

Ialtchad Presse : - Quelles ont été vos inspirations Beral ?
Beral Mbaïkoubou : Au début j’étais entré dans la musique pour pouvoir être le plus romantique possible. Parce que pour moi la guitare va bien avec quelque chose de romantique, de doux. J’ai donc interprété Hervé Villard, et je m’étais dit tout d’un coup qu’il fallait plutôt s’occuper à traiter des vraies questions humaines. Pour le Style, je n’ai pas eu de guide. J’ai simplement décidé tout seul de faire de la musique satirique. Quant à la Rythmique, c’est simplement du à mes débuts d’interprète. Comme je l’ai déjà mentionné j’ai interprété Hervé Villard, d’autres chansons françaises comme celles de Georges Moustaki par exemple. Cela m’a donné un goût de la rythmique française en plus du grand amour que j’avais pour la langue française. Ainsi, je suis arrivé à me mettre dans le style classique français. Et c’est plus tard, il y a juste un an que j’aurai découvert Georges Brassens et j’ai compris que nos styles se frottaient.

Ialtchad Presse : - Vous parlez tantôt de provocateur d’art, que voulez-vous dire réellement par provocateur d’art ?
Beral Mbaïkoubou : Oui, provocateur d’art, il y a plusieurs explications. La première raison et la plus facile, c’est que je fais de la musique additionnée à la poésie. Nous nous convenons tous que la musique est un art brouillant, agité et tapagé. Par contre la poésie, elle est douce, elle fait rêver, etc. Mettre ensemble ces deux arts qui ont des caractéristiques opposés relèverait de part et d’autre à inciter une provocation. La seconde raison relève du lyrisme de la poésie. C’est à dire qu’on en use de la poésie pour des fins plus homériques mais moi j’en use pour de la pornographie critique et provocatrice. Et puis en dernier lieu, pour ceux qui n’aiment pas le vrai, c’est à dire la vérité, ceux qui n’aiment pas qu’on les dise clairement les choses, dénoncer ce qu’ils font revient à les provoquer. Alors j’ai compris que ce serait couper de l’herbes sous leurs pieds ou alors leur marcher sur leurs langues; se prononcer provocateur d’avance pour qu’ils n’aient rien à dire.

Ialtchad Presse : - En quoi peut-on dire que votre musique est engagée ?
Beral Mbaïkoubou : C’est une musique engagée parce que je m’obstine à dire tout haut ce que les gens pendant longtemps ne pensaient pas. Cela est témoin de l’engagement, si nous nous en tenons à Jean Paul Sartre. D’autre part je pense que c’est engagé parce que j’ai frustré les valeurs empiriques de l’art. C’est à dire à travers la musique on pourrait çà et là glaner de piécettes qui permettraient de faire vivre la carcasse humaine. Mais j’ai toujours négligé cette dimension pour saisir quelque chose de plus profond et de plus intérieur. Si vous écouter quelques-uns de mes textes, ce sont des pornographies sèches. Je pense que lorsqu’on fait de la musique avec une telle pornographie, une telle ouverture, étaler les mots tels qu’ils sont, de manières à ridiculiser le plus possible les inconscients, la honte de la société, je pense que c’est cela l’engagement. 

Ialtchad Presse : - À part la musique, faites-vous d’autres choses dans la vie ?
Beral Mbaïkoubou : Oui, je fais autre chose cela demeure toujours dans l’art. J’écris beaucoup. J’écris des textes de poésies, j’écris également quelques essais et de temps en temps des petites pièces de théâtre. Bref, j’écris beaucoup.

Ialtchad Presse : - Écrire et faire de la musique, n’est-ce pas faire la même chose? 
Beral Mbaïkoubou : Oui, pour bien chanter, il faut écrire son texte, et pour bien écrire il faut chanter le thème en tout temps dans sa tête, c’est comme l’âme et la conscience, l’une ne va pas sans l’autre. Moi je me retrouve extrêmement bien là-dedans. Je profiterai de cette question pour également remonter les bretelles à certains, qui, ici au pays justement, il y a des gens qui, lorsqu’ils veulent faire la musique abandonne l’école. Je pense que cela revient à prendre l’histoire à contre-fil. Parce que l’on ne pourrait pas faire un art véritable, lorsque l’on n’est pas intellectuel. Même si aujourd’hui on entend que  tel ou tel autre artiste n’a pas poursuivi très loin les études, et bien rendez-vous compte qu’il a abattu un travail plus important que l’école, parce que la culture autodidactique est plus lourde que la scolarisation. Donc, je pense qu’il n’y a pas d’art sans intellectualisme.

Ialtchad Presse : - Peut-on aujourd’hui parler d’une musique tchadienne à l’image du Makossa camerounais ou du Dombolo congolais ?
Beral Mbaïkoubou : J’ai toujours été contre ces idées de musique tchadienne, musique camerounaise etc. Il n’est de pays qui n’a pas de musique, parce que pour moi la musique tchadienne, c’est celle qui est faite par un Tchadien, quelle que soit la rythmique. Parce que ce sont les questions dont on traite qui font la musique. De ce fait, si nous traitons des questions tchadiennes dans une rythmique congolaise, camerounaise etc., ça reste tchadien parce que de toute façon tout le monde conviendrait avec moi que le Dombolo par exemple est une rythmique de composition Est Africaine ou encore des origines des Antilles, des Caraïbes etc., et à ce titre-là, il n’est d’aucun pays qui possède exactement une rythmique 100% de chez lui. De ce fait je dirais qu’il y a de la musique tchadienne. D’autre part s’il s’agit de la rythmique culturelle originale tchadienne, cela existe, et si les gens veulent en faire promotion tel que, même sans philosophie, l’on dise que, quelque part tel rythme est tchadien comme on dit aujourd’hui que le Makossa est camerounais, le Mapouka est ivoirien, etc. Eh! bien il faudrait que les artistes-promoteurs de cette rythmique se mettent ensemble et se soudent. Mais nous ne pourrons jamais créer une rythmique tchadienne, lorsque Maître Gazonga parlera de Daraba Léyine comme la danse de chez nous, et que, Anélie Châtelain parlerai par exemple de la balançoire, Saint Mbete BAO de rongondo, chacun va de son coté, dans cette mesure on ne pourrait jamais rien mettre en commun et ça resterai un éclatement continu.

Ialtchad Presse : - Aujourd’hui tout laisse croire que les artistes tchadiens rencontrent énormément des difficultés pour s’exporter. La preuve, on ne retrouve presque pas la musique tchadienne sur le marché international. Quels sont réellement les problèmes ?
Beral Mbaïkoubou : La toute première entrave c’est l’ignorance. C’est que partout ailleurs ce sont ceux qui ont les moyens qui investissent dans l’art. Mais aujourd’hui nos hommes affaires entendent par affaire l’achat d’une voiture et revenir la vendre. Ou bien la revente des chaussures, etc. On ne comprendra jamais que l’art constitue également un produit d’exploitation. Et lorsqu’on n’a pas d’appui derrière, cela ne pourrait pas marcher. D’autre part il y également l’ouverture du dialogue, parce que je prendrai mon cas personnellement. J’ai pu rencontrer moult personnes peut-être disposées à soutenir mon art, mais ils m’invitent plutôt à faire un art pas satirique. Je pense que cette intention de limiter l’inspiration artistique est également une entrave. À cela s’ajoute le manque de structure parce que de toute façon même si on est financé, il faudrait peut-être se rendre à l’extérieure pour pouvoir sortir un produit. C’est une autre paire de manches. Parce qu’on aura beau résolu la question des producteurs. On rencontrera celui des structures. Des structures qui n’existent pas sur place. Je crois que c’est un peu le problème.  

Ialtchad Presse : - Comment jugez-vous aujourd’hui l’indifférence de nos autorités par rapport à l’art que vous faites ?
Beral Mbaïkoubou : Oui il faut dire que nos gouvernants aujourd’hui se foutent quelques peu de l’art, peut-être parce que l’art est une nourriture de l’esprit et de l’intériorité. Vous savez dans un pays aussi reculer que le nôtre, les priorités sont d’ordre empirique. Je voudrais dire que l’on voudrait d’abord saisir les premières vues qui sont à des fins matérielles. 

C’est à dire, on voudrait satisfaire sa faim, sa soif parce que cela est matériel, par contre l’art qui contribue à forger l’intériorité humaine, l’âme, la profondeur, etc. Cela n’est pas du tout facile à saisir. Ce qui fait que les artistes aujourd’hui sont laissés pour compte oserai-je dire parce qu’il n’y a pas de structures de production. Il n’y a pas une prise en charge des artistes en tant tel et d’ailleurs on les associe même pas à des grandes décisions. De toute façon un artiste qui se respecte devient automatiquement un maître à penser, parce que chaque artiste a une philosophie, c’est un penseur. Donc on devrait à ce titre-là, les associé à toutes les décisions importantes pour que le public s’y retrouve. Néanmoins, je voudrais dire que jusqu’ici nous avons tiré à boulet rouge sur les autorités, mais il est un autre aspect, qui est le respect de l’artiste lui-même. Parce que l’artiste devrait être comme je l’ai dit tantôt maître à penser. Et si nous avons une philosophie, cette philosophie ne doit pas seulement se déterminer sur la scène. C’est à dire lorsqu’on entend un artiste sans le connaître et qu’on le rencontre en chair et en os, il faudrait qu’il soit exactement ce qu’il détermine dans son œuvre artistique. Hélas, aujourd’hui nos artistes donnent l’air de prendre simplement un plaisir ludique, à dénoncer ou à étaler toute une suite de vertus alors que lorsqu’on les rencontre, ils sont eux même le prototype des dénonciations qu’ils font. Je pense que dans ce sens, ça ne marchera pas. Et nous nous laissons également berner par certaines idéologies peut-être novices. Mais des idéologies qui semblent être un retour aux sources, ben, j’en suis très fier lorsqu’on parle de la promotion de l’art tchadien, de la rythmique tchadienne, de la Culture de chez nous, etc., cela me flatte, mais en même temps je rigole parce que, on comprend avec un peu d’abus toutes ces connotations en ce sens que, je suis pour que l’on prenne le Bazaka, le Sai, le Gourna et autres mais pour en traiter des problèmes sérieux. Mais de là à prendre ces rythmiques et les assimilées à des arts anciens, de nos ancêtres qui ont eu souvent des chansons ludiques, des chansons vides de sens, qui ne traitaient d’aucun problème, je pense que ces dimensions relèvent d’une attitude Moyenâgeuse qu’il faut absolument faire évoluer.

Ialtchad Presse : - S’il vous est demandé de résumé en quelques mots l’état actuel du Tchad, que diriez-vous ?
Beral Mbaïkoubou : Le Tchad est pris en otage par l’inconscience, la mauvaise foi et la corruption. Parce que les gens nous font avaler n’importe quoi. Nous buvons au jour le jour du venin. Hélas, nous ne nous en rendons pas compte simplement parce que l’on a développé plus la carcasse que l’esprit. Je voudrais dire que, le ventre ici chez nous pèse plus lourd que la tête, et évidemment, on ne peut que manger plus et penser moins. Ainsi, le pays va à reculons. Il faut le dire tout haut. Et surtout, la démocratie aujourd’hui est une parodie. Il n’existe pas de démocratie véritable. J’en profite pour vous dire une anecdote. Il y a si peu, le Directeur du Centre Culturel Français(CCF) m’a aidé à obtenir une éventualité de financement de la part de la représentation de la Banque Mondiale ici sur place pour une production d’Album et la condition qu’on m’a posé c’est de présenter dans cette cassette financée par la Banque Mondiale des chansons qui ne toucheraient aucunement au régime. J’ai craché sur le projet pour la simple raison que la Banque Mondiale ne peut pas en même temps chaque année nous réclamer des progrès dans la preuve démocratique et de la même gueule nous demander de ne pas toucher à notre régime. Je pense que cela revient à louvoyer, à glisser des peaux de banane aux gens, et même si ma voix ne pouvait pas porter assez loin à mon niveau tout seul individuellement, j’ai refusé le projet et je sais que c’est déjà grand-chose dans la recherche d’une liberté, d’une démocratie réelle.

Ialtchad Presse : - Y’a-t-il des questions que vous aimeriez qu’on vous pose ?
Beral Mbaïkoubou : Je ne sais pas, mais on pourrait revenir après aussi longtemps que possible sur les questions de la démocratie, de la violence ou du dialogue entre les hommes etc. Parce que, aujourd’hui l’on profite de certaines valeurs nouvelles pour faire passer beaucoup d’insanités. Par exemple au nom de la démocratie, l’on légalise n’importe quoi, simplement parce que les hommes ont pensé que la majorité signifie déjà beaucoup de chose. Partout dans nos sociétés humaines et même sur toute la terre, les imbéciles sont les plus nombreux. Alors qu’est ce qui empêche que le choix de la majorité soit le choix le plus banal. D’autre part on pense que, lorsqu’on donne un avertissement, lorsque les hommes sont sermonnés concernant une question quelconque, alors, il ne faut plus insister. Parce qu’on dit qu’un homme avertit en vaut deux, mais qui dit que deux hommes n’ont jamais valu l’imbécillité, la question se pose.

Donc je pense qu’aujourd’hui ce qu’il faudrait promouvoir dans la jeunesse, c’est une notion de révolution concrète, non pas la révolution dans les armes peut-être, mais une révolution sèche, c’est à dire parvenir à épouser le sacrifice. Je donne raison à un philosophe qui disait que : « la liberté et la vie ne vont pas de pair. » Les gens rêvent aujourd’hui d’être libres mais en même temps ils ne veulent pas se sacrifier. Et là, ça sera simplement palabrer sur la 25ème heure, jamais ils n’auront de résultat à cette attente.

Ialtchad Presse : - Pour conclure ?
Beral Mbaïkoubou : Je ne peux finir sans dire deux choses. D’abord à Ialtchad Presse, c’est peut-être un coup de chapeau que je lui rendrais, parce que jusqu’ici le Tchad n’a pas pu avoir un moyen aussi colossal que cela d’exportation des connaissances du pays pour la simple raison que les gens ne s’y intéressent pas. Mais tout d’un coup Ialtchad Presse est intervenue dans la démesure puisque c’est directement dans la haute technologie. Les sites Internet je pense que c’est ce qu’il y a de plus performant pour l’instant et cela mérite vraiment une reconnaissance. C’est ne pas facile mais continuez, votre travail est louable. Quant à ceux qui éventuellement épouseraient mes idées, je pense que nous irons au-delà des applaudissements, qu’ils deviennent plutôt un duplicata des toutes ces pensées que j’étale afin que, à chaque coin de la terre les inconscients se trouvent le plus emmerdés possible, et là, nous pourrons n’est-ce pas leur tailler les croupières, et un jour parvenir à prendre la tête de sorte, pour bâtir le paradis terrestre sans exagération. 

Ialtchad Presse : - Merci Monsieur Beral Mbaïkoubou.
Beral Mbaïkoubou : C'est moi qui vous remercie 

Interview réalisée par
Hamid Kodi Moussa

Kaar Kaas Sonn de son vrai nom Noël Flavien Kobdigé, né en 1973 à Sarh fait plus intello qu'artiste. En effet Kobdigué est titulaire d'une licence en droit, maîtrise en relation internationales, premier cycle ENAM (Diplomatie) et actuellement en DEA à Genève. Auteur-compositeur, ce jeune rappeur, sympathique et presque toujours jovial est aussitôt devenu un personnage incontournable sur la scène musicale Tchadienne. Aujourd'hui, grâce à notre talentueux artiste, le Rap conquiert petit à petit le cœur des jeunes de N’Djamena, longtemps bercés par des sonorités bantoues et soudanaises.

Ialtchad Presse : - Revenons sur tes débuts pour ceux qui ne connaissent pas ton histoire, comment as-tu commencé à faire de la musique ?
Kaar Kaas Sonn : En 1992, j'étais en classe de terminale au lycée technique commercial de N'Djamena. Il y avait le rap. Il y avait MC SOLAAR -c'est un monument pour moi, et mon rêve de le rencontrer reste vivace. Je me suis mis à l'imiter et c'était parti! D'abord, j'ai été fondateur de TIBESTI, groupe qui fait notre fierté. Je quitte le groupe pour entrer à l'ENA. Je continuais à écrire des textes. Juin 95, je chante lors de la fête de la musique au centre culturel français de N'Djamena!!! En septembre de la même année, je fais mon premier enregistrement dans mon salon à Moursal. Les gens trouvaient ça bien et j'ai dû continuer. 98 je vais à Bangui pour la maîtrise et de retour je suis recruté comme stagiaire à la présidence de la république (j'étais major de ma section Diplomatie à l'ENA) et j'enseignais l'administration des entreprises dans un institut. 

Une fois de plus, l'occasion de ne pas faire du rap se présente. C'est en 99 que, sélectionné pour représenter le Tchad en France (Questions Pour Un Champion), j'enregistre une cassette avec Aimé Palyo. Arrivé en France, ça a déclenché le délire. On était à Giverny, chez Claude Monnet, grand peintre Français devant l'éternel que j'adore, et c'est là que les choses se mirent à tourbillonner. Julien Lepers me fait chanter dans son émission. De retour à N'Djamena, concerts et cafés-concerts s'enchaînent. Grâce au centre culturel français! En 2000, sort l'album "Ballades d'un récalcitrant"; je me produis au Festival LAFRICAFOLIES à Verdun sur Garonne, en France. 2001, je fais un concert en faveur des enfants avec l'UNICEF et dont la moitié des recettes a été versée à une association qui s'occupe des enfants de la rue.

Ialtchad Presse : Quels ont été tes inspirations pour le choix du Rap, ton style et ta voix ?
Kaar Kaas Sonn : Je m'inspire du vécu quotidien. En fait, je me pose trop de questions et pousse des réflexions avec le rap. C'est une musique hautement intellectuelle et c'est ça que j'adore dans cette musique, comme Bob Marley le faisait en son temps avec le reggae. Je fais un rap de salon, c'est-à-dire un rap que tout le monde pourra écouter. Je ne vois pas de raison de cantonner le rap dans la rue. Si l'on pense souffrir des serres du système, il faut bien dire au système son désaccord. Il y a de plus en plus de sauvagerie comme si toute l'évolution de l'humanité était en train de se muer en animalité. Avatars?
On voit bien que celui qui enseigne le pardon ne pardonne pas, ceux qui parlent de démocratie pratiquent le coup d'État, les défenseurs de la paix sont des  marchands d'armes, etc. Face à ce dérapage, j'essaie d'exorciser l'inhumanité de l'humanité pour enseigner l'humanité de l'humanité à l'humanité. En gros, je milite pour le désasservissement des peuples asservis.

Ialtchad Presse : - Ton nom est peu commun, que signifie Kaar kaaas sonn ?
Kaar Kaas Sonn :  Kaar Kaas Sonn vient de KWARE KU SEN. En ma langue, le nanjere, cela signifie "l'Enfant qui connaît".
 
Ialtchad Presse : - Peux-tu nous parler de ton 2ème album « chic choc chèque » ?
Kaar Kaas Sonn : Chic choc chèque est un disque réalisé à Sarh au Tchad. Je voudrais prouver qu'on est bons parfois dans ce bled. Malheureusement, le studio a pris feu et le produit avec. Ce n’est pas grave!!! Quand, en septembre 2000 je rentrais de vacances de France, une émission passait sur la radio Dja FM et là, on disait que les filles émancipées à N'Djam ont trois copains: Le premier est le mec avec qui elle sort, le deuxième est celui qui "assure" et le troisième banque. Donc chic choc chèque. Mais il y avait aussi des délestages intempestifs de la STEE qui ont bousillé mon ordinateur (combien de Tchadiens avaient été -ou sont- victimes de ces âneries!) Voilà pourquoi, je pose la question : qu'est-ce qui marche dans ce système pourri?

Ialtchad Presse : - Parlons de tes réalisations récentes, peux-tu en dire plus sur votre travail avec le groupe Français « LE POINT G » ?
Kaar Kaas Sonn : Actuellement, je travaille avec un groupe basé au sud de la France, le POINT G. Ils sont archi cool et le travail se fait positivement. On prépare un festival en été en France.

Ialtchad Presse: - Prévois-tu une tournée au Tchad ?
Kaar Kaas Sonn : Je rêve de retourner au Tchad. Le pays me manque énormément déjà. La chaleur des gens; mais aussi partager la misère de mes parents et amis, monter sur une scène et voir tous ces jeunes gens acclamer quand je touche du doigt certains aspects de leur vie. C'est magique, le Tchad!!!

Ialtchad Presse : - En tant que musicien, quel regard portez-vous sur la musique Tchadienne de nos jours ?
Kaar Kaas Sonn : La musique tchadienne est très bonne. Je ne comprends pas pourquoi les Tchadiens ont cette désaffection pour la musique faite chez eux. Je disais que je fais une musique sans public pour un public sans musique. C'est avec joie et engagement.

Ialtchad Presse : - Question: ton rap est-il engagé ?
Kaar Kaas Sonn : Dire que mon rap est engagé serait du pléonasme! Le rap se définit par son caractère engagé par essence. Je fais un concert pour les enfants ou les personnes qui souffrent de lèpre, c'est ça l'engagement. Certaines choses méritent qu'on en parle. Ne pas le faire serait de la démission et le faire trop tard serait de la lâcheté. Ça coûtera ce que ça coûtera, mais n'est-ce pas mieux de souffrir pour une cause juste que de ne pas souffrir du tout et laisser l'injustice gagner notre existence? Faut-il baisser les bras et laisser sombrer dans l'oubli collectif des valeurs -et vertus- comme la justice? Je ne rêve pas de parler de ces valeurs à mes enfants, un jour, comme on parle de dinosaures aujourd'hui.

Ialtchad Presse : - Quels sont tes projets pour le futur ?

Kaar Kaas Sonn : les projets ne manquent pas. Faire de nouvelles œuvres. Depuis que je suis à Genève (octobre 2001), j'ai écrit plus de 60 textes. Quand je vais finir mes études, je vais m'y mettre à fond.


Ialtchad Presse : - Tes passions ?

Kaar Kaas Sonn : le mic, la musique, le basket, le foot (je suis profondément attristé par l'élimination précoce de l'équipe de France et des équipes africaines). L'écriture aussi, car j'ai fait un recueil de poèmes en 2001 et quelques nouvelles publiées par le réseau de lecture publique de la coopération française.

Ialtchad Presse : - La francophonie?
Kaar Kaas Sonn : Le français est une très belle langue. Et cette langue, devenue notre patrimoine commun à tous les francophones, est en train d'être supplantée par d'autres. Devons-nous baisser les bras et laisser sombrer ce patrimoine?

Ialtchad Presse: - As-tu un message à passer à tes fans et aux ialtchad ?
Kaar Kaas Sonn : Je tire mon chapeau à ialtchad, qui devient notre tribune commune pour bâtir un Tchad autrement. Bien à vous. À mes fans et ceux qui aiment ce que je fais, je suis fan de vous et vous embrasse fort. Ressentez cette chaleur de N'Djamena dans ce baiser. Tendrement, Kaar Kaas Sonn
Ialtchad Presse : - Kaar Kaas, ialtchad vous remercie
Kaar Kaas Sonn : Merci à vous   

Interview réalisée par    
Brahim Wardougou  

En France depuis 1986, Ingamadji Mujos Nemo ou le Pape du dala a su couronné le Tchad d'un genre musical 100% de chez nous. Après offensive "Dala", il a confirmé son talent avec la sortie de son album "Intar Afrika". ialtchad l'a interviewé pour qu'il nous parle de lui, de sa carrière et de la musique Tchadienne. Voici en exclusivité pour les ialtchad, le témoignage d'un chanteur qui fait partie de nos artistes les plus prometteurs du moment. 

Ialtchad Presse : - Bonjour Ingamadji Mujos, on vous appelle aussi le pape du Dala, il y a longtemps que vous êtes en France, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Ingamadji Mujos : Bonjour aux ialtchad. Ingamadji est mon nom et Mujos un surnom qui m’a été donné depuis l’école primaire pendant que je poussais une chansonnette dans la cour de récréation. Et le Pape du Dala, pour avoir été le promoteur du rythme Dala, une danse populaire du Sud du Tchad. Natif de Moundou, j’y ai étudié jusqu’à mon admission au Lycée Technique Industriel de Sarh puis celui de N’Djamena. Vint ensuite l’enseignement dans différents collèges et lycées de ces trois villes jusqu’en 1986 date à laquelle j’ai quitté le pays pour les études de Topographie à l’Institut Géographique National de France. S’en suivra un Diplôme de Technicien de Génie Civil puis celui d’Infirmier d’Etat. À ce jour, j’exerce à l’hôpital psychiatrique d’Amiens.

Ialtchad Presse : - Comment êtes-vous arrivé à la musique ? Parlez-nous du début de votre carrière musicale.
Ingamadji Mujos : Par un concours de circonstances et grâce à l’école de la rue dirai-je. Adolescent, je ratais rarement à mes heures libres, les répétitions et concerts de l’orchestre local « Logone-Band ». C’est en 1976, à l’internat du lycée technique industriel de Sarh que j’ai flirté avec la guitare. Deux ans plus tard j’ai commencé à écrire mes premiers textes et m’accompagner à la chanson à l’image d’un Francis Bebey, GG Vickey, André Marie Tala, Daouda Sentimental ou d’un Mougalbaye national et j’en passe. Quelques expériences dans des petits groupes puis au début de l’année 1980, la rencontre avec Issa Bongo à Sarh, un chanteur solitaire du même style marque le tournant de ma carrière musicale avec en prime la naissance du duo « les Rossignols ». Entre autre je fus membre fondateur et Directeur artistique du Théâtre Vivant Baba Moustapha jusqu’à mon départ du Tchad.

Ialtchad Presse : - Pouvez-vous nous faire une brève rétrospective de votre discographie ?
Ingamadji Mujos : Après quelques tentatives infructueuses avec des groupes africains tels que Sylo à Amiens, j’ai pris la résolution de repartir en solo. C’est ainsi que j’ai créée ma petite maison d’autoproduction « Inga Productions » qui a vu naître en 1995, le premier disque intitulé « Virginie » avec la chanson Binon en hommage à ma fille et qui scellera du même coup l’alliance du rythme Dala avec le public tchadien. En 1997, le premier CD « Offensive Dala » pour confirmer le mouvement puis le tout dernier « Intar Afrika » en novembre 2000 pour inciter les Africains à prendre leur destin en main.

Ialtchad Presse : - Vous avez commencé la musique depuis 1976. Disons 26 ans plus tard, quel regard portez-vous sur votre objectif de départ ?
Ingamadji Mujos : Je suis venu dans la musique par hasard mais avec deux objectifs précis que je n’ai jamais perdus de vue. Le premier est surtout centré sur l’image du musicien tchadien dans sa société. Considéré comme voyou par excellence, j’ai voulu par ma démarche faire taire les mauvaises langues en leur prouvant qu’on peut être musicien et socialement bien intégré et que la musique n’est en aucun cas l’apanage des débauchés. Le second répond à un besoin, celui de sortir la musique tchadienne de l’anonymat et d’affirmer en même temps mon identité musicale.  

Ialtchad Presse : - Qu’est-ce qui a déclenché votre choix de vouloir sortir un genre musical 100% tchadien à partir du Dala ?
Ingamadji Mujos : En plus de mon objectif dont je parlais précédemment, autant de raisons ont orienté mon choix. L’une des raisons fondamentales reste le complexe de l’artiste local face aux courants musicaux étrangers. L’exotisme a belle côte au pays et cela crée des habitudes à tel point que nos artistes éprouvaient des difficultés à interpréter les rythmes du terroir par peur de paraître ridicule, d’être rejeté des mélomanes ou de ne pas répondre à la mode. Les oreilles ne sont plus habituées à « écouter » certaines mélodies dites des indigènes. Ajoutée à tous ces éléments, l’absence d’un rythme typiquement tchadien de qualité sur les ondes aussi bien nationales qu’internationales. J’ai dès lors décidé de m’attaquer au répertoire traditionnel. Le « Dala » était arrivé à point nommé car j’ai réussi à l’interpréter facilement à la guitare.
En définitive, c’est une démarche pédagogique qui vise à corriger le complexe de l’artiste moderne tchadien face à son environnement musical traditionnel.  

Ialtchad Presse:- Parlons un peu de votre dernier album. Dans quelles conditions est-il né ?
Ingamadji Mujos : Comme les précédents albums, le dernier né « Intar Afrika » n’a pas dérogé à la dure règle de l’autoproduction c'est-à-dire par le circuit de la débrouillardise. Ce qui fausse d’entrée de jeu la concurrence sur le marché mondial face aux artistes soutenus par les grosses pointures de production avec tout l’arsenal médiatique qu’il y a derrière. Le genre musical que je développe n’intéresse pas ces structures qui veulent rentabiliser à très court terme leurs investissements. Entre autre, l’absence des producteurs locaux et le manque de soutien du ministère de la culture tchadienne fait que j’ai du recourir à mes vieilles recettes de l’autofinancement avec l’aide prestigieuse de mon cercle amical africain constitué de Sec Bidens, Caën Madoka, Leny Bidens et Big Mô pour l’essentiel, Boss M.C et Toïngar Keyba Natar comme invités surprise. Sans oublier la participation exclusive de Irène Damnodji pour son youyou, Brigitte Deubdjion N’got et ma fille Binon Patricia pour le chœur. J’ai par ailleurs bénéficié des largesses et de la disponibilité de quelques particuliers dont mon épouse Anne-Marie, N’doram Japhet, Nocky Djédanoum, Dillah Fernand ou encore Daniel Békoutou.  

Ialtchad Presse : - Pour parler du contenu de vos chansons, d’où vous  vient l’inspiration ?
Ingamadji Mujos : L’inspiration est une illumination surnaturelle qui ne se commande pas. Elle vient de partout et de nulle part pourvu que la réceptivité soit au rendez-vous.
Pour ma part, je capte tout ce qui se passe autour de moi et ce que mon environnement culturel me procure au quotidien. Je revisite bien volontiers le grenier de mes ancêtres, créateurs des mélodies envoûtantes, ou encore sais être attentif aux mouvements d’humeur, joies et peines des gens qui m’entourent. Mon inspiration découle de la résultante de mes observations quotidiennes.

Ialtchad Presse : - Avec la chanson Intar Afrika, quel message voulez-vous faire passer ?
Ingamadji Mujos : Intar Afrika qui veut dire « lève-toi mon Afrique » est un clin d’œil au panafricanisme, un appel à la prise de conscience de toutes les forces vives du continent à faire une autre guerre, celle contre la misère et tous les fléaux qui le minent. L’actualité est loin de me démentir. J’en appelle à tous ces attentistes un réveil et une mise en commun de leurs compétences pour un meilleur développement de l’Afrique.

Ialtchad Presse : - Quel est le regard d'Ingamadji sur la musique tchadienne d’aujourd’hui ?

Ingamadji Mujos : Après 13 ans d’exil, j’ai eu l’opportunité de retourner au pays en 1999, de partager et la scène et mon expérience avec les musiciens locaux. Mon sentiment est que j’écoute de la musique exécutée par des musiciens tchadiens et qui est évolutive à bien des égards. N’étant pas musicologue, je me réserve le droit de porter un jugement sur la musique tchadienne en général. La musique contemporaine tchadienne, car c’est de cela qu’il s’agit je suppose, même s’il elle est bien interprétée, a des soucis à se faire car la qualité du produit reste l’une des priorités pour la diffusion sur le marché. Quelques groupes émergent certes, mais la majeure partie reste sur des méthodes rudimentaires avec pour obsession invalidante la copie maladroite des musiques dites « à la mode », pourvu qu’elle soit à la mode.

Ialtchad Presse : - Quels conseils prodigueriez-vous aujourd’hui, aux jeunes qui veulent faire carrière dans la musique ?  
Ingamadji Mujos :
Le monde musical est assez complexe avec son système d’entonnoir qui filtre sans pitié et qui laisse beaucoup de « résidus » sur les carreaux. En règle générale, très peu de musiciens africains vivent dûment de leur art. Je n’entends pas décourager mes jeunes frères qui veulent tenter l’aventure car qui ne risque rien n’a rien dit-on. Je leur suggérerai tout simplement que c’est une science inexacte avec beaucoup de paramètres qu’on ne maîtrise pas forcément. Il vaut mieux mettre toutes les chances de son côté en épousant le pragmatisme avec la musique comme échappatoire plutôt que de la hisser en première intention comme gagne-pain. Personnellement, comme vous l’aurez constaté, je suis de nature pessimiste. Je relègue la musique au rang de la passion et j’ai moins de soucis de ce côté-là. A chacun sa belle étoile.  

Ialtchad Presse: - En tant qu’artiste, l’indifférence à la culture des différents gouvernements qui se sont succédés au Tchad doit vous toucher particulièrement. Comment l’analysez-vous ?
Ingamadji Mujos : Il ne m’appartient pas de commenter les choix et décisions politiques des gouvernements successifs du Tchad dans ce domaine. Je ne fais pas le procès des nominations ministérielles mais permettez-moi de vous dire amicalement que si ce n’est par ignorance, c’est sans nul doute par incompétence. Le problème est avant tout de savoir si une politique culturelle a été définie dans la déclaration de politique générale du gouvernement. A ce que je sache, comme dans beaucoup de pays d’Afrique et le Tchad n’épargne pas à la règle, quand un Ministre est nommé c’est pour service rendu. Dès lors, il en profite pour soigner sa propre image et agrémenter son carnet d’adresses plutôt que de penser à l’intérêt national. La culture reste et restera un de ces gigantesques chantiers qu’il faudrait avoir l’humilité de la confier à des techniciens compétents et de bonne moralité plutôt qu’à des aventuriers par complaisance.
En tant qu’artiste, je suis bien sûr frustré par cette indifférence à la culture et très outré d’apprendre comment se gère ce ministère. Il ne faut pas perdre de vue que la culture reste tout compte fait le pivot de l’unité nationale. On préfère s’intéresser à l’appartenance clanique ou la tendance politique de l’artiste plutôt que de lui donner les moyens d’améliorer ses performances artistiques pour être concurrentiel sur le circuit international afin de défendre par la même occasion l’intérêt national. La renommée d’un pays ne passe-t-elle pas par cet outil ?
Et la simple reconnaissance de l’artiste ? Et l’artiste tchadien lui-même dans tout ça. A-t-il seulement pris le temps de se considérer et de valoriser son art si ce n’est attendre désespérément l’inespéré de son ministère de tutelle ? Je ne suis finalement pas mécontent d’avoir cheminé seul avec les moyens de bord, sans attendre la bénédiction de quelque ministère que ce soit. La reconnaissance viendra sans doute à titre posthume ce qui ne sera pas un vain sacrifice pour les générations futures, désireuses de gérer le patrimoine culturel tchadien.

Ialtchad Presse : - Une dédicace pour www.ialtchad.com ?
Ingamadji Mujos : A chacun ses compétences pour faire le deuil de ce Tchad de guerres, de haine et de conflits. La création de ce site reflète la parfaite illustration de mon message Intar Afrika à défaut de « Intar Tchad ». L’hymne tchadien que vous avez mis en valeur aura le mérite de faire vibrer le cœur de tout ialtchad qui navigue sur le www.ialtchad.com.

Ialtchad Presse : - Avez-vous un message particulier pour les ialtchad qui vont vous lire ?
Ingamadji Mujos : Que souffle en chacun des ialtchad un vent de paix, d’amour et de tolérance pour des lendemains qui enchantent.

Ialtchad Presse : - Vos perspectives d’avenir ?
Ingamadji Mujos : A très court terme, d’ici la fin de l’année 2002, la sortie en K7 vidéo de mon concert en live au Centre Culturel Français de N’djaména en novembre 2000 avec l’orchestre Gombo Salsa. Vous avez entendu parler du retour du Pape du Dala. Ce fut un événement au Tchad après 14 ans d’exil. L’occasion vous est enfin donnée de découvrir et de faire découvrir quelques unes des danses du Tchad exécutées par des rares bijoux du terroir avec une chorégraphie hors du commun et l’ambiance survoltée du Centre Culturel de N’djaména. Profitez-en pour faire plaisir aux proches pour leurs fêtes de fin d’année.
En parallèle je prépare activement un disque Apocalypsid@, en hommage aux victimes du sida qui sortira d’ici la fin de l’année ou au début de l’année 2003 si les conditions sont toutes réunies. Il aura le mérite de répondre aux attentes des mélomanes épris des sonorités traditionnelles assurées des mains de maître par le talentueux balafonniste Keyba Toïngar Natar. S’en suivra un projet de lutte contre le Sida baptisé du même nom de l’album Apocalypsid@ ou la musique pour la lutte contre le sida au Tchad, à l’initiative de 3 artistes de la diaspora dont N’djekery Noël (écrivain), Keyba Natar (conteur, comédien, chorégraphe) et moi-même. L’objectif reste la contribution à la prévention contre le Sida au Tchad et plus précisément à Moundou. Un exemplaire du projet sera remis au site www.ialtchad.com pour tous ceux qui veulent s’associer à cette action.

Ialtchad Presse : - Merci Ingamadji Mujos, nous te souhaitons beaucoup de succès. 
Ingamadji Mujos : Merci petit frère Hamid Kodi. 

Interview réalisée par    
Hamid Kodi Moussa

Yaya Adef Abouya est un comédien et talentueux conteur tchadien maîtrisant toute la richesse de la tradition orale du pays Sao. Il est l'un des conteurs tchadiens qui ne se peinent jamais pour réunir jeunes et vieux autour des histoires 100% ialtchadiennes. Ialtchad Presse l'a invité pour vous parler de lui et de ces projets.

Ialtchad Presse : - Présentez vous aux lecteurs de Ialtchad-Presse.
Yaya Adef Abouya : Je m’appelle Yaya Adef Abouya, je suis comédien conteur de la compagnie théâtrale Sembene Ousmane  (Tchad).

Ialtchad Presse : - A quel âge avez-vous commencer à raconter des contes. De qui vous détenez ce don de la parole et comment vous est venue l’envie de devenir conteur professionnel ? Bref, votre parcours.  
Yaya Adef Abouya : Depuis mon enfance j’ai été bercé par les contes…ma mère avait l’habitude de me raconter des histoires et puis, lorsque petit garçon, j’ai découvert les traditions du village,  j’ai aussitôt été très touché ; et petit à petit, j’ai trouvé l’envie de devenir conteur à mon tour.

Ialtchad Presse : - Raconter des Titimé-Titimé, est-ce par passion ou par vocation ? Autrement dit naît-on conteur ou on le devient ?  
Yaya Adef Abouya : Le conteur n’est pas forcement membre d’une caste déterminée, c’est un homme ou une femme qui a un rôle d’éducateur.
-le conte représente l’école des ancêtres
-le conteur est le gardien de la tradition

Ialtchad Presse : - Parlez-nous de vos débuts sur scène, de vos succès et des difficultés qu’un conteur doit faire face dans un pays comme le nôtre avant d’être connu et invité dans des grands festivals ?
Yaya Adef Abouya : En 1996, j’étais élève au Lycée de la Liberté à N’djamena ; là, j’ai fait la connaissance d’Abakar Adam Abaye, dit « l’Enfant Noir », directeur de la Cie Théâtrale Sembene Ousmane. Cette rencontre décisive m’a permis d’intégrer l’atelier de formation de la troupe et ainsi de m’orienter vers l’art.
Avec la troupe, on jouait des pièces au Centre Culturel Français (C.C.F) de N’djamena, dans les orphelinats ; à travers le pays, les pièces tournaient dans le réseau des maisons de la culture des différents départements. Par ailleurs, je jouais dans des films tchadiens avec les Cies Sembene Ousmane, Assakhafa Théâtre et Jeune Espoir. Plus tard, « l’enfant noir » m’a fait venir au Burkina.

Ialtchad Presse : - Quel est la place du conteur dans la société tchadienne? Est-il compris et écouté ?
Yaya Adef Abouya : Le peuple tchadien, comme tous les peuples, exprime sa conception du monde par le conte. Le conte est un récit fictif qui se transmet oralement; la place du conteur dans la société tchadienne consiste à éduquer ceux qui l’écoutent.

Ialtchad Presse : - De quoi vous vous inspirer pour raconter vos histoires ou vos écrits ?
Yaya Adef Abouya : Je m’inspire des contes traditionnels, de la vie quotidienne et de la tradition du village.

Ialtchad Presse : - Un conteur professionnel c’est une personne qui voyage et raconte des histoires de son pays aux autres. Donc c’est quelqu’un qui va à la rencontre des autres. Quelle rencontre vous a le plus marquée? Où quel pays, quel public vous a le plus frappé votre esprit ?  
Yaya Adef Abouya : A travers mes voyages, j’ai rencontré différents publics dans différents pays ; le public qui m’a beaucoup marqué est celui de la nuit du conte du Roseau au Burkina, car c’est un public familial, de quartier qui est sensibilisé aux contes et donc très attentif.

Ialtchad Presse : - Quels sont vos projets à court, moyen et long terme pour vous et pour le Tchad ?  
Yaya Adef Abouya : Pour l’instant, mon projet est de participer au festival « titimé » qui se déroulera au Tchad en octobre 2004 ; ce festival est organisé par « l’enfant noir ».

Ialtchad Presse : - Comment qualifierez-vous votre style de conte ?
Yaya Adef Abouya : Je raconte des histoires qui ont une portée morale, et je trouve qu’il est important que le conteur reste le grenier du savoir et éduque ceux qui l’écoutent.

Ialtchad Presse : -  Vous avez un spectacle intitulé « TIMMO » Que signifie ce mot ? Et pourquoi Timmo ?  
Yaya Adef Abouya : Timmo signifie l’union en langue migama. (hadjaraî). Nous avons choisi ce titre pour ce spectacle interculturel car il représente l’union de 2 cultures et 2 univers.(conte et clown) jamais pensé à autre chose. Je pense que dans la vie il faut toujours aimer ce qu’on veut faire…

Ialtchad Presse : - Avez-vous toujours voulu faire ce métier ou a un moment donné de votre vie vous avez songé à faire autre chose ?  
Yaya Adef Abouya : Je n’ai jamais pensé à autre chose. Je pense que dans la vie il faut toujours aimer ce qu’on veut faire…  

Ialtchad Presse : - Quel regard porte l’artiste sur le Tchad et la culture tchadienne ?  
Yaya Adef Abouya : Je porte un regard très fort sur mon pays … l’important est de soutenir le pays et d’encadrer la culture tchadienne tous ensemble.

Ialtchad Presse : - Quels sont les conteurs que vous avez côtoyés, qui vous ont le plus impressionnées ?  
Yaya Adef Abouya : J’ai rencontré de nombreux conteurs :  Hassane Kouyate, Abou Fall, Habib Dembélé, Said akbal, Adama dit « taxi conteur » ; « l’enfant-noir »… celui qui ma le plus impressionné, c’est Sotigui Kouyate qui représente le « baobab d’Afrique » .

Ialtchad Presse : - Quels sont vos loisirs en dehors du conte ?  
Yaya Adef Abouya : A  côté de mon activité de conteur comédien, j’aime voir des spectacles de danse, cirque, théâtre, aller au cinéma ; j’aime aussi beaucoup la peinture, et je peints des tableaux abstraits.

Ialtchad Presse : - Vous résider en France ? Comment ça se passe pour vous en terme de travail ?
Yaya Adef Abouya : Je réside en France et sur le plan artistique, les gens apprécient mon travail, mais il ne faut pas oublier que la situation en général n’est pas facile pour les artistes…et je suis aussi concerné !

Ialtchad Presse : - Quel est votre programme ?  
Yaya Adef Abouya : Notre programme est de faire tourner « timmo », car actuellement ; on se trouve devant la difficulté de rentrer dans le réseau de diffusion du spectacle.

Ialtchad Presse : - Quel message avez-vous à livrer aux ialtchad ?  
Yaya Adef Abouya : Je souhaite mes meilleurs vœux 2OO4 a tous les ialtchad ; que l’année soit une année de paix ; bonheur ; succès et de réussite.

Ialtchad Presse : - Quel conseil donneriez-vous à ceux qui vaudront suivre vos pas ?  
Yaya Adef Abouya : Selon moi ; je dis toujours que chacun a son chemin ; et chacun a sa route… il faut croire en ce qu'on fait, il faut avoir toujours la patience et ne pas oublier que le chemin est long.

Ialtchad Presse : - Qu’évoque pour vous ialtchad-Presse ?
Yaya Adef Abouya : Ialtchad Presse ; me fait toujours penser au pays et à tous les enfants du Tchad alors je vous transmets tous mes vœux pour l’année 2OO4, courage et persévérance, vous faites sans doute un travail très remarquable.

 Ialtchad Presse : - Ialtchad Presse vous remercie et vous souhaite bonne année 2004.  
Yaya Adef Abouya : Merci à toute l'Équipe Ialtchad Presse

Interview réalisée par Brahim Wardougou   

Musicien, Directeur de Journal et enseignant, Manu Teba alias Johny Manu a beaucoup apporté à l'art qu'il épousa dès son enfance. Ialtchad Presse a rencontré Manu chez lui à Ardjeb-Djoumal (N’Djamena), nous étions séduits par son accueil et sa disponibilité. C'est un entretien chaleureux au cours du quel Manu  nous a confié sa passion pour la musique.

Ialtchad Presse : - Bonjour Monsieur Manou, pouvez-vous vous présenter aux internautes?
Manu Teba : Je suis Manu Teba, alias Johny Manu,  Doumra Emmanuel de mon nom de famille. Je suis musicien et chef d’orchestre des Pacifiques. J’enseignement la musique et je suis maestro pour mes confrères surtout ceux de N’djamena qui me connaissent bien. Enfin, je suis aussi le directeur de la Lettre de l’Artiste, le premier mensuel d’information artistique au Tchad.

Ialtchad Presse : - Quel est votre itinéraire artistique?
Manu Teba : Dire tout mon parcours va paraître redondant parce que ma vie de musicien a été jalonnée d’interminables recommencements. Je vais essayer de vous tracer les grandes lignes de ce parcours. Déjà à la maternelle j’ai été plusieurs fois lauréat des épreuves de chants lors des fêtes, aussi, la première dame du Tchad de l’époque madame Ngarta Tombalbaye notre premier président, m’avait couronnée et cela m’a marqué, c’est fut le premier pas. À l’école primaire j’attachais une grande importance aux chants d’église, j’assistais les choristes. Je m’intéressais aussi à la musique fanfare des défilés car il fut un temps où il y avait les Salongos. Un de mes cousins était chef d’orchestre de l’équipe Salongos et  jouait de la trompette. C’est lui qui m’avait appris à lire et à écrire la musique. Le musicien que je suis aujourd’hui a commencé au cours élémentaire à l’École du Centre. Je rentrais toujours de l’école suivant un itinéraire et sur mon chemin je rencontrais un vieil homme sexagénaire qui jouait de la Sitar, je m’arrêtais à chaque fois que l’occasion se présente pour l’écouter, et de fois plusieurs heures durant, c’était un camerounais. Il jouait du meringué et du chicot, des rythmes de chez lui. Cet homme a remarqué ma curiosité pour cet instrument. Un jour il m’a appelé et me dit : « mon fils, si tu veux faire de la musique, il faut venir parce car j’ai remarqué que tu passes beaucoup de ton  temps à côté de moi mais tu rentres sans dire un mot.». C’est ainsi que je suis devenu son ami. Je revenais toutes les fois que l’occasion se présente et il m’apprenait à jouer de la Sitar. Par ailleurs, ma première guitare je l’avais eu quand je suis entrée au collège. Nous étions une famille de cinq garçons, mon grand frère était étudiant en France et revenait passer ses vacances avec nous. Chaque fois qu’il s’apprêtait à rentrer il demandait à chacun son choix de cadeaux de France. Comme je suis le seul de la famille qui accédait en classe de sixième, il m’avait demandé ce que je voulais et j’ai demandé à avoir une guitare. Il m’a dit non pas une guitare parce que ce n’est qu’un simple jouet. Il me suggérait une bicyclette ou du matériel scolaire. Je lui dis : une guitare ou rien. Il était très surpris par ma demande et m'a ramené une très belle guitare. Cette guitare a été admirée par tous mes copains, et mes confrères. Je l’avais gardé longtemps. C’est ce qui m’a permis de devenir le guitariste que je suis aujourd’hui. J’ai conservé cette guitare jalousement durant dix ans. Pendant ce temps, je côtoyais aussi les musiciens tchadiens du Groupe Saltana. C’était des amis qui s’étaient constitués en groupe, des grands copains qui savaient déjà un peu jouer par rapport à moi, je tenais la queue mais j’étais toujours avec les Saltana pour m’investir et apprendre d’avantage. Le premier orchestre dans lequel j’ai joué est le Cuby Succy. Là j’étais en seconde et mon père a voulu que j’aille étudier à Bongor.

Ialtchad Presse : - C’était précisément en quelle année?
Manu Teba : C’était dans les années 1970 plus précisément en 1972. Mon père a voulu que j’aille étudier à Bongor parce qu’il voyait que la guitare prenait le dessus sur mes études. C’est vrai, je m’attachais trop à la musique et il a voulu que j’aille en province. Mais c’est fut le contraire. Là-bas, j’ai rencontré une équipe qui m’a permis de faire mon premier pas dans un groupe, c’est ainsi que j’ai commencé à jouer avec le groupe Cuby Succy. De retour j’ai pu passer mon baccalauréat et ainsi accédé aux études supérieures. Arrivé à ce stade, les études ont pris le dessus. Je ne pouvais pas faire de la musique comme auparavant. Je l’ai délaissée pendant 5 à 6 ans avant de revenir en force. C’était à l’université en Centrafrique avec des très grands musiciens que je me suis perfectionné dans la musique écrite et orale, au choral, parce que je tenais aussi parallèlement mes relations dans les musiques religieuses. Il faut dire que j’ai beaucoup appris en Centrafrique. Dès que je suis rentré j’ai assis mon équipe qui était les Anges Noirs, c’était un groupe avec lequel j’évoluai dans les centres culturels, dans les lieux d’animation scolaire donc un petit groupe mais qui était bien. Comme je tenais beaucoup à ma musique, j’ai dû m’inscrire au conservatoire par correspondance et je continuais ainsi à étudier la musique écrite à l’école de Rouan au CNEC de 1984 à 1987. J’ai parachevé mon certificat, c’est ce qui fait de moi un maître assistant de music mais je ne fais pas que de la musique, j’ai étudié aussi les mathématiques et j’enseignai à l’école française Montaigne. Donc mes cours venaient régulièrement par le biais de cette école et on avait des facilités audio. J’ai ainsi parachevé mes études de musique par correspondance. Par la suite j’ai créé l’orchestre Le Pacifique dont je suis le chef maintenant.

Ialtchad Presse : - Pouvez-vous nous parler un peu de votre groupe le Pacifique?
Manu Teba : Le Pacifique est un groupe naissant à vocation purement culturelle. J’ai eu à former des gars; une fois formés, ils partent et d’autres viennent. Il y a deux ans j’ai pensé asseoir une équipe au beau fixe et tenter personnellement ma vocation scénique parce que jusqu'à là je ne fais qu’étudier la musique.

Ialtchad Presse : - Quel genre de musique faites-vous ?
Manu Teba : Comme son nom le dit ! Le pacifique c’est quelque chose qui embrasse tout genre! Nous faisons du folk, de jazz mais ont fait aussi de la musique classique, Beethoven, Vivaldi, quelques extraits en somme. Nous faisons de la musique africaine, brésilienne mais notre spécialité est le folk jazz.

Ialtchad Presse : - Quels sont les artistes qui vous ont inspiré, au pays comme ailleurs?
Manu Teba : 
Au pays j’apprécie beaucoup le ballet parce que c’est très intéressant. Le ballet essaye de faire copie conforme de ce que nous avons comme patrimoine musical. C’est un travail de conservation que le ballet est en train de faire. Plus besoin d’aller au village pour savoir comment on joue le sitar. Au moins le ballet est là et retrace cette richesse musicale. Si un jour on assied un auditorium on pourra à travers le ballet retrouver nos sources musicales. Sur le plan international comme je vous le dis j’aime le jazz et j’admire les musiciens tel que Mal devis, Bob Marley dont j’apprécie les idées et sa musique aussi, Alpha Blondy qui est un moralisateur.   

Ialtchad Presse : - Quel est le regard de Manu sur la musique tchadienne?    
Manu Teba : La musique tchadienne vie encore. Le patrimoine tchadien est vierge, il n’est pas encore exploité pour être modernisé. Ce qui est à déplorer est l’attitude des tenants de la culture tchadienne, puisqu’on n'a pas une politique tchadienne appropriée ou orientée vers l’encouragement. On a l’impression que ce n’est pas encore leur préoccupation alors que la culture est quelque chose d’important. Une nation qui n’a pas une identité musicale, donc culturelle est inexistante! Mon souhait est de voir se développer l’art tchadien parce que c’est cela qui nous permettra d’être au rendez-vous. 

 Aimé Césaire nous l’avait pourtant préconisé, il disait que viendra un temps où il y aura le rendez-vous du Donner et du Recevoir. Donc chacun de nous doit apporter quelque chose pour la world music.
Ialtchad Presse : - D’aucuns disent qu’il n y a pas une musique spécifiquement Tchadienne, quelle est votre opinion?
Manu Teba : Non, je dis que c’est faux. La musique tchadienne existe. On dit que l’Afrique est le berceau de l’humanité et le Tchad est au cœur de l’Afrique. Cela ne peut être vrai. La musique c’est quelque chose qui a toujours été avec l’Homme. La musique tchadienne existe mais dans une grande diversité. C’est vrai qu’elle est peu apparente. Pourquoi, parce que dans notre technique musicale, les musiques sont classées suivant les rythmes. Il y a des musiques à quatre temps et d'autres à trois temps, donc s’il faut faire un classement musical, toute cette diversité va se résumer en des musiques mères, des rythmes mère qui ne seront pas de ce nombre là que nous redoutons. Il y a un rendez-vous manqué entre les Tchadiens et leur musique parce que nous ne l’écoutons pas beaucoup et ne la dansons presque pas. Elle est étouffée parce que nous avons des influences fortes des musiques étrangères de courant bantou, oriental et ce sont ces musiques-là qui l’étrangle. Normalement cela ne devait pas poser problème parce que la musique est par essence universelle. Cela devait plutôt drainer des apports qui auraient pu donner à la musique tchadienne la force de se développer brillamment. Mais pour que les apports soient positifs, il faut d’abord avoir des bases solides. C’est ce qui nous manque à nous musiciens tchadiens. Il faudrait asseoir cette musique dans un créneau. C’est à dire dans de bonnes règles observant et s’inspirant de cette universalité dont je parle. Nous sommes bien peu nombreux, nous qui se sommes penchés sur ce problème pour faire des recherches, ne serait-ce que la classification à base rythmique. Dès que cela va être fait, la musique tchadienne prendra son envol. Nous  proposons cela à nos dirigeants. Il faudrait qu’ils pensent nous aider. Parce que c’est difficile, le son, ça part, donc si on ne le fait pas vite, on risque de perdre  la musique tchadienne, on pourra plus la réécouter. Même si on n’est pas encore en mesure d’asseoir la musique tchadienne, que nos autorités nous donnent la possibilité au moins de les classer dans un auditorium. On a le musé, on y garde pas seulement des objets mais on garde aussi le son, ça fait partie de notre patrimoine. Dans le musé on peut créer par exemple un auditorium pour conserver les chansons de Morsilé, de Moussa Chauffeur et autres. C’est  important pour l’Histoire, pour notre culture, pour notre identité. Il faudrait que tout cela se fasse en attendant que d’autres se penchent pour étudier et développer la musique tchadienne.

Ialtchad Presse : - S’il vous est permis de résumer les difficultés des artistes tchadiens, que pouvez-vous nous dire?
Manu Teba : Nous manquons la musique à ses bases. Chez nous, on fait de la musique comme pour aller au marcher parce qu’il y a des musiciens qui sortent un jour, prennent leur guitare, savent fredonner une ou deux chansons et se disent musiciens mais ce n’est pas ça. Il faudrait s’imprégner de la chose musicale, avoir une grande vue sur elle avant de se lancer dessus. La difficulté principale est le manque de connaissances musicales de nos artistes. On pense que c’est parce qu’on n’a pas le matériel que notre musique est rétrograde. Faux!

D’accord le matériel fait défaut parce que nous vivons au troisième millénaire, la musique évolue dans le mixage, le numérique et autres. Mais il n’y a pas que le matériel, le numérique. Il faut avoir au préalable des connaissances, du professionnalisme. Je souhaite qu’on ne pense pas seulement au manque de matériels. Primo, il faut des studios, un cadre idéal pour notre épanouissement, il y a des centres ici à N’Djamena mais nous évoluons beaucoup plus au centre culturel français qu’au centre culturel tchadien  parce qu’au CCF on a quelques structures qui nous permettent de nous épanouirent ce qui manque dans les centres culturels tchadiens. Il faudrait que les autorités investissent de ce côté pour donner un cadre à l’épanouissement de cet art. Secondo on n’a pas une politique culturelle. La musique c’est quelque chose d’immatériel, d’abstrait. L’art c’est de la création et quand on doit nous affecter des gens pour nous encadrer, il faudrait que ces personnes aient une idée sur la chose. Souvent ces éminences qu’on nous envoie sont des énarques ou des médecins, des gens qui sont bien dans leur savoir-faire mais n’ont aucune compétence pour gérer les arts et les artistes. C’est difficile parce qu’ils sont habitués à gérer des choses matérielles. Et la musique, c’est de l’arrangement, de la création, le A peut-être pencher ou à l’ envers. Il faudrait que ça soit des gens qui ont une vue sur notre art sinon ils viennent nous gérer comme on gère le ministère de Finance et rien ne peut marcher. Nous sommes inter changeant en nous même d’abord et notre art évolue. Il faudrait que ça soit des gens qui sont plus près de nous. Pas des gens qui disent qu’on ne comprend pas les artistes, ils sont toujours compliqués.

Ialtchad Presse : - Pouvez-vous nous proposer quelques solutions à ces problèmes?
Manu Teba : Il faudrait qu’il y ait une politique culturelle, c’est une idée que j’avance, des études préliminaires pour réfléchir sur la musique tchadienne même si on n'a pas des technocrates en la matière, il y a quand même deux ou trois et je fais partie de ceux-là.  Qu’on essai de nous prêter quelques cadres pour pouvoir encadrer les jeunes. Moi je le fais et je suis obligé de le faire dans les églises parce que dans les églises, on a un bon cadre. C’est ainsi que j’ai formé beaucoup de jeunes. J’ai tenté de le faire dans les centres culturels mais à chaque fois je me bute sur des problèmes matériels tels que le manque de salles.

Ialtchad Presse : - Avez-vous un message à livrer?
Manu Teba : À mes fans, je vais leur dire de se préparer pour des grands moments parce que les choses ne sont plus comme avant. En plus avec Ialtchad Presse qui est un apport universel où tout musicien tchadien est connecté sur Internet, vous savez les choses sont pour être world carrément. Aussi, il faudrait qu’ils se préparent pour les grands moments.

Ialtchad Presse : - Merci M. Manu, nous sommes très contents de vous avoir rencontré.
Manu Teba : Merci beaucoup Ialtchad Presse, merci pour cet apport parce que vous serez vraiment le tremplin pour le devenir de notre musique au pays et nous vous remercions très vivement au nom du groupe Le Pacifique.

Interview réalisée par  
Mahamat Moussa Souni / Ialtchad Presse 

Entretien avec le chanteur Tchadien du Groupe Burkinabé "Yeleen". Le jeune Moundoulais Manwdoé se confie à ialtchad. Il nous parle de lui et surtout de son groupe Yeleen, qui est aujourd'hui considéré comme le nouvel espoir du Rap au Burkina. Ils (Smarty et Mawndoé) sont revenus de la Suisse le 14 avril après une tournée très remarquable et ils ont eu droit à un accueil hollywoodien à leur arrivée à Ouagadougou.

Ialtchad Presse : - Mawndoé, les Tchadiens qui ont entendu parler du groupe YELEEN savent que l´un des deux membres est d´origine tchadienne. Peux-tu te présenter à tes compatriotes?

Célestin Mbaïtoubam Mawndoé : Je suis Célestin Mbaïtoubam MAOUNDOUE, 27 ans et je viens de Moundou. Mon complice s´appelle Louis Salif KIEKIETA, alias Smarty et il est du Burkina. Lui il est le rappeur et il est aussi un bon parolier, tandis que moi je suis chanteur et je compose les mélodies de nos chansons ; je le dois un peu à mes origines de griot.

Ialtchad Presse : -  Un mot sur ton parcours.

Célestin Mbaïtoubam Mawndoé : J´ai commencé ma carrière au Tchad et je crois que les gens onteu à me voir avec mon groupe Inchallah. En 1998 je suis parti au Niger et je suis resté quelque temps à Niamey avant de poursuivre au Burkina où je vis depuis mars 1999. Quand je suis arrivé ici j'ai repris le métier que j'avais appris auprès de mon père, c'est-à-dire la sculpture, à la Fondation Oloroun à Ouagadougou. Mais j'ai continué à travailler ma voix et ma musique. Avec ma guitare, je faisais de petites animations ici et là, et j'ai collaboré avec le groupe de rap Attentat. Toute cette expérience m'a permis de découvrir beaucoup de choses et exploiter des talents qui étaient en moi.

Ialtchad Presse : - Comment est né le groupe YELEEN ?

Célestin Mbaïtoubam Mawndoé : YELEEN comme vous le savez est composé de deux personnes à savoir Smarty et moi-même Mawndoé. Dans nos prestations live, nous sommes accompagnés par des musiciens de l´orchestre Kalyanga qui ont d´ailleurs fait le voyage de la Suisse avec nous, du 06 mars au 14 avril dernier. Pour le moment, nous n´avons pas encore un vrai orchestre YELEEN.

Pour ce qui est de la genèse du groupe, je peux dire que le groupe est né au hasard des rencontres. Quand j´ai fait la connaissance de Smarty, je préparais la sortie de mon album solo et après bien des péripéties, on a fini par se mettre ensemble et former un groupe qui fait du rap et de l´afro soul. YELEEN signifie « lumière » en langue bambara et ce nom résume vraiment notre parcours à chacun. Le premier album « Juste 1 peu 2 lumière » est sorti en décembre 2001, nous l´avons produit nous-mêmes et on s´est vraiment battu parce qu´on avait rien. Le groupe continue son chemin et on ne sait pas ce que nous réserve l´avenir. On remet les choses entre les mains de Dieu.

Ialtchad Presse : - Vous avez pris part à l´édition 2002 des KORA en Afrique du Sud en novembre passé, comment avez-vous vécu la chose ?

Célestin Mbaïtoubam Mawndoé : Je rappelle que notre groupe était nominé dans les catégories « meilleur espoir masculin- 2002 » et « meilleur groupe africain- 2002 ». Nous n´avons pas eu de prix mais ce qui est important ce sont les rencontres que nous avons pu faire. Ici au Burkina les gens ont pris ça vraiment au sérieux parce que pour eux, YELEEN était leur affaire. Nous avons dû parler pour faire comprendre aux gens que c´est pas un match de football, mais il y a un jury qui désigne un groupe sur la base de certains critères, or le jury est toujours souverain : Avec ou sans le prix, on fera la fête ! Je crois que beaucoup ont été déçus quand ils ont suivi la cérémonie de remise de prix mais quand on est revenu, on est passé encore à la télé pour parler aux gens. Je crois qu´ils ont compris. L´aventure continue car nous pensons que nous sommes seulement à nos débuts.

Ialtchad Presse : -  Votre groupe commence à être connu à l´extérieur et vous avez déjà voyagé dans certains pays africains ainsi qu´en Europe. Est-ce le succès déjà ?

Célestin Mbaïtoubam Mawndoé : En fait nous avons compris que rien ne sert de rester dans un cadre restreint car la musique est universelle. Si les gens aiment votre musique, même s´ils ne comprennent pas la langue, ils vont écouter ! Je chante dans plusieurs langues du Tchad et d´autres pays africains et c´est curieux, lors des concerts, je suis surpris de voir que les gens connaissent ces morceaux. Nous nous sommes dit qu´il fallait ouvrir nos horizons et c´est comme ça qu´on voyage pour faire connaître notre musique et faire partager le message d´espoir avec des publics différents. Si les gens aiment, c´est bien, mais il ne faut pas dormir sur ses lauriers et se dire que c´est le succès. Nous continuons à travailler nos compositions et à nous perfectionner.

Ialtchad Presse : - A quand YELEEN au Tchad ?

Célestin Mbaïtoubam Mawndoé : Je comprends l´attente des gens et je sais qu´on nous pose la question depuis quelque temps déjà. Je veux d´abord rassurer les gens que nous allons venir au Tchad et je serai très heureux de retrouver les miens. Mais nous continuons à préparer le voyage, on trouvera les moyens et le temps de venir et je ne souhaite pas faire de fausses promesses aux gens. Quand nous serons prêts, à ce moment-là nous allons annoncer notre arrivée avec des dates précises.

Ialtchad Presse : - Peux-tu nous dire si la sortie du deuxième album de YELEEN est prévue pour bientôt ?

Célestin Mbaïtoubam Mawndoé: Bien sûr ! L´album sort en décembre 2003 si tout va bien et cela fera exactement deux années après la sortie de « Juste 1 peu 2 lumière », notre premier album. Nous avons enregistré au studio et il reste à régler les problèmes liés à la production et à la distribution du produit. Chaque détail compte et il faut y aller doucement. Pour le moment on ne peut rien dire, les gens découvriront l´album et ils auront le temps d´apprécier.

Ialtchad Presse : - Un message pour les jeunes restés au Tchad ?

Célestin Mbaïtoubam Mawndoé : Mon message est un message d´espoir : il ne faut pas baisser les bras ! Certains pensent quitter le pays pour tenter leur chance. Je leur dit qu’à l´étranger, on peut réussir, c´est vrai mais ce n´est pas toujours évident car les difficultés sont nombreuses. L´aventure peut aussi tourner au cauchemar et on a vu des gens partir et revenir les pieds devant. À chacun sa chance, comme on dit. Mais sur place aussi on peut se donner les moyens de réussir et poser des actes pour donner un sens à sa vie.

Interview réalisée par Brahim Wardougou 

Le cinquantenaire de l’indépendance du Tchad sera célébré le 11 janvier 2011. Le chronogramme conçu pour l’événement sera dévoilé officiellement le 28 novembre 2010 et quarante-cinq jours d’intenses activités sont prévus après cette date. Pour savoir comment cette grande commémoration se prépare, Ialtchad Presse est allé rencontrer le président du Comité National des Festivités du Cinquantenaire (CONACE), Adoum Younousmi, Ministre des Infrastructures et des transports. Ingénieur en Génie Civil, le Ministre Adoum Younousmi reste un des éléments essentiels du Tchad émergent. Interview. 

Ialtchad Presse : A l’instar de plusieurs autres pays africains, le Tchad fête ses cinquante années d’indépendance le 11 janvier prochain. Pourquoi ce report ?
Ministre Adoum Younousmi : Ce report est une initiative très ancienne. Déjà en 1961 le Président Tombalbaye a promulgué une loi pour reporter la fête de l’indépendance. Les raisons sont aussi valables aujourd’hui. C’était pour des raisons diverses. Il faut dire qu’au début des années d’indépendance, la fête se déroulait à N’Djamena. Tous les tchadiens devaient venir à la capitale pour la circonstance en pleine saison pluvieuse. Déjà les voies de communication étaient inexistantes. Les gens abandonnaient leurs travaux champêtres pour se déplacer. Après la première édition, le président Tombalbaye a pris une ordonnance pour transférer  la fête au 11 janvier afin que tout le peuple tchadien puisse fêter. Les raisons sont nobles, nous avons jugé nécessaire d’appliquer cette loi.

Ialtchad Presse : L’Organisation de cet événement qui s’annonce grandiose vous a été confiée, comment elle se prépare ?
Ministre Adoum Younousmi : Pour nous, c’est une commémoration de nos cinquante ans d’indépendance avec ses hauts et ses bas, il faut le reconnaître.  Le Tchad a traversé beaucoup de périodes difficiles durant les cinquante ans passés. Il  y a aujourd’hui des acteurs de ces cinquante ans, il y a d’autres concitoyens qui sont nés après l’indépendance et qui ont subi ses évènements. Nous devons nous retrouver pour commémorer ces cinquante ans ; nous assoir ensemble, discuter de notre passée, l’assumer et de faire en sorte qu’autour de cette question du pays, de l’Etat nation, on puisse mobiliser tous les fils du pays la main dans la main, avancer, pour notre pays qui émerge. Que les années à venir permettent à tous les fils du Tchad de s’unir d’avantage, d’aimer leur patrie. Donc, l’évènement qui se prépare n’est pas une occasion de festoyer, c’est une commémoration.

Ialtchad Presse : Que peut-on savoir sur le chronogramme conçu pour les principales activités prévues pour le Cinquantenaire ?
Ministre Adoum Younousmi : Le chronogramme est très riche en ce sens que, vous aurez des débats, des conférences, des projections de films sur les cinquante ans du Tchad. Nous allons prendre les archives que  certains de nos concitoyens comme le feu Édouard Sally (Paix à son âme!) avait constitué pour réaliser un film sur l’histoire du Tchad. Sally devrait réaliser un documentaire sur le Tchad, malheureusement il est décédé. Cependant, avec les autres cinéastes, nous avons promis de faire en sorte que la mémoire de Sally puisse être pérennisée et de retracer dans le film les cinquante ans du Tchad.

Il y aura également des colloques avec des scientifiques et des historiens et le tout sera auréolé le 28 novembre en principe par une cérémonie officielle du cinquantenaire. Le chronogramme est très vaste, il intègre quarante-cinq (45) jours d’activités intenses. L’apothéose c’est le 11 janvier avec un défilé civil et militaire imposant, etc. La date du 11 est réservée pour l’aspect solennel car nous aurons beaucoup d’invités de marque. Et le 12 janvier, nous auront une fête entre nous même, tchadiens, parce que toutes les Régions du Tchad enverront les délégations qui reflètent la culture du pays pour l’animation.

Ialtchad Presse : Où en sommes-nous des préparatifs notamment sur le point des infrastructures prévues pour cet événement ?
Ministre Adoum Younousmi : Il n’y a pas d’infrastructures proprement dite pour le cinquantenaire. Le Chef de l’Etat a lancé depuis quelques années des grands chantiers pour pouvoir faire du Tchad un pays où on peut bien vivre, s’éduquer, se faire soigner et faire du Tchad, un pays où il y a l’autosuffisance alimentaire. Il y a bien d’autres  chantiers tous azimuts, cependant, ce ne sont pas des chantiers du cinquantenaire. Parmi ces infrastructures, une seule sera achevée d’ici peu  pour la fête du cinquantenaire. C’est la place du cinquantenaire qui abritera la fête avec ses avenues pour les défilés. Je précise que tous les chantiers continueront d’être exécutés après la commémoration. C’est un processus qui a été lancé il y a des années et il continuera jusqu’à ce que le pays soit suffisant en infrastructures.

Ialtchad Presse : A combien estimez-vous les dépenses pour l’organisation du cinquantenaire ?
Ministre Adoum Younousmi :
La commémoration du cinquantenaire nous coûtera sept milliards et deux cent quelques millions de FCFA (+ de 7 200 000 000 FCFA). Ce budget ne comprend pas les infrastructures. Nous avons donné un cachet particulier à cette commémoration en ce sens que toutes les régions vont fêter dans les mêmes conditions ou presque. Dans cette somme, il y a à peu près un tiers du budget  alloué aux 22 régions à raison de cent million par régions. Sur les sept milliards, cinquante pour cent sont réservés aux régions et aux ambassades de manière à ce que tous les tchadiens y compris, ceux des provinces du pays et de la diaspora fêtent dans les conditions relativement digne que ceux de N’Djamena.    

Ialtchad Presse : D’aucuns disent qu’il n’y a rien à fêter du cinquantenaire de l’indépendance. Que répondez-vous ?
Ministre Adoum Younousmi : Dire qu’il n’y a rien à fêter, je ne partage pas cet avis. Je l’avais si bien souligné au début de notre entretien que ce n’est pas une fête. C’est plutôt un évènement commémorant les cinquante ans de notre indépendance. Donc, ce sont des festivités commémoratives.

Ialtchad Presse : Vous êtes Ministre en charge des infrastructures, portefeuille très important, vous êtes aussi président de la fédération tchadienne de football, maintenant en charge des festivités du cinquantenaire. Comment arrivez-vous à concilier toutes ces activités ?
Ministre Adoum Younousmi : J’avoue que concilier ces activités n’est pas chose facile. Déjà dans mon département, nous sommes très occupés. Faire des infrastructures dans un pays aussi immense que le Tchad où l’attente de la population est très forte, c’est déjà un grand défi que nous relevons chaque jour. J’ai été copté à la Fédération Tchadienne de Football Association (FTFA) par des amis qui pensaient que je pourrai apporter un plus dans la gestion du football tchadien. Ils ont pensé que l’Etat était absent et qu’il faut l’impliquer davantage à travers le lobbying que je ferai au sein du gouvernement afin que l’Etat puisse consentir énormément des moyens pour le football. Je crois qu’on est en train d’y arriver, les membres du gouvernement sont toujours sensibilisés et quelques grandes entreprises essayent de sponsoriser le football. Ce n’est pas facile mais la tendance est bonne. J’avoue que je n’ai pas assez de temps cependant, j’ai une équipe dynamique qui s’occupe déjà si bien de la chose et j’apporte le leadership nécessaire.

Ialtchad Presse : Un mot sur le football tchadien. Du quasi débâcle des Sao du Tchad quels enseignements vous avez tiré ?
Ministre Adoum Younousmi : Le football tchadien est malade, les prestations de nos équipes nationales ont été médiocres. Ce n’est pas parce que nous n’avons pas de moyens mais nous pensons que nous n’avons pas des joueurs capables de faire la différence. Nous n’avons pas une équipe soudée, nous n’avons pas une équipe engagée qui mouille le maillot et tous ces paramètres font que nous échouons toujours. Tous ces échecs ne peuvent se corriger qu’à travers la formation des jeunes. C’est pourquoi nous ouvrons à la fin de cette année, le centre de formation « l’académie de football de Farcha » et d’autres écoles privées que nous allons appuyer fortement de manière à sortir dans les trois ans avenir, une équipe compétitive. Nous sommes tout à fait optimistes parce que beaucoup de pays sont passés par des centres pour assoir leur football à l’exemple du Ghana, de la Côte d’Ivoire, du Sénégal du Mali et récemment de la Centrafrique. Tous ces pays, à un moment donné se sont abstenus des compétitions, ils ont formé à la base, et après, une équipe est sortie. Mais le défi, c’est de faire en sorte que derrière, il y’aient toujours des pépinières pour arroser l’équipe. Nous conjuguons nos efforts pour arriver à ce résultat. Rien n’est impossible.

Propos recueillis par Moussa Yayami, Hamid

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